Les sapeurs-pompiers peinent à recruter. Le métier a considérablement changé depuis plusieurs années. Nous avons suivi trois d’entre eux dans leur quotidien à la caserne de Bourges.
Fabien Gaugry est pompier professionnel à Bourges. L’urgence est son quotidien. Ce matin-là, la sirène retentit dans la caserne et c’est la course jusqu’au vestiaire pour prendre les vêtements d’incendie.
L'urgence au quotidien
Le camion file sur la route sans se préoccuper des feux rouges ! "On se fie en général au ticket de départ que l’on prend à la caserne et qui contient les principales informations, mais en même temps il ne faut pas trop anticiper, car la réalité peut être différente sur le terrain."
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Une voiture est en feu sur la voie publique. Son conducteur a percuté deux autres véhicules avant de s’encastrer dans un poteau et de prendre la fuite. Fabien reste à l’arrière pour coordonner les secours pendant que deux pompiers déroulent la lance. En quelques minutes seulement, les pompiers viennent à bout de l’incendie. Fabien part recueillir les dépositions des conducteurs des deux véhicules accidentés, encore choqués par ce qui leur est arrivé.
Retour à la caserne. Ils sont une douzaine de permanences ce jour-là. Un chiffre en diminution alors que depuis 5 ans, l’activité a augmenté de près de 25%. Fabien s’est engagé il y a 20 ans déjà. "Après le bac, j’ai directement été engagé à la brigade de sapeur-pompiers de Paris après avoir passé une batterie de test, et puis au bout de trois ans j’ai voulu revenir dans la région."
Entre les interventions, la journée est rythmée par les manœuvres et les séances de sport. Certains vont rester 12 heures sur place, d’autres, comme Fabien, 24 heures d’affilée. "C’est un métier où il faut s’adapter."
On vit au jour le jour, chaque jour est différent. C’est aussi la richesse de ce métier que de ne jamais faire la même chose.
Fabien Gaugry, Adjudant-chef Pompiers du Cher
Non loin de la caserne, Stéphane prend son service au centre d’appels d’urgence, à l’Hôpital de Bourges. Stéphane Villeneuve est chef de salle et assure la coordination des appels au 18. Bourges est l’une des rares villes de France où les pompiers et les médecins du Samu travaillent côte à côte dans la même pièce. C’est ici que sont centralisés tous les appels d’urgence du département du Cher.
"Je sais que je vais passer 24 heures ici mais je ne sais pas du tout ce qui va se passer. Est-ce qu’on aura des interventions courantes, des ambulances, ou alors une catastrophe comme un incendie ou un grave accident de la route."
"On gère la pénurie"
Un homme est tombé d’un arbre en voulant couper une branche, dans un petit village du sud du Cher, il pèse 140 kilos, il est conscient avec de fortes douleurs au dos. Lorsqu’il s’agit de blessés, l’information est immédiatement transmise à l’équipe du Samu, installée à quelques mètres. Le docteur Mira, médecin coordinateur du Samu, en est soulagé. "On sait ce que les pompiers font, ils savent ce qu’on fait. Et s’il y a un problème, on le gère à l’oral, en direct. On gagne de précieuses minutes qui peuvent sauver des vies."
Mais très souvent, ici, on gère la pénurie. Dans le cas de la chute d’arbre, l’équipe de Stéphane a sollicité en vain deux casernes différentes avant de trouver des moyens dans le département voisin du Loir-et-Cher.
Pour la population, ce n’est pas des bonnes conditions. Les chances de survie peuvent être diminuées dans ces secteurs car on n’a pas de réponse de proximité.
Stéphane Villeneuve, chef de salle du centre d'appels 18
Stéphane nous montre une carte du Cher où de nombreuses zones sont en noir, d’autres en rouge. "Dans les zones noires, on a aucun moyen de secours, dans les zones rouges, une seule personne, mais une personne seule ne peut rien faire."
Une formation de quatre ans
Chaque mercredi matin à Vierzon, Ludivine Monce, pompier volontaire et référente jeunesse et citoyenneté, retrouve les élèves du Collège Edouard Vaillant en zone d’éducation prioritaire.
Ils sont 8 à s’être inscrits pour obtenir le brevet de jeune sapeur-pompier. Premier exercice en situation réelle, apprendre à enlever un casque à une victime d’un accident de moto sans aggraver d’éventuelles blessures ou traumatismes. "Ils sont capables d’intervenir, avec un peu d’appréhension sans doute, mais ils sont référents au sein de leur collège", souligne-t-elle fièrement.
Raphaël a 14 ans, il est en quatrième et c’est l’un des plus motivés.
Depuis que je suis petit, je veux devenir pompier.
Raphaël, 14 ans
"Quand Ludivine est venue présenter la formation pour devenir jeune sapeur-pompier volontaire, je me suis inscrit tout de suite, c’est une fierté."
Quatre ans de formation sont nécessaires pour devenir jeune sapeur-pompier, une mission que Ludivine prend très à cœur.
Retour à la caserne des Danjons à Bourges. Il fait nuit et Fabien prend sa garde. Dans la salle commune, ils sont une dizaine à dîner ensemble en regardant la télé et en plaisantant. "On se connaît bien. On passe 24 heures ensemble 95 fois dans l’année. Ça crée des liens, on plaisante et ça nous permet d’évacuer tous les moments difficiles. On en a besoin."
"Secourir les gens, sauver des vies, je ne me vois pas faire autre chose"
La sirène retentit au cœur de la nuit. L’équipe de Fabien est appelée dans une cité de Bourges pour un accouchement imminent. Sur place, la jeune femme dont c’est la quatrième enfant, a des contractions très rapprochées. La maternité est toute proche mais après les informations transmises par Fabien, le médecin du Samu prend la décision de venir sur place. Après les premiers examens plutôt rassurants, le camion de pompier prend la direction de l’hôpital. Pour cette fois, les pompiers n’accueilleront pas de bébé dans leur véhicule.
À l’hôpital de Bourges, sur la plateforme des appels au 18, Stéphane, le pompier coordinateur enchaîne également 24 heures de garde. Ici, l’équipe gère aussi l’urgence, mais le travail est différent."Quand j’étais jeune, je ne voulais pas venir ici, je voulais monter dans les camions rouges. Mais ici c’est aussi très intéressant."
Un feu vient de se déclarer dans un village au sud est du département. L’alerte est donnée par une voisine. Les pompiers voudraient une vidéo. Les pompiers envoient un lien par sms sur lequel va cliquer le témoin pour enregistrer avec son smartphone un petit film que Stéphane va pouvoir visionner en direct. Ensuite seulement, il prendra la décision d’envoyer les moyens les plus appropriés. En 2023, plus de 52000 appels ont été traités sur la plate-forme d’urgence du département du Cher.
Pour Stéphane, exercer le métier de pompier est une véritable vocation : "Secourir les gens, sauver des vies, j’ai ça en moi depuis tout petit et je ne me vois pas faire autre chose."
Nous retrouvons Ludivine et nos élèves du Collège Edouard Vaillant de Vierzon à la caserne des pompiers de la villes. Les apprentis pompiers s’apprêtent à réaliser un exercice grandeur nature, bien conscients que la fiction risque d’être loin de la réalité. Ils doivent revêtir un équipement spécial pour aller secourir de fausses victimes, en l’occurrence des mannequins, dans un environnement de fumées toxiques. "On a le stress mais c’est pas très grave car on est là pour apprendre." confie Sarah.
L’occasion pour ces jeunes de cités de porter un autre regard sur les pompiers qui se font parfois agresser dans leur mission de secours dans les quartiers difficiles. "Ils ont un rôle d’exemplarité où on peut mettre en avant leur engagement qui est naissant pour dire que les pompiers certes, portent l’uniforme mais ne sont pas des ennemis."
Combien de ces jeunes deviendront réellement pompiers, c’est tout le pari de cette formation en quatre ans qui mélange la théorie et la pratique.
Depuis les années COVID, la France est le pays européen à avoir le plus réduit son contingent de pompiers. Pourtant, leur nombre d’interventions ne cesse d’augmenter pour prendre une coloration de plus en plus sociale.