Les sapeurs-pompiers sont formels : les départs de feu sont plus nombreux en forêt depuis plusieurs années, à cause du réchauffement climatique. Depuis 2009, plus de 2000 hectares ont brûlé en Centre-Val de Loire.
Le réchauffement climatique est bel est bien là, en témoignent des vagues de chaleur plus fréquentes, plus intenses et plus longues d'année en été. Et de plus en plus précoces, à l'image de la canicule connue par la France dès la mi-juin. Pendant ces épisodes, les sapeurs-pompiers sont en alerte, et les préfectures signalent un risque élevé d'incendie dans les massifs forestiers.
À raison : depuis début 2022, les pompiers du Loiret ont déjà enregistré 77 départs de feu, pour un total de 170 hectares de végétation brûlés. Selon Météo France, 2012 est le dernier été dont les températures se situent sous la moyenne de 1981 à 2010. Depuis, chaque été reste un peu, voire beaucoup, plus chaud. En attendant les conclusions de l'été 2022, le record est toujours détenu par 2003 et ses 3 degrés d'anomalie. Suivent 2018 et 2019, approchant les 2 degrés supplémentaires.
De plus en plus d'incendies
Depuis 40 ans, la surface de forêt vulnérable aux incendie a ainsi doublé en Centre-Val de Loire, estimait en 2019 l'Agence régionale de la biodiversité. Ce qui se traduit directement dans le nombre de feux déclenchés, et par la surface brûlée chaque année. "Il y a de plus en plus de feux dans le nord de la France, et qu'il y en a sur une période plus longue de l'année", constate Alexis Feinard, chef de service de l'Office national des forêts (ONF) sur l'Eure-et-Loir, le Loir-et-Cher, l'Indre-et-Loire et le Loiret. "Avant, on n'en avait qu'en juillet-août, maintenant ça commence plus tôt".
Et si ça commence plus tôt, ça peut continuer plus tard. Le colonel Stéphane Calimache, directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Indre, se souvient de 2019 et de ses "feux en arrière-saison". Ce qui pourrait se reproduire cet été, si le soleil continue de taper sans que la pluie ne tombe, "si la végétation est très très sèche, le risque d'éclosion [d'incendie] est beaucoup plus important". Et de manière générale, il est plus important aujourd'hui "qu'il y a une dizaine d'années".
Pour tenter de faire face, l'ONF et les sapeurs-pompiers travaillent de concert, ces derniers effectuant des tournées de surveillance sur les massifs à risque. "Il y déjà avait cette tradition d'intégrer le risque de feu de forêt, mais on l'a formalisé avec le SDIS il y a 4 ou 5 ans avec des protocoles très stricts", raconte Alexis Feinard. Car le plus important après un départ de feu, c'est la rapidité de l'intervention. "On dit que, dans la première minute, un seau d'eau va suffire, et qu'on sera ensuite débordés rapidement", assure le lieutenant-colonel Pierre Gamel, directeur du service opérationnel du SDIS 45.
"Frapper vite et fort"
Ce mardi, les sapeurs-pompiers du Loiret ont rendu visite à la forêt de Sologne, à Marcilly-en-Villette. Objectifs : vérifier que les étangs sont bien pleins, que les chemins sont accessibles et que la végétation n'est pas trop sèche. Des rondes pour identifier les secteurs à risque, et "frapper vite et fort", résume l'officier. Pour ce faire, le SDIS place des moyens techniques et humains à proximité des zones susceptibles de s'enflammer. Une quarantaine de camions-citernes spécialisés dans le feu de forêt sont répartis dans tout le Loiret.
Cette réorganisation est devenue vitale, il y a quelques années par anticipation et désormais par nécessité dans le présent. Elle a permis aux pompiers de fixer, en une demi-heure, un feu de forêt près de Gien ce mardi 20 juillet dans l'après-midi. Seul un hectare a brûlé.
Mais tous les feux n'ont pas eu la chance d'être aussi limités. La base de données sur les incendies de forêts en France, gérée par le ministère de l'Agriculture, recueille les surfaces végétales brûlées depuis 2006 dans le pays. Et selon ces données, plus de 2 000 hectares de végétation (forêts, bosquets, prairie, champs...) ont brûlé en Centre-Val de Loire. Soit l'équivalent de 3 000 terrains de foot, et plus que les bois de Boulogne et de Vincennes réunis. Imaginez un cercle de 5 km de diamètre.
Les années 2015 et 2019, particulièrement chaudes et sèches, sont marquées par de très grandes surfaces agricoles brûlées. Les incendies les plus importants recensés par le ministère sont une cinquantaine d'hectares solognots envolés à Salbris et Souesmes en septembre 2020, 167 hectares de forêt et de sous-bois à Oulches en avril 2021, et les 250 hectares de broussailles et de cultures carbonisés à Vienne-en-Val en juillet 2020. Avant cela, il faut remonter aux 50 hectares brûlés à Cheverny en 2009 pour retrouver un feu d'une ampleur comparable dans la région.
En sachant que neuf départs de feu sur 10 sont dus à une action humaine, les pompiers recommandent la vigilance de tous : ne pas jeter de mégot dans la nature, ne pas faire de barbecue ou de feu près d'une forêt, et débroussailler sur un rayon de 50 mètres autour de son habitation.
Nota Bene sur les données de la BDIFF :
- les "zones artificialisées" correspondent à des champs, des jardins ou des parcs non-arborés
- la base de données est collaborative, la saisie étant effectuée au niveau départemental par les services compétents. Contactée par France 3, l'équipe d'animation de la BDIFF ne garantit donc pas l'exhaustivité des données, mais confirme la tendance constatée par le graphique ci-dessus, notamment un nombre de feux beaucoup plus importants en 2019 qu'en 2018.