Depuis plusieurs semaines, des syndicats de salariés de la grande distribution multipliaient les mobilisations pour réclamer une revalorisation de leurs salaires et des moyens de travail plus importants.
Ils sont déterminés, mais finalement peu nombreux. Devant l'hypermarché Carrefour de Bourges, moins d'une dizaine de salariés ont répondu présent à l'appel à la grève lancé par la CGT ce jeudi 23 décembre. "On doit avoir 2% des effectifs du magasin", constate, quelque peu désabusée, Laurence Dahan, déléguée syndicale.
Le syndicat avait appelé à la grève entre le 18 et le 24. "Mais on a aussi des familles à nourrir et des petits salaires, donc on n'a pu faire grève qu'aujourd'hui." C'est justement cette question des salaires qui agite, depuis plusieurs semaines, la grande distribution. Face à une inflation de 2,8% sur un an selon l'Insee, les revalorisations salariales proposées par les directions des grandes enseignes sont jugées insuffisantes. Chez Carrefour, les employés se sont vu proposer une augmentation de 1% de leur rémunération. Un "massacre social", juge Laurence Dahan :
Ici, il y a des salariés qui dorment dans leur voiture parce qu'ils sont à 30 heures et qu'ils touchent 900 euros. Comment on peut vivre avec ça ?
Laurence Dahan, déléguée du personnel CGT Carrefour Bourges
Baisse d'effectifs, contrats précaires... et dividendes !
Les syndicalistes entendent aussi s'opposer au projet de la firme de placer en location-gérance une bonne partie des magasins lorsque ceux-ci font face à des difficultés financières. Récemment, c'est le Carrefour Market de Vatan, dans l'Indre, qui était visé. Sauf que la cession de la gestion veut aussi dire "une perte de nos accords conventionnels", souligne la déléguée syndicale. Exemple : la mutuelle à 53 euros pour toute la famille de l'employé pourrait passer à 68 euros pour le seul employé. Selon la direction de la communication de Carrefour, "l'hypermarché de Bourges n'est, à la date d'aujourd'hui, pas sur la liste des projets de passage en location-gérance".
De façon plus générale, la CGT pointe du doigt des conditions de travail "catastrophiques", avec des "équipes et des managers épuisés" et des "manques de personnels". Laurence Dahan, travailleuse sur le site berruyer depuis 28 ans, a vu passer les effectifs du Carrefour de Bourges de 450 à 280, assure-t-elle. "Le directeur nous a promis des embauches, ce qui est déjà bien, mais ce sont des contrats pro et des CDD qui partiront directement après les Fêtes", estime-t-elle. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase : des dividendes de 750 millions d'euros versés aux actionnaires.
Quelques centimes d'écart
Des revendications similaires ont amené les salariés du groupe Auchan à descendre aussi dans la rue. Ce jeudi, une mobilisation a rassemblé des employés de l'hyper Tours-Nord, après ceux de St-Jean-de-la-Ruelle, Gien, Blois-Vineuil, Olivet et Châteauroux il y a quelques jours. La direction d'Auchan a, elle, proposé une revalorisation de 2,2%.
Pas de quoi satisfaire l'intersyndicale CFDT-CGT-FO, qui avait déjà appelé à la grève vendredi 17. "Pour les niveaux 1, 2 et 3 de rémunération, on n'a plus que 10 centimes d'écart", note Caroline Blot, déléguée syndicale CFDT Auchan Val de Loire. Si bien que certains paliers d'écrat de rémunération seraient, un temps, passés sous le niveau du SMIC. Et, comme chez Carrefour, elle dénonce des manques de personnels. "Ils embauchent en fonction du chiffre d'affaires des magasins, donc comme ça a baissé pendant le Covid, ils n'embauchent plus", regrette-t-elle.
Les accords sont signés
Pourtant, la mobilisation tourangelle de ce jeudi est certainement la dernière de la région. Car la direction d'Auchan a annoncé mardi un accord majoritaire avec les syndicats CFTC et SEGA-CFE-CGC entérinant la hausse générale des salaires de 2,2%. Au grand dam de l'intersyndicale.
"Cet accord entérine des propositions pour préserver le pouvoir d'achat des salariés, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) 2022 avancées en 2021, et donc applicables au 1er janvier", précise une porte-parole du distributeur. Parmi elles, une augmentation de 2,2% des salaires, pouvant aller "jusqu'à 4% selon les catégories", un doublement de l'indemnité inflation de 100 euros versée par l'État, et une remise en magasin portée à 15% pour les salariés.
Côté Carrefour, même constat. Laissé en minorité, la CGT est le dernier syndicat à ne pas avoir signé l'accord de la direction. "Cet accord stipule une nouvelle augmentation générale des salaires de 1 % à compter du 1er novembre. Ceci, en complément des NAO 2021 qui intègrent une "prime d’engagement" de 200 € pour les salariés des hypermarchés (2/3 de l’effectif de Carrefour France)", précise la direction de la communication du groupe. D'ailleurs, les fameuses négociations annuelles obligatoires (NAO) viennent de s'entamer chez Carrefour, et pourraient amener à de nouvelles revalorisations.
Mobilisation en voie d'extinction
Alors face à ce constat, les manifestants sont bien résignés. "Si on continue de manifester, la direction va dire qu'on met la santé du groupe en péril puisque la majorité des syndicats a signé", explique Caroline Blot. À Bourges, Laurence Dahan regrette que "les salariés aient peur des répercussions de la direction sur leur emploi du temps s'ils font grève, alors qu'ils en ont le droit", donnant par là son explication à la faible mobilisation. "On a des salariés qui nous rejoignent au fur et à mesure, mais ils viennent de finir leur travail, ils viennent sans faire grève."
Selon la direction de la communication de Carrefour, à part devant l'hypermarché de Bourges, la mobilisation est éteinte dans la région. Une victoire pour les deux enseignes, qui se préparent à accueillir des clients en nombre, prêts à faire leurs courses de Noël.