COP26 : face au changement climatique, la nécessité de s'adapter pour ne pas subir

Le réchauffement climatique est une fatalité, freinée ou non par les décisions de la COP26 qui s'achève ce vendredi 12 novembre. En Centre-Val de Loire, plusieurs initiatives cherchent à s'adapter, face aux conséquences, parfois déjà visibles, de ce dérèglement.

Jamais le climat de la planète n'avait connu un bouleversement aussi rapide que ce que nous sommes en train de vivre. Depuis 10 jours et jusqu'à ce vendredi 12 novembre, les dirigeants et délégations de presque tous les pays de la planète se sont réunis à Glasgow pour la COP26, une conférence se fixant pour objectif d'enrayer le dérèglement quasi-incontrôlé du climat.

Un "cataclysme", même en Centre-Val de Loire

Une conférence qui doit absolument porter de nouveaux espoirs. Car si la COP21 de Paris en 2015 avait abouti au consensus de limiter le réchauffement à 1,5 degrés Celsius à la fin du siècle, la réalité est toute autre. Selon le GIEC, la trajectoire de limitation de leurs émissions de gaz à effets de serre par les différents pays conduirait plutôt à une hausse des températures de 2,7 degrés à la fin du siècle. L'organisme, qui dépend de l'ONU, prédit un "cataclysme" si des efforts ne sont pas réalisés pour limiter encore les émissions.

Ce terme de cataclysme regroupe plusieurs phénomènes naturels. Sécheresses, hausse du niveau de la mer, précipitations extrêmes... Le climat n'a pas fini de se déchaîner. En 2019, l'Agence régionale de la biodiversité (ARB) a ainsi produit un document détaillant les probables effets du réchauffement dans le Centre-Val de Loire. Dont certains sont déjà visibles...

Le soleil donne

L'agence note ainsi que la surface de forêt vulnérable aux incendie a doublé depuis 40 ans, à cause de jours d'ensoleillement plus fréquents et plus chauds. Le nombre de jours de canicules devrait quant à lui augmenter de plus de 30% jusqu'en 2040.

Conséquences de ces chaleurs et sécheresses, les cours d'eau du Centre-Val de Loire pourraient avoir perdu entre 10 et 40% de leur débit en 2070. Et les nappes phréatiques se verraient vidées de près du tiers de leurs réserves en eau souterraine. 

Paradoxalement, il devrait y avoir chaque année un à trois jours de fortes précipitations en plus autour de la Loire d'ici 20 ans. Une menace qui résonne fortement dans la région, encore marquée par des inondations récurrentes ces dernières années, comme dans l'Indre et le Loiret en juillet 2021. 

Le traumatisme de 2016

La plus marquante et la plus impressionnante reste celle de juin 2016, qui a frappé une large zone, du Loir-et-Cher au Loiret, touchant particulièrement les communes de Montargis dans le Loiret, et de Romorantin-Lanthenay en Loir-et-Cher.

Dans la capitale de la Sologne, la Sauldre a vu son niveau grimper de près d'1 mètres 50, poussant le maire Jeanny Lorgeoux à qualifier l'évènement de "crue millénale". Des millions d'euros de dégâts ont été constatés, notamment dans l'historique quartier du Bourgeau. Là, l'eau a enseveli les rues et les trottoirs, et a stagné dans les fondations pendant plusieurs semaines après la décrue, laissant derrière elle un fort traumatisme chez les habitants.

Une question de bon sens

Mais certains romorantinais savaient à quoi s'attendre, ayant adopté la stratégie de la prévoyance, et de l'adaptation face aux phénomènes climatiques extrêmes. Au début des années 2000, la ville rachète pour 1 euro symbolique le site des anciennes usines Matra, "six hectares en plein centre-ville, lovés dans un méandre de la Sauldre", décrit Jeanny Lorgeoux, déjà maire à l'époque. 

Rapidement se pose la question du devenir de la zone, fortement inondable. La préfecture souhaite naturaliser, la mairie veut bâtir. La collectivité fait alors appel à l'architecte Eric-Daniel Lacombe, qui dessine un quartier "à 20% construit et à 80% dédié au passage de la rivière en cas de crue". Car tout le monde savait que "la Sauldre présentait des risques de crue", affirme Jeanny Lorgeoux, qui accepte la répartition des terrains.

Selon le maire, "le bon sens nous a guidés". En connaissant le risque, le quartier construit ses axes autour des "chenaux d'écoulement naturel, qu'on a retrouvés sur le cadastre napoléonien", se souvient-il. Le quartier est dessiné "comme une flèche", selon l'architecte, pour rediriger un éventuel trop-plein d'eau vers la rivière. 

Rien que de l'eau

Eric Daniel-Lacombe définit son architecture comme "du préventif" : accepter la venue de la crue pour en limiter les dégâts, à l'inverse des barrières artificielles comme les digues, qui ne font que déplacer le problème. Et parfois viennent à céder, surprenant des habitants déconnectés du risque. Le quartier Matra, lui, est construit comme un gigantesque programme de sensibilisation, qui "permet aux habitants de s'entraîner aux inondations", explique l'architecte. 

Les différents immeubles sont organisés autour d'un bassin de rétention camouflé en jardin, surmonté de passerelles, créant "un dialogue entre l'Homme et la nature". Les habitants, eux, vivent sur plusieurs niveaux, avec les celliers à 50cm du niveau de l'eau, les routes, trottoirs et garages à 1m et les habitations à 1m50. Les "bateaux-lavoirs", posés sur pilotis, sont reliés par des rampes de 10 mètres de long au trottoir, sous lesquelles l'eaux peut passer en cas de crue.

Touché, mais pas coulé

Cette organisation a littéralement sauvé le quartier en 2016. "Il a été touché, mais n'a pas coulé", résume Eric Daniel-Lacombe. L'eau est montée progressivement. Lorsque le bassin central s'est rempli, les habitants ont compris le danger. Les trottoirs, assez hauts par rapport à la route, sont longtemps restés au sec, pendant que certains partaient en voiture. La crue s'est arrêtée aux portes des paliers, à 1m45 de son niveau "normal". Et même "si elle était montée à 1m55, on aurait mis un coup de raclette sur les carrelages et ç'aurait été fini". Résultat : en 48 heures, toute l'eau de la crue est repartie en aval, et aucun dégât matériel n'est à constater à Matra. Le contraste est saisissant avec le Bourgeau tout proche. 

"Dans notre malheur, nous avons eu le bonheur de voir que ce que nous avions projeté a résisté", se réjouit Jeanny Lorgeoux, qui se dit "heureux si Matra peut servir de cas d'étude" pour l'urbanisme et l'architecture d'aujourd'hui et de demain. Car ces inondations sont appelées à se répéter, à s'intensifier. Pas forcément à Romorantin, mais un peu partout, et un peu plus fortement chaque année. Et "quand la nature veut se venger de l'homme, on n'y peut pas grand-chose", assure-t-il.

Preuve que l'idée fait des petits, Eric Daniel-Lacombe a été nommé par le ministère de la Culture directeur de la chaire "Nouvelles urbanités face aux risques naturels : des abris ouverts". Son but ultime : "engager une convivialité avec la nature", et avec la biodiversité.

Un jardin extraordinaire

Ce dialogue, Tours tente de le recréer avec les écoliers de la ville. La municipalité écologiste a décidé le déblocage de 73 millions d'euros d'ici 2027, pour la rénovation et la végétalisation de onze écoles de son territoire. Avec notamment le but de favoriser "l'interaction entre enfants et nature", explique Betsabée Haas, 17ème Adjointe déléguée à la biodiversité et à la nature en ville à Tours.

Dans les cours des écoles Saint-Exupéry et Molière-Buisson, le bitume a été éventré, découpé, évacué, et remplacé par de l'herbe, des plantes, des arbres. À Saint-Exupéry, sur demande des élèves, a même été créé un ru alimenté par les eaux pluviales. Au milieu, une petite île accueillera un potager, partagé par les maternelles et les primaires. 

Au-delà de l'enjeu biodiversité, cette végétalisation a pour but de s'adapter à un autre aspect du réchauffement climatique, aussi inévitable qu'évident : la chaleur, tout simplement. Avec la hausse du nombre de jours de canicules chaque année, les réflexions sur les îlots de chaleurs sont devenues très populaires ces dernières années. "Entre une surface en terre et une surface en bitume, on a constaté des différences de 7 à 8 degrés", note Bestabée Haas.

Climatiseur à chlorophylle

Car l'herbe -en plus de favoriser l'infiltration et donc de réduire les inondations- et les arbres jouent un véritable rôle de régulateur thermique. La transpiration d'un arbre consomme la chaleur de l'air ambiant pour faire s'évaporer l'eau qu'elle puise dans le sol. La cour, en plus de profiter d'un peu d'ombre en plus, est humidifiée et rafraîchie. Et là où du revêtement devait être conservé, la mairie a privilégié "des pavés gris clair avec des joints en sable pour permettre l'infiltration de l'eau". La couleur des pavés permet un meilleur renvoi de la lumière du soleil (son albédo est plus élevé) que le bitume noir, et absorbe donc beaucoup moins de chaleur.

Une opération devenue essentielle dans des établissements scolaires, dont "certains ont dû fermer pendant des épisodes de canicule récents, parce que c'était juste invivable", regrette l'adjointe au maire de Tours. Et si une forte chaleur peut être inconfortable pour le commun des mortels, elle peut devenir dangereuse pour un enfant en bas âge. 

Savez-vous planter les haies

Atout des arbres en période de sécheresse toujours : "Pour approvisionner ses feuilles en eau, un arbre va puiser profondément avec ses racines et va humidifier le sol autour de lui. C'est une pompe naturelle pour récupérer de l'eau." C'est ainsi que Luc Vancrayelynghe décrit l'un des nombreux bienfaits de son initiative.

Ingénieur paysagiste de formation, il a décidé d'acheter un terrain agricole d'1,5 hectare à Ingré, dans le Loiret, pour une expérience d'agroforesterie. Son but : "Montrer qu'il existe une autre façon de produire, en créant une association entre arbres, arbustes et cultures.

L'agroforesterie, méthode mise en avant par l'Agence régionale pour la biodiversité, permet de recréer des paysages aux allures moins artificielles que les grandes plaines céréalières, communes en Centre-Val de Loire. Application à la mode de ce procédé, le replantage des haies bénéficie d'un plan de soutien de 50 millions d'euros de l'État. Plus de 70% des haies ont ainsi disparu des champs depuis 1970, et avec elles une préservation du milieu au profit du rendement agricole.

Pourtant, une parcelle agricole sans haie est plus vulnérable. C'était notamment le cas de celle acquise par Luc Vancrayelynghe. "Le terrain était lessivé par les pluies, avec un pH de 5,5 très acide et un taux organique très faible", se souvient-il. Après un replantage de haies en 2018, il peut aujourd'hui faire pousser des céréales pas trop demandeuses, le temps que le sol continue de revivre. Car les haies "limitent l'érosion des sols", en faisant office de coupe-vent et en freinant l'écoulement des pluies.

Contrer la mondialisation

Résistance aux sécheresse grâce aux arbres, résistance aux intempéries grâce aux haies... l'agroforesterie se présente comme un remède possible au effets du réchauffement climatique pour les agriculteurs. Et même si le rendement annuel est globalement moins bon, à cause d'une moins grande surface cultivée, "le système sera résilient aux aléas climatiques, le rendement subira moins d'à-coups d'une année à l'autre", estime-t-il.

Le petit bonus : tous les arbres plantés par Luc Vancrayelynghe sont labellisés "Végétal local", une marque de l'ARB qui certifie l'origine des végétaux. Car un végétal issu de la région sera forcément plus résistant que les individus de la même espèce mais venus d'ailleurs. La norme de la mondialisation impose pourtant de planter "des graines venues d'Europe de l'Est parce qu'elles sont moins chères", note l'ingénieur paysagiste.

Et qui dit résistant aujourd'hui, dit résistant aussi demain, lorsque le climat perdra encore plus les pédales. Une solution plus facile à mettre en place que la recherche d'essences bien précises, choisies pour des conditions climatiques projetées à 30 ans, comme l'Office nationale des forêts l'expérimente dans le Loiret. Car, selon l'ARB, la température moyenne en Centre-Val de Loire pourrait augmenter de 1,3 à 2 degrés... dès 2050. 

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