Baguette à 29 centimes : "une insulte à une profession et à un produit" dénonce la filière blé en Centre-Val de Loire

Des agriculteurs aux boulangers en passant par les meuniers, l’annonce du lancement d’une baguette à 29 centimes par le groupe Leclerc a eu l’effet d’une bombe dans toute la filière.

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Michel-Edouard Leclerc a annoncé le 12 janvier que le prix de la baguette de pain serait gelé à 29 centimes d’euros durant quatre mois dans l’ensemble des magasins du groupe. Une offre commerciale que le patron de la célèbre enseigne de grande distribution justifie par l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat des français et qui n’a pas tardé à faire réagir l’ensemble de la filière blé, à commencer par les agriculteurs.

Dans un communiqué, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants agricoles (FNSEA) dénonce une campagne "démagogique et destructrice de valeurs". 

"Michel-Edouard Leclerc est fidèle à ses agissements. C’est l’ambassadeur du prix bas. Pour lui un produit n’est que le prix. Sa valeur symbolique ne rentre pas en ligne de compte", s’agace Florent Leprêtre, président de la FNSEA du Centre-Val de Loire. Il rappelle qu’actuellement "les cours des céréales et les coûts de production progressent fortement". Par conséquent, le prix "normal" de la baguette est désormais en moyenne de 90 centimes selon l’INSEE.

Le président régional du premier syndicat agricole regrette que cette annonce intervienne, qui plus est, "en pleines négociations" entre producteurs et distributeurs. "Ce n’est pas honnête. Nous, ce qu’on défend, c’est le prix juste et non pas le prix bas. Et un prix juste c’est celui qui rémunère convenablement tous les acteurs de la filiale. De la matière première au produit fini."

"Concurrence déloyale et manque de respect"

Le prix du blé ayant augmenté d'environ 30% en un an, Thierry Villard dénonce lui aussi une "concurrence totalement déloyale". "Il ne respecte même pas ses salariés puisqu’il brade leur travail et leur savoir-faire", fustige le président de la Chambre Patronale de la Boulangerie du Loiret, qui craint que les clients sous-estiment désormais le cout réel de fabrication du pain. "Ça donne au consommateur le sentiment qu’on peut lui vendre une baguette à 29 centimes alors que ce n’est pas possible. Il y a des salaires, à verser, des charges, un cout de la matière première et de l’énergie".

Aujourd’hui tout le monde le sait il y a une inflation sur les matières premières donc il ne gagne pas d’argent dessus, c’est juste un coup de publicité pour attirer les gens dans ses magasins. 

Thierry Villard

Mais alors que la baguette française est sur le point d’entrer au patrimoine mondial de l’UNESCO, les boulangers craignent aussi pour l’image de leur produit et de leur profession. "C’est toujours dérangeant car le pain a toujours eu une très bonne image et là, un industriel la met à mal", dénonce le boulanger de Blois Jacky Ottobruck, Egalement président départemental de la fédération de la boulangerie et pâtisserie du Loir-et-Cher, il a toujours défendu fermement le savoir-faire des artisans, en lançant notamment il y a quelques années, la "Charte du fait maison" sur les viennoiseries. "La baguette c’est un produit noble, naturel, qui est l’image même de l’artisanat français donc c’est une attaque directement à notre profession", regrette-t-il.

"Les clients sauront encore reconnaitre une bonne baguette"

Certes, l’annonce fait mal, mais de là à penser que les clients vont déserter les boulangeries pour dévaliser les rayons du géant de la grande distribution, la réponse de Thierry Villard est "non ".  "Les clients sauront encore reconnaitre une bonne baguette, donc de ce point de vue-là, on n’est pas inquiet ". "Il y en a qui vont essayer d’acheter chez Leclerc, mais ce sera sur une durée très courte", se rassure Jacky Ottobruck. "Je suis confiant dans les consommateurs. Ils retourneront chez leur artisan parce qu’ils savent très bien qu’on joue le jeu de la qualité et du fait maison."

La priorité c’est respecter le consommateur. Ce n’est pas seulement le prix qui amène des clients.

Jacky Ottobruck

Coté agriculteurs, Florent Leprêtre estime lui qu'il faut "se faire plaisir en achetant de bons produits tout en rémunérant justement tous les acteurs". Il espère donc un "sursaut des consommateurs" qu’il souhaite voir bouder les "baguettes Leclerc"

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