Les capitaines Christophe Simonet et Patrick Martinet sont revenus il y a quelques jours de La Teste-de-Buch en Gironde, où les flammes ont consumé plusieurs milliers d'hectares de pins de la forêt des Landes.
"C'est un spectacle de désolation." Ces derniers jours, le feu a ravagé 20 000 hectares au cœur de la forêt des Landes, aux abords du bassin d'Arcachon et près de Landiras, en Gironde. Un feu incontrôlable, si puissant que la fumée s'est invitée au-dessus des têtes en Centre-Val de Loire. 2 000 sapeurs-pompiers sont mobilisés chaque jour, pour venir à bout des deux incendie, celui de La Teste-de-Buch s'étant déclaré le 12 juillet.
De tels effectifs, la Gironde ne peut pas les assumer seule. Ce mardi 19 juillet, une vingtaine de sapeurs-pompiers du Berry sont partis épauler leurs camarades de Nouvelle-Aquitaine, relevant leurs collègues partis quelques jours plus tôt. Les capitaines Patrick Martinet et Christophe Simonet, du SDIS du Cher, les ont précédés pour une mission de 72 heures, à lutter contre les assauts des flammes en Gironde.
"On entendait le feu tout consumer"
Revenus dans le Berry depuis quelques jours, ils racontent l'enfer : "Le paysage était lunaire, dans les campings il n'y a plus rien debout", décrit Patrick Martinet, chef de centre de Saint-Florent-sur-Cher. Il se souvient précisément du moment où il les a vus partir en fumée :
On était sur la dune du Pilat au moment où les campings brulaient. Le feu arrivait sur notre position, on l'entendait tout consumer. On devait l'arrêter à la dune pour ne pas qu'il descende sur le village du Pyla, c'était notre dernière cartouche.
Patrick Martinet, sapeur-pompier volontaire
Ses camarades et lui voient "un mur de flammes nous arriver dessus". Car les pins de la forêt des Landes se consument notamment par leurs feuilles, créant des barrières de feu de 80 mètres de haut. "Je n'avais jamais vu ça." Heureusement, la tactique a fonctionné, et le village du Pyla est toujours debout.
Toutes leurs interventions n'étaient pas aussi spectaculaire. Leur journée commençait à 7h30, principalement pour "du noyage, pour empêcher une reprise de feu", explique Christophe Simonet, chef de centre de Vailly-sur-Sauldre. Et c'est quand "on croyait que le feu était fixé qu'il repartait puissance 10". Les après-midis, sous l'effet de la chaleur et des vents tourbillonnants, les flammes reprenaient et mobilisaient les sapeurs-pompiers jusqu'à 1h du matin.
"S'il faut y retourner, on y retourne."
Un emploi du temps bien rempli, laissant peu de temps au sommeil ou au repos. Et même si la mission n'a duré que trois jours pour les deux capitaines du SDIS du Cher, arrive un moment où "le moral doit prendre le dessus sur le physique", assure Christophe Simonet. Il témoigne d'un "effet de groupe" avec ses camarades sapeurs-pompiers, qui "rassure" et motive.
Et se rassurer n'est jamais un luxe. S'il reconnaît avoir "toujours peur, quelle que soit l'importance du feu", la Gironde lui a tout de même réservé des moments de stress comme il n'en avait peut-être jamais connus :
On est allés sur un hameau, on a eu très chaud, on entendait des bouteilles de gaz qui explosaient, on a vu un restaurant s'auto-enflammer. On est dans la fumée complète, on n'a pas de visu sur nos personnels... en tant que chef de groupe, c'est stressant.
Christophe Simonet, sapeur-pompier volontaire
Mais peu importe la peur, le plus important pour eux est "la satisfaction d'avoir accompli une mission", note le capitaine. D'autant que lui-même fut un temps sapeur-pompier en Gironde, dans le secteur du bassin d'Arcachon, précisément là où les flammes ravagent les pins depuis une semaine. "C'est un coin magnifique, le voir partir comme ça..." "C'est un désastre écologique", ajoute Patrick Martinet.
Au-delà de la fierté d'avoir contribué, les deux hommes gardent en mémoire la solidarité des habitants, "fantastiques, qui nous apportaient des boissons fraîches et des sandwichs toutes les demi-heures". Que ce soit pour l'ampleur de l'incendie ou cette dimension humaine, Christophe Simonet et Patrick Martinet ne savent pas s'ils auront "une autre expérience de ce type" dans leur carrière. Et, malgré la peur, s'il faut y retourner, "on y retournera". D'autant que, le réchauffement climatique aidant, de tels mégafeux "pourraient demain arriver chez nous", se désole Christophe Simonet. Mais il rassure : "On sera là quand il faudra être là."