"Chevilles ouvrières" de la prévention, les CPRAF désamorcent la radicalisation avant qu'elle ne mène au drame. Reportage à Bourges.
"En matière d'accompagnement social, nous faisons de la dentelle", expose Catherine Ferrier, préfète du Cher. En cette journée de la mi-juillet, la représentante de l'Etat vient d'achever une réunion de la CPRAF à Bourges. Les Cellules de Prévention de la Radicalisation et d'Accompagnement des Famille oeuvrent souvent dans l'ombre, le plus loin possible des polémiques sur ce sujet inflammable.Autour de la table, des travailleurs sociaux et médico-sociaux, de l'Education nationale, du conseil départemental, de la CAF, de la protection judiciaire de la jeunesse ou encore du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
L'insertion sociale, levier anti-radicalisation
On y évoque le cas anonyme d'un jeune homme d'une vingtaine d'années qui fait l'objet d'un suivi approfondi sur l'accès à une formation et son chemin vers l'emploi. "Il y a eu un petit lâcher prise de ce jeune homme qui ne s'était pas rendu à plusieurs rendez vous et qui après insistance de son père a repris attache avec la mission locale", détaille un travailleur social. "On le suit depuis longtemps. Il a pu faire preuve d'une forte radicalité mais
a aussi réalisé un gros travail de reconstruction de la personnalité", commente la préfète auprès du secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Laurent Nuñez.
En 2018-2019, sur l'ensemble du territoire, ce sont 2 500 personnes radicalisées qui ont été prises en charge, 6 300 depuis la création du dispositif en 2014, selon le ministère de l'Intérieur.
Les personnes suivies le sont "sur le principe de la libre adhésion", indique le responsable d'une association. Si les forces de police, gendarmerie et de la sécurité, sont chargés d'analyser les risques et les situations au sein de groupes d'évaluation départementaux, les CPRAF sont leur pendant "prévention". Objectif principal : accompagner, de l'école à la sortie de prison, avec un suivi psychiatrique proposé dans la moitié des cas.
Les CPRAF, un acteur de terrain
"Les CPRAF sont les chevilles ouvrières" de la prévention de la radicalisation, martèle Muriel Domenach, qui quittera dans quelques jours la tête du Comité de prévention de la délinquance et de la radicalisation. "Parce qu'elles sont présentes dans les territoires", précise-t-elle, "et surtout parce qu'elle associent des acteurs qui n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble. C'est courageux, et ça porte ses fruits".
L'un des succès des CPRAF, souligne Mme Domenach, est la baisse du nombre de mineurs suivis, passé de 26 à 15%. Le résultat d'un gros travail de formation, mais aussi d'une volonté constante d'améliorer le dispositif et de le rendre toujours plus pertinent Ainsi, l'accent est mis en ce moment sur les personnes de retour de zone, la radicalisation dans le sport, les sorties de prison... "mais aussi les femmes", ajoute Mme Domenach,
Maitre mot du dispositif ? L'adaptation. Comme dans le Cher, où sont suivis une dizaine de cas. Un travailleur social et un psychologue sont chargés d'évaluer chacun des cas, en prenant en compte le facteur singulier de la ruralité. Pour Catherine Ferrier, "chacun rentre dans la radicalité par une porte singulière donc leur sortie se fait également par une sortie singulière".