Cacao et chocolat ! Le goût du partage éthique qui donne du sens à la gourmandise

Daniel Mercier, chocolatier pâtissier du Berry, a fondé Les Chocolatiers Engagés, un réseau dédié au soutien des producteurs de cacao au Cameroun. En assurant un prix équitable et en adoptant des pratiques durables, ce projet revitalise la filière cacao, protège l'environnement et produit un chocolat d'exception.

"Tombé dans le chocolat dès l'enfance", petit-fils d'un boulanger-pâtissier et fils d'un chocolatier à Baugy-en-Berry, Daniel Mercier perpétue à son tour l'art de la gourmandise.

À travers le chocolat, on transmet de l'amour, de l'émotion, des saveurs, des valeurs.

Daniel Mercier, chocolatier

Une appréciation qui n'est pourtant pas unanime, car l'industrie du chocolat est aujourd'hui pointée du doigt. Accusée de contribuer à la déforestation des forêts tropicales et de maintenir de nombreux producteurs de cacao sous le seuil de pauvreté, elle fait face à de vives critiques.

Pour prouver qu'une alternative est possible, Daniel Mercier et une dizaine d’artisans chocolatiers français ont créé en 2017 le mouvement Les Chocolatiers Engagés.

Chocolatiers Engagés

Au cœur du Berry, à Baugy dans le Cher, Daniel Mercier a initié un réseau novateur, Les Chocolatiers Engagés, en collaboration avec des artisans chocolatiers et confiseurs francophones passionnés. Cette association bénévole regroupe des professionnels unis autour de cette filière.

Ce collectif s'engage à garantir un prix équitable aux producteurs de cacaoyers des villages forestiers camerounais, en échange d'une production respectant des standards d'excellence et des critères environnementaux.

Avec un minimum d'intermédiaires pour répondre aux attentes des consommateurs, les artisans chocolatiers qui arborent le logo "Chocolatiers Engagés" privilégient le circuit court. Ils militent pour un juste prix versé aux cultivateurs, interdisent le travail des enfants dans les cultures, empêchent la déforestation et favorisent l'inclusion des femmes.

La qualité du cacao étant primordiale pour leurs produits, ils ont ajouté un critère supplémentaire : la fermentation et le séchage doivent se réaliser dans des conditions optimales.

Bâtissons un système vertueux, créons un circuit court, rencontrons les planteurs et essayons de bâtir une histoire avec eux.

Daniel Mercier, chocolatier

Aujourd'hui, ils ont franchi la barre des cent adhérents. Cette initiative créée en France prend une dynamique européenne, et des partenaires belges et suisses commencent à s'engager. 

Cacao et chocolat, le goût du partage

Pendant des décennies, les producteurs de cacao du Cameroun, avaient connu une dégradation de leurs revenus et de leurs conditions de vie provoquant l'exode des jeunes générations et l'abandon des villages. 

En 2012, Omer Maledy est recruté par le Conseil interprofessionnel du cacao et du café. Il propose une nouvelle stratégie, tournée vers les jeunes et axée sur la production d'un cacao de qualité.

L'initiative vise à encourager les jeunes en leur disant : "Si vous vous lancez dans la culture du cacao, cela peut devenir un beau métier qui vous permettra de subvenir à vos besoins. Conscients des défis que cela représente, nous nous engageons à les accompagner pendant trois ans."

Chaque jeune disposera de trois hectares de terre, avec tout le soutien nécessaire pour réussir, tout en restant dans son village, sur les terres de ses ancêtres. L'élément le plus crucial et le plus coûteux demeure la formation, essentielle pour accompagner ces jeunes dans leur parcours.

Omer Maledy ne veut rien imposer. Chaque apprenant choisit librement son leader, une formule qui donne de très bons résultats.

Le documentaire "Cacao et chocolat ! Le goût du partage", réalisé par Laurent Sorcelle  met en avant cette initiative solidaire née dans le Berry. Elle ouvre la voie à une aventure humaine et collective, enrayant l'exode de la jeunesse tout en développant une coopération durable et bénéfique pour tous.

La source du chocolat 

Des liens d'amitié se sont créés entre les villageois camerounais et ceux du Berry, favorisant une coopération chaleureuse et authentique. L'origine des chocolatiers, loin de la capitale, est essentielle dans ce processus de rapprochement et de partage.

Des villageois producteurs de cacao rencontraient des villageois producteurs de chocolat, c'était providentiel.

Omer Maledy

Un échange mutuellement bénéfique, fondé sur le respect des valeurs humaines. Les chocolatiers s'engagent à soutenir la jeunesse en achetant leur cacao à un prix élevé, afin d'encourager la production d'un cacao de qualité et de valoriser leur travail. 

La fermentation des fèves de cacao est une étape cruciale qui offre de nombreux avantages pour la production de chocolat. En modifiant la composition chimique des grains, elle développe des arômes complexes, tels que des notes fruitées, florales ou épicées. Ce procédé réduit également l’amertume des fèves non fermentées en éliminant les tanins et en libérant les arômes naturels du cacao.

De plus, la fermentation augmente la teneur en sucre en facilitant la conversion de l’amidon. Elle améliore également la texture en détachant les fèves de leur pulpe, ce qui facilite leur séchage et optimise leur qualité.

Une fois la fermentation terminée, les fèves doivent présenter une couleur brune à l'intérieur ; si elles sont violettes, cela indique que le processus n'a pas été à maturité et qu'il peut être nécessaire de prolonger la durée de cette étape.

Le séchage, qui suit la fermentation, dure elle aussi, en moyenne 7 jours. Les très grosses fèves de Lembé Yézoum se distinguent par une odeur légèrement vinaigrée, un signe prometteur pour la qualité du chocolat.

La récolte du cacao s'étale de septembre à décembre. 

Le prix du chocolat

"Faire le choix d'un bon cacao, c'est faire le choix d'un cacao de qualité, mais pas seulement. C'est aussi choisir un cacao qui a été produit dans de bonnes conditions, dans le respect de la nature et qui rémunère le producteur."

Les chocolatiers engagés sont des artisans du chocolat (chocolatier, pâtissier, boulanger, chef...) qui choisissent avec soin leurs matières premières pour garantir des créations chocolatées gourmandes, tout en leur accordant une dimension humaine qui leur confère toute leur valeur.

Le payant payant équivaut à donnant-donnant, dans cette équité, tout le monde est gagnant. C'est un circuit court innovant et ces notions de partage donnent cette saveur particulière au chocolat des chocolatiers engagés. 

La forêt qui cache le cacaoyer

"Pour répondre à la croissance constante de la consommation mondiale en chocolat, nombre de forêts ont disparu dans les pays producteurs pour laisser place à une culture intensive des cacaoyers." En Malaisie et en Afrique Centrale, le constat est frappant.

La préservation des grands arbres, en particulier des baobabs, est essentielle dans le système agroforestier du Cameroun. Ces arbres jouent un rôle crucial dans le maintien de l'écosystème du cacaoyer, en contribuant à créer un microclimat et une humidité favorable à sa croissance.

Au-delà des directives européennes, les populations locales sont profondément attachées à la préservation de leur forêt et au maintien de son équilibre. Leur connaissance traditionnelle et leur respect pour la nature sont des atouts précieux dans cette lutte pour la pérennité de leur environnement.

Les belles histoires du cacao en Malaisie

Jean-Claude Ngono, qui travaillait à l'aéroport international de Douala, a tout quitté pour s'engager aux côtés de chocolatiers. Aujourd'hui, il est le responsable de "New Génération" à Akomnyada.

Nous avons fait le bon choix et nous allons continuer.

Jean-Claude Ngono

Odile, abandonnée par son fiancé avec deux enfants, est retournée au village, où elle s'est investie dans la cacaoculture. Elle incarne désormais un véritable modèle de réussite.

Quant à Marie-Gervette, handicapée suite à un accident de moto, elle possède une plantation et une boutique, devenant ainsi une figure importante de la communauté.

Aujourd'hui, je ne suis plus un fardeau pour ma famille.

Marie-Gervette Owono

Fiers de leur parcours, ils abordent désormais l’avenir avec confiance. Les banquiers, qui étaient plutôt réticents au début de l’aventure, ont finalement adhéré au projet. Les négociations concernant les taux d’intérêt pour les acquisitions ainsi que pour l’épargne ont été difficiles, mais le résultat final est concluant. Dans ce domaine, le principe du gagnant-gagnant a également fait ses preuves.

La coopérative des femmes à Ihound illustre l'intégration et l'évolution des femmes en milieu rural. Elle leur permet d'accéder à la propriété.

Pour permettre la création d'une ferme école à Nkongkéni par les chocolatiers engagés, Appolinaire Ngwe, président du Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC), a mis à disposition du projet dix-sept hectares de forêts qu'il possédait dans son village natal. Ce sera un endroit pilote, mais aussi un centre d'expérimentation et d'apprentissage de la taille. 

La leçon du chocolat 

Luc Magloire Mbarga Atangana, Ministre du Commerce du Cameroun, a déclaré que "Ce processus a fait école."

Qu'en penserait le petit Mercier, lui qui préférait croquer des dessins pendant les cours ? L'école, ce n'était pas vraiment sa tasse de chocolat, et pourtant !

Son parcours illustre l'importance de suivre ses rêves, car c'est en cultivant ses passions qu'il a ouvert la porte du partage et de la solidarité.

Les chocolatiers engagés sont de plus nombreux, et leurs projets sont aussi riches et prometteurs qu'une boîte de chocolats.

Retrouvez "Cacao et chocolat ! Le goût du partage", un documentaire de Laurent Sorcelle produit par Calisto Productions et France 3 Centre-Val de Loire ce jeudi 03 octobre 2024 à 22h50, en avant-première et en replay sur france.tv.