Le Printemps de Bourges, qui se tient jusqu'à ce dimanche 23 avril, s'engage dans une démarche durable, avec achats responsables, consommation locale et encouragement du recyclage. De bonnes intentions suffisantes ?
Transports en commun gratuits, consignes de gobelets, absence de flyers sur le festival... le Printemps de Bourges affiche ses bonnes intensions en matière de développement durable et d'écologie. Le festival se veut à la hauteur de la norme internationale ISO 20121, sigle barbare qui garantit une démarche de réflexion sur la durabilité d'un évènement.
Plus (ou moins) concrètement, c'est "promouvoir une consommation responsable et atténuer les effets négatifs sur les infrastructures et les services publics locaux", précise le site de l'ISO, l'organisation internationale de normalisation. Le Printemps affirme par exemple favoriser les fournisseurs locaux (notamment pour l'alimentation), et appliquer une politique d'"achats responsables", auprès d'entreprise appliquant notamment des critères environnementaux à leur activité.
Le chaos des déchets
Mais dans les rayons des "effets négatifs" évoqués par l'ISO et que peut engendrer un festival sur son environnement, les déchets sont confortablement installés en tête de gondole. Selon Le Berry républicain, le festival berruyer a généré pas moins de 45 tonnes de déchets en 2018. De quoi rappeler des souvenirs de "chaos" à Carole Ballu, festivalière un peu perdue devant un quadruple bac à tri des déchets, installés à deux pas de la grande scène du W. "Je me souviens d'une époque où c'était vraiment le bordel dans les festivals, c'est quand même beaucoup mieux organisé depuis quelques années", assure-t-elle.
En 2023, le Printemps insiste ainsi particulièrement sur le recyclage des déchets. Des bacs avec consignes de tri jallonnent toutes les allées du festival. Au village du Printemps, installé aux pieds des contreforts de la cathédrale, l'agglomération Bourges Plus tient un stand pour rappeler les bons gestes, avec une animation proposée aux petits et aux grands par des volontaires en service civique chez Unis-Cité. Au programme : questionnaire de culture générale sur les poubelles, et test pour savoir dans quel bac tel ou tel déchet doit être jeté.
Car, avec toutes ces consignes de tri, un peu de sensibilisation ne fait jamais de mal. "En général, les gens répondent bien, mais c'est toujours bien de faire de l'information", estime Shaïd Deghishe, l'un des volontaire de chez Unis-Cité.
Compost et méthane
Sensibilisation aussi à propos des bacs de collecte des déchets alimentaires (qui sont aussi collectés chez les nombreux restaurateurs présents sur le Printemps). Installés à plusieurs endroits dans le festival, ils sont vidés par des vélos cargos estampillés, pour leur faire de la pub. Car, souffrant d'un gros déficit de notoriété, ces bacs s'étaient retrouvés "pas du tout" remplis par les festivaliers en 2022, regrette Manon Daniel.
Animatrice du programme local de prévention des déchets à l'agglomération, elle aussi fait sa part de sensibilisation au stand du village. Pour elle, une meilleure gestion des déchets du Printemps, c'est un atout "pour la planète et pour Bourges". En l'occurrence, les déchets alimentaires collectés par l'agglo durant le festival "sont envoyés sur une plateforme de compostage au nord de Bourges", explique Manon Daniel. Mais ce n'est pas leur seul destin : une partie est récupérée par GRDF pour de la méthanisation.
Reste que, malgré les bonnes intentions, les habitudes ont la vie dure. À regarder uniquement le contenu des bacs de tri, il est difficile de savoir lequel est réservé aux déchets ménagers, et lequel au recyclage, tant les cartons et les restes de frites se retrouvent autant dans l'un que dans l'autre. Des petites unités de personnels du festival sautent ainsi de poubelles en poubelles, armées de bras télescopiques, pour tenter de remettre de l'ordre dans tout ça.
Faire mieux
Et, parfois, la présentation même des poubelles n'aide pas. Retour du côté du W, Carole Ballu a du mal à déchiffrer les panneaux placés adéquatement au-dessus des bacs, pour choisir dans lequel jeter ses brochettes. "Tout le monde se fout de moi", souffle-t-elle en pointant du doigt deux camarades de festival qui rient à quelques mètres de là. "C'est pas très clair", se défend-elle. Car si certains bacs de tri ont un code couleur rapidement identifiable sur le couvercle (le jaune est recyclable par exemple), d'autres n'ont simplement pas de couvercle. C'est là que les panneaux pleins de pictogrammes interviennent.
Festivalière venue de région parisienne, Marie-Claire Ganem aussi a eu du mal. Mais un mal pour un bien : "C'est de la responsabilité collective, il faut faire un effort. Et pas qu'en festival." Même avis du côté de Carole Ballu, qui préfère prendre le temps plutôt que de ne pas recycler ses déchets.
Agricultrice bio en Charente, elle-même s'est engagée dans une démarche durable lorsqu'elle organise des concerts au sein de sa ferme, quoiqu'à une échelle différente de celle du Printemps. "On fait de la restauration avec saucisse et frites, et maintenant on a de la vaisselle en dur et des serviettes en tissu", détaille-t-elle. Les déchets alimentaires ? "Aux cochons !" De quoi économiser (au sens écologique mais aussi économique) de grandes quantités d'assiettes, couverts et serviettes jetables. "Je suis sûr que si ça se faisait dans de grands festivals comme ça, avec des consignes, les gens joueraient le jeu."
Seulement, pour elles, de telles initiatives auraient dû "être enclenchées il y a 30 ans, parce qu'on aura des étés à 45 degrés dans cinq ou dix ans". Arrivera peut-être le jour où le Printemps de Bourges, festival le plus précoce de l'année, deviendra aussi le seul vivable de France, en dehors des vagues de chaleur de l'été.