Il y a un an, le 1er novembre 2020, Jean-Yves prenait sa retraite. Mais ce mardi après-midi, l’ancien éleveur était à nouveau dans un tracteur à semer du blé. Il a repris quelques heures dans son ancienne exploitation pour s’en sortir. Avec une retraite de 750 euros, il n’avait pas trop le choix. La revalorisation, il y croira quand il la verra sur son compte en banque. "Chez les agriculteurs, il n’y en pas beaucoup qui ont fait le tour du monde " résume-t-il.
"Ma retraite, c’est clair, elle est pas bien grosse". Jean-Yves n’a pas le temps de tourner autour du pot, le tracteur l’attend. Il a commencé à travailler à la ferme à l’âge de 18 ans. A 22 ans, il s’y est installé. 42 ans plus tard, après deux jours de vacances, en moyenne chaque année, il a rangé sa cotte de travail le 1er novembre 2020 pour la ressortir presque aussitôt.
"Je touche un peu moins de 900 euros de retraite, mais comme il y a la CSG et l’impôt à la source prélevé en fonction de mes revenus d’actif, je touche 720- 750 euros. Faut pas aller tous les jours au magasin ! "
Il a donc repris des heures de travail, "déclarées à la MSA", précise- t-il immédiatement. "Car quand on a payé la complémentaire santé, l’assurance de la maison et de la voiture, un peu de chauffage, la retraite est passée. Si il n’y a pas d’économies de faites, il ne reste pas grand-chose. "
Les mal lotis des retraites
Actuellement, la moyenne des pensions agricoles est de 740 € (760 € pour les hommes et 580 € pour les femmes), très loin de la moyenne des Français qui approche les 1400 euros.
La loi Chassaigne va faire remonter les retraites plancher des agriculteurs qui touchaient moins de 1 035 euros par mois. La retraite plancher va passer de 75 à 85% du smic net agricole. Le gain sera de 105 euros par mois, selon Laurent Pietraszewski, le secrétariat d’État aux Retraites.
Mais il y a des conditions, avoir une carrière complète et au moins 17 années et demi comme chef d’exploitation. Jean-Jacques René, président de la section des anciens exploitants FRSEA Bretagne a fait le calcul, la mesure pourrait ne concerner que 15% des retraités. "Mais bon, lâche-t-il, c’est un début, on prend ! "
Les prix comme véritable solution
"100 euros de plus, ç’est sûr, ça fait du bien ! renchérit Jean-Yves. Mais j’y croirais quand ils seront sur mon compte. La retraite, ça devrait être à 1 000 euros net. Nette de CSG, nette de tout. Jusqu’à cette somme-là, il ne devrait pas y avoir de prélèvements. Ce devrait être 1 000 euros versés sur le compte."
" Avec ça, on ne va pas bien loin. Il faut faire attention, faire son potager, sa volaille. C’est comme ça que ceux qui ont des petites retraites s’en sortent, en essayant d’être le plus autonome possible. Il y a plein d’agriculteurs qui n’ont jamais pris de vacances et qui ne sont jamais partis de chez eux, ils sont dans leurs petits potagers. Quand il n’y a pas d’argent, il n’y en a pas, c’est tout. On ne bouge pas. C’est comme ça ! "
"On n’est pas des mendiants" répète l’ancien éleveur. Il avait un troupeau de vaches laitières et quelques bovins viande. "On ne veut pas des mesurettes, ni que le gouvernement mette la main à la poche. La solution, c’est des prix pour les produits agricoles. Si le lait était payé un bon prix, alors les éleveurs pourraient cotiser normalement. Là, les coûts de production pour 1 000 litres tournent autour de 400 euros, et les laiteries l’achètent 350 ! Donc forcément, ils ne peuvent ni cotiser ni mettre de l’argent de côté. "
"Si demain, ils veulent encore des agriculteurs, il faudra accepter de payer le juste prix des choses, et le juste revenu des années de labeur. S'il faut travailler jusqu’à 70 ans et aller directement au cimetière, ça ne vaut pas le coup !" Jean-Yves démarre le tracteur, il a dit ce qu'il avait à dire. Il espère que les choses vont changer.