Budget de l'État, poids des taxes et charges patronales, enfer administratif : les PME et ETI s'inquiètent pour leur compétitivité

Alors que le Parlement débat sur le budget de l'État proposé par le gouvernement, le monde des petites et moyennes entreprises s'inquiète des futures mesures prises. Rencontre avec Alexis de L'Espinay, vice-président du Club ETI Centre-Val de Loire.

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Alexis de L'Espinay dirige le groupe Artus depuis 2010. En 14 ans, le chiffre d'affaires de cette ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire) est passé de 25 Millions € à 225 Millions €.

Le recrutement ?

Il peut y avoir un frein d’ancrage parce que la mobilité des gens peut être un frein, mais le frein du recrutement aujourd’hui, il va plutôt arriver sur l’attractive de l’entreprise. Les PME manquent de marque employeur. Cela veut dire qu’aujourd’hui, elles recherchent des postes, des compétences, mais les gens qui sont en recherche ne connaissent pas forcément ces entreprises-là, donc on se retrouve avec un problème d’adéquation entre la demande forte d’entreprise qui est de temps en temps méconnu du grand public et les personnes en recherche d’emploi. Cette adéquation est compliquée à trouver et c’est un vrai frein économique.

Les PME manquent de marque employeur.

Alexis de L'Espinay

Comment attirer le personnel recherché ?

Quand on rentre dans une entreprise comme ça (LSDH à Saint Denis de l’Hôtel, 2 200 collaborateurs, chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros), une belle ETI en croissance, les bons candidats peuvent justement évoluer et suivre la croissance de l’entreprise. Là aujourd’hui, c’est quelque chose qu’il faut vendre quand on veut « draguer » un candidat. L’entreprise grandit, se développe, donc on a quelque chose à proposer et celui qui veut rentrer dans le bateau, il peut grandir avec l’entreprise. Aujourd’hui, beaucoup d’ETI vont accompagner leur personnel pour grandir par le biais de formation qualifiante externe ou interne et faire ainsi monter en compétences les collaborateurs.

Le poids de l'Administration ?

C’est un mille-feuille administratif, aujourd’hui, on veut la simplification ! Le gouvernement avait commencé à initier cette simplification, mais ça reste un chemin de croix pour obtenir un peu d’accompagnement. Je plains les petites entreprises, elles n’ont pas le temps, pas les moyens de pouvoir passer du temps administrativement pour aller chercher un accompagnement, pour pouvoir être aidées. Les multinationales ont largement les moyens de déléguer des gens sur les tâches administratives et on se retrouve avec une disparité d’aides qui sont données faiblement aux ETI. On a que 6% des aides alors que l’on représente 50% des emplois.

On est dans l’opérationnel et on ne se donne pas les moyens de remplir des dossiers administratifs pour de l’accompagnement. Malheureusement, cet empilement administratif est un frein à nos entreprises et c’est valable dans tous les secteurs d’activité.

L'incertitude de la politique gouvernementale est-elle une source d'inquiétude ?

Je confirme, ça bloque parce qu’aujourd’hui, on est dans l’attente de décisions budgétaires notamment. Est-ce qu’on va se faire taxer, est-ce qu’on va avoir de l’accompagnement pour les entreprises, donc on souhaitait embaucher, on souhaitait se développer mais on attend les mesures exactes parce que le gouvernement ne sait où va être le curseur, à quel niveau la compétitivité va être accrue ou, malheureusement par le biais de taxes, baisser par rapport à d’autres pays de l’Europe. On se bat pour ça aujourd’hui. Qui dit compétitivité ne veut pas dire rentabilité, veut dire surtout conservation et développement de l’emploi en France avec les entreprises et leur ancrage territorial. On prône ça au quotidien. Je me bats pour mon entreprise et de nombreux clients qui sont implantés en région Centre ou des endroits reculés. On a souvent des pépites et si elles veulent continuer à se développer, il faut qu’on ait un accompagnement du gouvernement et que les lois budgétaires ne soient pas trop drastiques pour qu’on puisse revenir compétitif notamment face à l’Allemagne. Si on prend la baisse des charges patronales, ce serait bien notamment dans l’industrie. Il y a un transfert de l’industrie basse qualification vers l’industrie 2.0, 3.0, donc on va se retrouver avec des compétences d’automaticiens, de techniciens qui ont des rémunérations supérieures, beaucoup plus qualifiés.

Si on veut redevenir compétitif avec l’Europe de l’Est, le Maghreb et l’Afrique du Nord, il faut qu’on ait des aides de l’état sur la partie charges patronales pour éviter qu’on soit ultra-taxé afin que l’on continue à produire et se développer en France.

Comment se porte le marché de l'export ?

Beaucoup sont dans le protectionnisme aujourd’hui, aux États-Unis particulièrement. Ils ont des barrières à l’entrée, des systèmes de distribution par état qui sont très cloisonnés. Pour pénétrer ce type de marché, il faut une expertise, un accompagnement, cela peut être aussi un frein du développement à l’international. En Asie, la culture, les organisations, les consommations sont différentes. Ils ne vont pas avoir les mêmes types de produits que l’on peut avoir en Europe, cela peut être une autre barrière. Il y a aussi l’Afrique, par exemple, où l’on a une réactivité, une compétitivité qui peut être très importante par rapport à l’Europe. Et aujourd’hui, il y a beaucoup plus d’implantations, notamment sur des PME et ETI françaises, parce qu’il n’y a pas de barrière de langue.

Quel est l'impact de l'instabilité de la situation géopolitique ?

Effectivement, on a cette instabilité, notamment au Proche-Orient. Ça va permettre de développer les entreprises de l’armement. En France, on a beaucoup d’entreprises industrielles, particulièrement en région Centre-Val de Loire, qui exportent et cela va leur bénéficier. Mais après, au niveau de ces guerres, ces conflits en fonction des alliances des uns et des autres, c’est un frein aux entreprises exportatrices parce qu’on doit arrêter certaines exportations sur certains pays dues à ces alliances. On prend des marchés florissants sur la partie cosmétique, la partie spiritueux qui ont des problèmes d’exportation dus à cette instabilité.

Cette confiance, qui s’est détériorée au cours des derniers mois, est reportée en espérant que, pour 2025, on reparte de l’avant avec de bonnes nouvelles économiques, sociales et budgétaires.

Alexis de L'Espinay

Pour ce qui concerne le coût de l’énergie et des matières premières, cela fait partie des grands chevaux de bataille, on se bat au quotidien parce qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas compétitifs avec l’Allemagne où les prix de l’énergie ont été bloqués par le gouvernement. On se retrouve avec des décalages de 20% à 30% de coûts supérieurs aux pays frontaliers de la France et on ne parle même pas du dumping de l’Asie. Cela décale encore la productivité des produits manufacturés en France, alors que l’on est capable de les produire à plus bas coût. Cette hausse importante de l’énergie est un vrai frein économique.

Ce qui crée la dynamique économique, c’est la confiance des dirigeants, des chefs d’entreprise pour aller de l’avant, mais avec cette instabilité à la fois en France et à l’international, c’est là encore un frein, cette confiance, qui s’est détériorée au cours des derniers mois, est reportée en espérant que, pour 2025, on reparte de l’avant avec de bonnes nouvelles économiques, sociales et budgétaires.

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