A l'instar de la grande majorité des personnes résidant en Ehpad, Germaine Perronne vit désormais à l'heure du confinement, dans sa chambre, pour limiter les risques de contamination. Si l'octogénaire garde le moral, elle craint que d'autres résidents ne souffrent de l'isolement.
"Pour l'instant, tout va pour le mieux. C'est très viable, voyez-vous. Je sais m'occuper, alors je ne m'ennuie pas."
Toute pimpante et souriante, Germaine Perronne, n'est pas du genre à se plaindre. A 86 ans, elle vit depuis plusieurs années dans cet Ehpad du centre de Rennes. Son époux, atteint de la maladie d'Alzheimer, y réside aussi. Nous avions déjà rencontré Germaine Perronne en juin 2017 en pleine canicule.
Et c'est tout aussi philosophe que l'octogénaire affronte aujourd'hui la menace épidémique et le confinement.
D’abord limitées, les visites sont interdites depuis deux semaines dans l’établissement qui accueille 87 personnes âgées. Pour l’heure, le virus a épargné l’Ehpad.
Faut tout de même avancer sinon on ne vit plus
"Le coronavirus ? Ça ne m'inquiète pas particulièrement. Je suis bien consciente qu'il y a des risques mais faut tout de même avancer sinon, on ne vit plus. Toutes les précautions sont prises même si on n'est jamais sûr de rien. Par contre, je pense que cela retient beaucoup de résidents dans leur chambre et ça m'embête."
Elle est comme ça, Germaine Perronne. Elle se préoccupe davantage des autres que d'elle-même. Tenez, sa voisine de chambre. "Avant, on se voyait, on discutait. Aujourd'hui, elle reste cloîtrée dans sa chambre. Que faire ? (...) On va voir si on peut organiser une petite visio-conférence."
En attendant, Madame Perronne lit « tout ce qui [lui] tombe sous la main », fait quelques pas dans le parc dès que le temps le permet et échange beaucoup par téléphone avec sa famille. « C’est important de ne pas se sentir coupée du monde. » Jusqu’à jeudi, elle descendait partager ses déjeuners dans la salle à manger avec les autres résidents, qui le souhaitaient, en respectant un espacement de deux mètres entre chacun. Mais depuis vendredi, tous les repas sont servis en chambre, ce qu’elle regrette un peu.
Eviter le "syndrôme du glissement"
Pour Edward de Goursac, le directeur par interim de l’Ehpad, toute la difficulté est de trouver le juste milieu entre la sécurité des résidents et le maintien d’un lien social salutaire. « A chaque fois que nous élevons d’un cran la sécurité en contraignant un peu plus les visites et les déplacements, nous renforçons l’accompagnement individuel », rassure-t-il. « Nous voulons éviter le « syndrôme du glissement » qui fait que la personne âgée se laisse aller… se laisse mourir d'ennui. »
Maintenir de la vie
Il a donc fallu réorganiser les animations et la communication. Toutes les chambres n’étant pas équipées d’un téléphone fixe, des appareils mobiles ont été commandés ainsi et deux ordinateurs sont réservés pour échanger en visuel.
Dix-sept bénévoles se relaient pour tenter d’animer les journées par téléphone. « Habituellement, ils se déplacent mais, là, il faut éviter au maximum les allers-venues avec l’extérieur ».
« Une école primaire de Rennes nous a aussi contactés pour mettre en relation élèves et anciens. Les enfants envoient des dessins que l’on distribue aux résidents. »
La situation peut évoluer tellement vite
Et puis il y a les familles. « Beaucoup nous remercient. Certaines restent très angoissées et nous demandent régulièrement s’il y a des cas de covid-19 dans l’établissement. Même si on est épargné, jusqu’à présent, c’est difficile de répondre à cette question parce que la situation peut évoluer très vite. »
Dans l’Ehpad, le personnel porte des masques en permanence. « Tout le monde est très mobilisé. Sur 78 personnes, il n’y a eu qu’une seule défection. Si un cas venait à se déclarer, nous avons prévu des chambres pour permettre au personnel soignant de rester dormir sur place et éviter ainsi de contaminer sa famille. Des accords ont également été passés avec des hôtels.»
En attendant, le nettoyage biomédical a été renforcé : mains-courantes, poignées de porte, interrupteurs, boutons d’ascenseur sont désinfectés quotidiennement.
Humainement, on n'est jamais vraiment préparé
Tout comme Germaine Perronne, Edward de Goursac se dit « relativement serein. Cela fait trois semaines que l’on peaufine les protocoles en nous appuyant notamment sur les retours d’expérience des établissements touchés par le virus ».
Voilà pour la théorie car humainement, le jeune directeur reconnaît qu’ « on n’est jamais vraiment préparé à voir plusieurs personnes, que l’on côtoie quotidiennement, décéder. Ce serait forcément très difficile. » Pour parer à cette éventualité, une cellule d’aide psychologique a été mise en place.