Une proposition de loi, pour un recours partiel aux néonicotinoïdes, a été déposée le 10 octobre à l'Assemblée nationale. La demande a été signée par 19 députés du Centre et de la Droite. Cette évolution de la loi permettrait de réutiliser des molécules controversées comme l'acétamipride ou le flupyradifurone.
Dans l'hexagone, depuis le début des années 80, les néonicotinoïdes étaient massivement utilisés pour protéger les semences de betterave sucrière. Ces molécules, qu'on appelle communément NNI dans le milieu agricole, sont des insecticides dérivés de la nicotine. Très efficaces sur le système nerveux central des insectes, les NNI sont rapidement mis en cause dans la disparition de colonies d'abeilles.
L'utilisation des néonicotinoïdes en agriculture, des années de controverses
En 1999, l’imidaclopride, plutôt utilisé pour protéger les cultures de tournesol, est le premier néonicotinoïde interdit. En 2003, le CNRS démontre la grande toxicité des NNI et 10 ans plus tard l'Europe suspend trois néonicotinoïdes.
En 2016, l’Assemblée nationale vote l’interdiction des cinq néonicotinoïdes encore utilisés en France et ce malgré l'avis de l'Union européenne qui accorde des dérogations en cas de risques de maladies phytosanitaires.
L'une des plus redoutées est la jaunisse virale, injectée à la plante lors des phases de prolifération du puceron vert.
En 2020, l'attaque de la jaunisse de la betterave est massive. Les rendements s'effondrent, 30% de moins qu'en année normale.
Face à la menace "d’un abandon massif de la betterave en 2021, par les agriculteurs, au profit d’autres cultures", le ministère de l'Agriculture propose la mise en place de dérogations d'utilisation des NNI pour les betteraviers.
Mais, le 19 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne interdit toute dérogation par les États membres et la France abolit toute utilisation de NNI.
Fin de partie pour les NNI ?
Pas tout à fait ! Le 5 mars 2024 est déposée une "Proposition de loi visant à préciser le périmètre de l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes". C'est la proposition de loi 2273, signée par 40 députés dont 4 du Centre-Val de Loire, Luc Lamirault (Eure-et-Loir), Henri Alfandari (Indre-et-Loire), Philippe Vigier (Eure-et-Loir) et Anthony Brosse (Loiret).
Les motifs de cette proposition de loi sont assez simples :
"Elle est le fruit d’un long travail de terrain durant ces dernières semaines. Ce travail a été réalisé dans nos circonscriptions respectives avec la volonté d’écouter et de soutenir notre agriculture."
Et pour soutenir les producteurs betteraviers du nord ou de la Beauce, cette petite quarantaine de députés souhaite l'inscription d'un nouvel article dans la loi interdisant les NNI. Ils proposent que le premier alinéa de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime soit complété par les mots : "sauf si leur usage est autorisé par la réglementation de l’Union européenne".
Une toute petite modification qui ouvre une grande porte. Aujourd’hui encore, des néonicotinoïdes sont effectivement utilisés dans certains pays européens.
Il s'agit de l'acétamipride utilisé en Allemagne, en Pologne, en Estonie, en Croatie et en Italie et du flupyradifurone en Autriche, en République tchèque, en Hongrie, en Slovaquie, en Roumanie et en Finlande.
Ces élus dénoncent donc un "deux poids deux mesures", puisque ces molécules sont interdites en France. Avant la dissolution du mois de juin 2024, cette proposition de loi n'avait pas abouti à une discussion en séance.
Désormais, dans une Assemblée Nationale renouvelée, 19 députés, incluant deux représentants de notre région, Anthony Brosse, député de la 5ème circonscription du Loiret et Henri Alfandari, élu dans la 3ème circonscription de l'Indre-et-Loire, estiment être en mesure de renverser la tendance précédente et obtenir le vote de leur article unique.
La proposition de loi 383, ayant pour auteure la députée de la Marne Lise Magnier, a donc été enregistrée le 15 octobre 2024 et a été renvoyée à la Commission des affaires économiques.
Pour l'instant, rien ne prouve que le texte bénéficiera du consensus nécessaire à son examen au sein de l'hémicycle du palais Bourbon.
L'avis des producteurs de betterave
Au sud de Paris, l'interlocuteur incontournable de la filière betteravière se nomme Alexandre Pelé.
Cet agriculteur installé à Congerville-Thionville, aux confins de l'Essonne, de l'Eure-et-Loir et du Loiret, est le président de la Confédération Générale des Planteurs de betteraves du Centre-Val-de-Loire.
Il a lui-même œuvré en faveur de la proposition de loi numéro 383. "Nous demandons à pouvoir utiliser les mêmes molécules que nos voisins européens, à savoir : l’acétamipride, autorisée jusqu’en 2035 dans l’Union européenne et la flupyradifurone, utilisable en enrobage de semences, explique Alexandre Pelé.
Il faut qu'on combatte les distorsions de concurrence intra-européenne. Cette année, on a eu des attaques de jaunisse en Eure-et-Loir, sans trop de dégâts, mais on est dans un bassin de production où la menace de la maladie existe et on veut avoir une réponse efficace en cas de crise.
Alexandre Pelé, Président de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves Centre-Val de Loire.
"On ne veut pas répandre des NNI par plaisir, juste avoir la possibilité de l'utiliser sur des territoires restreints et en cas de crise grave, comme nos voisins européens", conclut le Président de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves Centre-Val de Loire.