"Personne ne parle des européennes sur le marché" : à Bourges, l'Europe porte la culture et l'industrie, mais peine à mobiliser les électeurs

À moins de trois semaines des élections européennes 2024, la question semble peu concerner les habitants de la capitale du Berry, et les Français en général. Pourtant, c'est bien l'Europe qui semble tenir les clés de la renaissance de Bourges.

À Bourges, la poussière s'accumule à l'Hôtel-Dieu, fermé depuis les années 90. Mais le somptueux édifice gothique va rouvrir ses portes grâce au titre de capitale européenne de la culture 2028, arraché par la ville. Qui compte bien sur l'Europe pour se désenclaver.

À l'approche des élections européennes, l'AFP a choisi la préfecture du Cher pour entamer un périple sur les routes de France, à la rencontre des citoyens et des thématiques du scrutin du 9 juin. Au bord de l'A71, Bourges perd des habitants depuis plus de 30 ans (10 000 habitants de moins dans l'unité urbaine depuis 1995). Ses emplois se sont détruits au rythme de la désindustrialisation.

Le réveil de "la belle endormie"

Pour "réveiller la belle endormie", le maire divers gauche Yann Galut a fait le "pari de la culture", revendique-t-il, dans le sillage du rendez-vous musical annuel du Printemps de Bourges. En décembre 2023, le "Petit Poucet" de 64 000 âmes a décroché, à la surprise générale le titre de Capitale européenne de la Culture 2028, devant Montpellier, Rouen ou Clermont-Ferrand. Cornélia Daumé, une institutrice rencontrée un dimanche soir dans un des rares bistrots ouverts, salue l'initiative :

C'est bien, ça va rebooster la popularité de Bourges, qui n'est pas ultra "hype".

Cornélia Daumé, institutrice

L'ancien hôpital de l'Hôtel-Dieu deviendra une "cité européenne des artistes", incubateur d'une série de projets. Et la Halle au blé, où se tient le marché dominical, un vaste lieu d'expositions d'art contemporain.

Dans les rues, le projet de 45 millions d'euros, principalement financé par l'Etat et les collectivités, séduit et interroge. "C'est chouette" pour une ville "un peu paumée au milieu de la France", estime un habitant. Ce trentenaire, qui préfère taire son nom, est cadre chez MBDA, producteur de missiles antiaériens Aster dont les commandes ne cessent de croître en pleine guerre en Ukraine.

Car la ville est redevenue un centre névralgique de l'armement français, au cœur de l'"économie de guerre" voulue par Emmanuel Macron pour aider Kiev à se défendre contre l'invasion russe. Au début des années 2000, MBDA hésitait à fermer un de ses sites de Bourges. Aujourd'hui, elle y recrute à tout-va, comme l'entreprise Nexter (KNDS) qui produit les canons Caesar. L'industrie de défense est de loin le premier employeur de l'agglomération.

"Personne ne parle des européennes sur le marché"

Entre soutien à l'Ukraine et à la culture, l'Europe et ses enjeux sont donc partout à Bourges. Mais la ville est-elle réellement mobilisée pour le scrutin du 9 juin ? C'est incertain, à entendre le maire, Yann Galut, à qui "personne ne parle des européennes sur le marché à ce stade". Dans une ville "modérée" où Emmanuel Macron a fait mieux que son score national au second tour de la présidentielle 2022.

Les instituteurs Cornélia Daumé et Florian Desjardin se verraient bien voter "écolo", même s'ils ne "connaissent absolument pas" le nom de la tête de liste Marie Toussaint. Comme eux, la plupart des Berruyers interrogés n'ont identifié nommément qu'un candidat, Jordan Bardella, dont la liste Rassemblement national (RN) caracole dans les sondages.

"Bourges est dans une région enclavée, loin des réseaux européens. C'était compliqué de parler d'Europe", raconte Pascal Keiser. Commissaire général de Bourges 2028, né d'une mère italienne et d'un papa luxembourgeois, et détenteur d'un passeport belge, l'homme de 56 ans est une petite Europe à lui tout seul. Et insiste sur les retombées économiques des deux millions de visiteurs espérés dans quatre ans.

Pas sûr que ces arguments mobilisent les habitants d'ici au 9 juin. Selon un récent sondage Elabe, seuls 42% des Français se disent certains de voter aux européennes. Le restaurateur Johan Pezet, qui avait voté Macron à la présidentielle, n'a ainsi pas prévu de se déplacer cette fois. "Je ne vois pas l'intérêt. Qu'on se concentre sur notre pays déjà. Et l'Europe, on voit après".

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