"C'était l'apocalypse" : il y a vingt ans, le Centre-Val de Loire balayé par la tempête de 1999

Le 26 décembre 1999, la tempête Lothar balayait la région Centre-Val de Loire, tuant deux personnes et laissant 100 000 foyers sans électricité.

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Dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999, puis les 27 et 28, deux tempêtes en provenance de l’océan Atlantique, coup sur coup, frappent la France d’ouest en est. La première, baptisée "Lothar" dévaste la moitié nord du pays ; la seconde, "Martin", la partie sud. Le phénomène météorologique cause un lourd bilan humain : 92 morts dans l’Hexagone. Le bilan matériel se chiffre en milliards de francs de l'époque. Toitures arrachées, arbres couchés sur les routes, électricité coupée : les dégâts valent à cette catastrophe le surnom de "tempête du siècle".

 

La  "tempête du siècle"


L’ampleur du phénomène météorologique est exceptionnelle et dépasse les prévisions de Météo France. Les vents excèdent les 170 km/h et, contrairement à la plupart des tempêtes venues de l’océan, le souffle ne faiblit pas à mesure que la dépression progresse sur le continent. Les passages de Lothar et Martin et les ravages qu’elles provoquent "On a hurlé, hurlé, hurlé", racontait alors à France 3 une habitante de Saint-Avertin, dans l'Indre-et-Loire, qui a vu une grosse branche tomber et percuter sa caravane. "C'était l'apocalypse", renchérit une autre. "tous les arbres tombaient, ça tombait partout." 

A Orléans, un couple périt au dernier étage de son immeuble dans l’effondrement de la cheminée. Si les victimes humaines sont moins nombreuses qu’ailleurs, les sinistrés se comptent par centaines de milliers dans la région. Katia Mercier garde le souvenir d’une nuit d’angoisse. Elle a sept ans à l’époque.

La ferme familiale de Villiers-au-Boin, à l’ouest de l’Indre-et-Loire est située dans les zones de la région frappées les premières par la tempête. Sa famille est réveillée peu avant le lever du jour par le vacarme du vent et des projectiles qui volent. Le courant est coupé, son père sort inspecter le disjoncteur dans une bâtisse attenante. Dans les faisceaux de lumière des lampes de poche, Katia voit le toit de la maison s’envoler.

Tout a atterri à quelques mètres de mon père. Il est rentré livide. Nous sommes partis en urgence nous réfugier chez mes grands-parents. Sur la route, les arbres pliaient dangereusement, des débris de la cimenterie voisine voltigeaient dans tous les sens. A sept ans, voir mon père effrayé pour sa vie et la nôtre m’a traumatisée. Aujourd’hui chaque tempête réveille ces souvenirs douloureux et me terrorise


 

Branle-bas de combat chez les pompiers

Dans sa maison de Luray, Daniel Jorry conserve un album photo des dégâts. Il nous montre les clichés pris le matin : des cabines de pêcheurs à moitié coulées dans un plan d’eau, une allée de vingt-cinq peupliers tous déracinés, au sol. Sapeur-pompier volontaire il y a vingt ans, il est bipé de bonne heure pour partir en intervention.

Il constate les premiers dégâts à peine passé le pas de sa porte : un noyer a enfoncé le toit de son garage dans sa chute. "Mais je n’ai mesuré vraiment toute l’étendue des dégâts que sur la route et en arrivant à la caserne". Là, il décrit une atmosphère de branle-bas de combat au SDIS de Dreux : des appels incessants, des équipes qui se composent et partent en intervention à la hâte. Partout, dans la nuit et le matin du 26 décembre, les centres de secours enregistrent des nombres d’appels record : des centaines, des milliers selon les endroits. "Je suis parti tôt le matin de chez moi et rentré tard le soir, et ce, pendant plus d’une semaine", poursuit-il.
 
 

Les forêts en berne

En Centre Val-de-Loire, un secteur d’activité est durement touché, celui des forêts. A l’échelle nationale, 6% de la superficie totale des forêts sont détruits. Dans la région, 220.000 mètres cubes de bois sont au sol. Une course contre la montre s’engage. 

"Des bois fendus, tordus, qui perdent largement de leur valeur et risquent de pourrir ou être la proie des insectes au bout de quelques jours sur place. En une nuit, c’est quatre-vingts ans de gestion forestière, des générations successives, qui sont ruinés", commente Yves Baugin. Ce responsable de l’unité territoriale du massif d’Ingrannes, en forêt d’Orléans, occupait déjà la maison forestière de Vitry aux Loges en 1999.

C’est un crève-cœur de ressortir et contempler à nouveau les photos des parcelles décimées, des troncs fondus, des arbres dessouchés. Il nous conduit en forêt pour observer les "cicatrices" de la catastrophe, toujours visibles vingt ans après : des parcelles entièrement ravagées sur lesquelles on a replanté des pins. Des arbres encore jeunes et fins comparés à ceux des parcelles voisines épargnées, et qu’on ne pourra pas prélever avant huit ans encore.

Sur d’autres parcelles pas totalement détruites en 99, on a aussi des problèmes de rendement. Là où on aurait 30 mètres cube de bois à l’hectare, on en a qu’une quinzaine. La forêt ne s’est pas encore suffisamment régénérée pour compenser le traumatisme


Dans la région Centre d'alors, qui possède certaines des plus grandes exploitations forestières, l'équivalent d'une récolte annuelle de bois a été perdue, avec d'importantes disparités locales. "Dans la forêt de Dreux, c'est l'équivalent de quatre récoltes annuellles qui a été perdu", relève ainsi Yves Ducos, directeur territorial du Centre de l'Office national des forêts (ONF). Les régions de Montargis et Lamotte-Beuvron ont également été rudement touchées.

 

Douloureuses leçons

Pendant la tempête, de nombreux arbres emportent avec eux câbles et poteaux électriques. Mais la seule force du vent suffit aussi à faire plier des pylônes. A 06h50 le 26 décembre 1999, au Nord d’Artenay, la chute de quatre lignes très haute tension interrompt la circulation sur l’A10. Dans l’Eure-et-Loir 14 pylônes s’affaissent. 328.900 foyers sont privés d’électricités le jour-même. Trois jours après, ils sont encore près de 100 000 en Centre-Val de Loire. Une semaine plus tard, ils seront encore quelques milliers à fêter le passage à l'An 2000 à la bougie, tandis que des milliers d’agents d’ERDF sont à pied d’œuvre sur tout le territoire.

"1999, c’était vraiment catastrophique pour nous et ça a été vraiment un déclic", analyse Bruno Marem, interlocuteur collectivités en Centre-Val de Loire pour Enedis (ex-ERDF). "A la suite de la tempête, nous avons beaucoup investi pour sécuriser nos lignes, en particulier dans les zones boisées." Autrement dit, l’opérateur a multiplié les chantiers d’enfouissement des lignes électriques, pour doubler la part du souterrain, 43% du réseau en Centre-Val de Loire en 2019. Pour les situations d’urgence, après 1999 Enedis s’est aussi dotée d’une Force d’intervention rapide et d’une plateforme de mise à disposition rapide de matériel, groupes électrogènes principalement.

Autres professionnels dont les pratiques ont été modifiées par les tempêtes de 1999, ceux de la météorologie. A l’époque, Météo France communique principalement avec les autorités. "Après analyse, il a été jugé nécessaire d’élargir nos canaux de diffusion pour toucher plus largement le grand-public, et surtout d’affiner les niveaux de risques avec des bulletins de vigilance et des conseils de comportements", explique Pierre Bonnin, responsable adjoint du centre météorologique de Tours.

"Nous nous sommes inspirés de ce qui existait déjà dans les DOM-TOM pour les cyclones et tempêtes tropicales", précise-t-il. Conséquence directe de l’épisode de 1999, les cartes de vigilance avec un code couleurs en fonction du niveau de risques sont mises en place en 2001. Au niveau local, des capteurs de mesure du vent supplémentaires sont installés. Six sont répartis dans l’Indre-et-Loire, contre un seul, à Tours, auparavant. Vingt ans après ce "bug climatique", la région Centre-Val de Loire a connu son lot d'inondations et de sécheresse mais, avec la crise climatique, tous ces "événements extrêmes" pourraient devenir plus fréquents d'après les scientifiques.


Retrouvez les images réalisées en 1999 par France 3 après le passage de la tempête du siècle :
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