Avec la flambée des prix du carburant, les vols se multiplient. De quoi irriter des professionnels du transport déjà très affectés par le contexte économique. Les représentants du secteur attendent des mesures fortes du gouvernement pour "passer le cap".
" Nous nous sommes faits voler 5000 litres de gasoil au mois de janvier dans la région de Nantes, puis de nouveau 600 litres en février" annonce d’emblée Gilles Collyer, directeur général de l’entreprise Les routiers bretons.
Ce transporteur, installé sur 4 sites en France (Nantes, Rennes, Mâcon et Lille), précise que les vols de carburant ont toujours existé mais que depuis le début de l’année ils se multiplient. "Le phénomène s’amplifie. Le nombre de vols est proportionnel à l’augmentation du prix de carburant" constate, amer, l’entrepreneur, qui a porté plainte auprès de la gendarmerie.
"Cette semaine nous avons fait très attention" raconte Claude Rault . Le gérant de l'entreprise Transports Rault et membre du syndicat OTRE, a essuyé deux vols de carburant la semaine dernière. Mille litres ont été siphonnés dans ses camions.
Le dirigeant a fait les comptes. "Depuis le mois de janvier le préjudice s’élève à 5600 euros, alors qu’il était de 8200 euros sur toute l’année 2021. Certes le prix a quasiment doublé, tempère -t- il , mais quand même … " . D'autant que l'entreprise a déjà fait les frais de ces vols de carburant en 2018.
Des forces de l'ordre impuissantes ?
Les faits de vols de carburant se développent partout en France. La compagnie de gendarmerie de Vitré confirme que les plaintes pour vols de carburants sont de plus en plus nombreuses. " Depuis le début de l'année on a dénombré environ une vingtaine de faits de vols sur notre territoire" détaille le capitaine Godard. Des vols de gasoil dans les camions, mais aussi dans les réservoirs d'engins de travaux. " On a eu quelques faits de vols sur des chantiers et dans des carrières avec des vols de gasoil dans les véhicules d’extraction" raconte l'adjoint au commandant de la compagnie.
Pour combattre ce phénomène le capitaine Godard explique faire de plus en plus de sensibilisation : " on conseille aux entreprises de sécuriser leur parc avec de la vidéosurveillance mais aussi de garer leur véhicules dans des zones éclairées et de restreindre au maximum la zone d’accès aux réservoirs".
Quant à la mise en place d’un dispositif particulier de surveillance, le capitaine explique " vu le nombre d’entreprises, il est difficile d’être partout, mais on fait davantage de patrouilles à proximité des lieux de stationnement des camions et engins. Et d'ajouter, sur demande on peut aussi réaliser un diagnostic de sécurité sur site".
Le gendarme ne se fait pas d’illusion, "avec l’augmentation du prix du gasoil on va avoir de plus en plus de vols".
Si la compagnie de Vitré dit se mobiliser pour tenter d'endiguer le problème, d'autres groupements de gendarmerie n'ont aucune réponse à apporter aux entreprises victimes. A Nantes, Gilles Collyer dirigeant des Routiers bretons, se plaint de n'avoir reçu aucun soutien des gendarmes. " Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas les moyens de mettre en place des actions spécifiques. Ce n'est pas entendable" fulmine-t-il.
Des vols qui fragilisent la situation financière des entreprises
Anthony Rouxel de la fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR) confirme que le problème concerne tous les professionnels "les entreprises ont mis en place différents dispositifs de sécurité sur leurs sites mais il est bien difficile d’empêcher ces vols lorsqu'ils se déroulent au bord de la route, quand le chauffeur dort ".
Sans avoir une idée précise du nombre d’entreprises concernées, le représentant des transporteurs s’inquiète des conséquences sur la santé des entreprises : "ces vols sont des pertes sèches. Cela aggrave les difficultés financières notamment des petites structures".
Ces siphonnages interviennent, en effet, dans un contexte économique particulièrement difficile pour les professionnels du transport. La hausse du carburant a un impact direct sur leurs finances car elle ne peut pas toujours être répercutée sur les devis des clients. Aussi elle s'ajoute à une augmentation globale des charges des entreprises. "Les salaires ont augmenté de 6%, le prix des pneus de 40% et les assurances de 20%" donne à titre d'exemple Anthony Rouxel.
Les professionnels en appellent au gouvernement
Pour le président de la FNTR, la situation est inédite. "On a déjà connu de fortes augmentations du prix du gasoil, mais là c'est un record. Aussi le contexte est très différent" note François Baudoin.
Le représentant de la fédération qui regroupe 250 entreprises bretonnes explique qu'effectivement "tout augmente en même temps. En outre l'activité reste molle à cause de la crise sanitaire, des élections présidentielles qui retardent les prises de décisions, mais aussi de la guerre en Ukraine."
Le gouvernement doit présenter son plan résilience dans les jours qui viennent. Les organisations professionnelles du transport, FNTR, FNTV, TRF et OTRE, attendent des mesures de soutien concrètes et rapides "pour aider les entreprises à passer le cap" explique François Baudoin. Le 8 mars elles ont adressé une lettre ouverte au Premier Ministre.
Si aucun geste n'est fait en direction des professionnels du transport, leurs représentants n'excluent pas des actions revendicatives. En Bretagne le secteur représente 1800 entreprises et 40 000 emplois.