Elections : un algorithme pour prédire les résultats électoraux ? Le pari du "big data" pour faire gagner les candidats

Créée en 2019, l'entreprise tourangelle Eaggle accompagne candidats et partis aux élections. Sa formule mathématique permettrait de cibler les électeurs potentiels pour gagner leur vote. Une évolution "naturelle" de la pratique de la géographie électorale, selon le politologue Pierre Allorant, permise par les "big data".

Et si l'on pouvait prédire les résultats d'une élection ? Pour chaque candidat ? Ville par ville ? Et même, à l'échelle d'un bureau de vote ?

À l'approche des élections européennes, ce dimanche 9 juin, cette possibilité rendrait à coup sûr un fier service aux 38 listes engagées dans la compétition. Où faut-il continuer à tracter ? Quel quartier privilégier ? Et que dire à l'électeur hésitant pour le faire basculer ?

À la clé pour les partis, de l'efficacité et donc beaucoup d'argent économisé.

C'est ce que propose Eaggle, une entreprise tourangelle créée il y a 5 ans par Mikaël Roor : "On pratique ce qu'on appelle le marketing politique 4.0. Les candidats qui nous contactent peuvent adresser un message ultra-personnalisé à l'électeur, presque rue par rue".

"On analyse des centaines de millions de données"

Espionnage ? Sorcellerie ?  Même pas ! Eaggle utilise "les big data" : "On analyse des centaines de millions de données : revenu, emploi, situation familiale, âge...Toutes ces données que collecte l'Insee. On y ajoute tous les scores électoraux depuis 2010. Ce qui nous permet de noter chaque bureau de vote pour savoir s'il est favorable ou non à tel parti. Ensuite, l'algorithme calcule le socle de voix disponibles par candidat pour chaque élection".

Une méthode qui ressemble à s'y méprendre à une recette de cuisine. Mais Mikaël Roor l'assure : la formule, fruit de longues années de travail, est éprouvée.

Retour au début des années 90. Mikaël Roor fait ses premiers pas dans l'entreprise familiale. Son nom ? Outiror. L'entreprise est basée à Saint-Cyr-sur-Loire. Les camions de la société sillonnent la France pour vendre de l'outillage. Mais avant chaque passage, elle inonde les boîtes aux lettres de catalogues : "On ciblait les quartiers et les villes susceptibles d'être intéressés par nos produits. C'était la première PME à utiliser l'intelligence artificielle pour sa publicité ciblée", assure le chef d'entreprise.

Outiror est liquidée en 2016, mais l'algorithme, lui, est resté.

Mikaël Roor va alors le mettre au service de la politique : 

Aux municipales de 2014, les Républicains d'Indre-et-Loire me demandent si je peux aider leurs candidats. Ils voulaient savoir dans quelles boîtes aux lettres tracter pour être efficaces

Mikaël Roor, co-fondateur de Eaggle

Le patron d'Eaggle exhume alors ses formules mathématiques, les affine, et "parvient à prédire les résultats des élections par bureau de vote".

Un modèle qu'il va perfectionner au fil des années, jusqu'à fonder Eaggle en 2019 avec Hugues Charpentier, alors directeur des fédérations de LR. La boucle est bouclée.

Aujourd'hui, Mikaël Roor l'assure :"Nous avons des algorithmes de prédilection qui ont 95% de chance de déterminer qui sera au second tour."

Aux dernières législatives, la société a accompagné une soixantaine de candidats, tous bords politiques confondus (sauf extrême droite et extrême gauche) : "Ils ont fait entre 20 et 25% de mieux que ce qu'ils auraient pu espérer faire sans notre aide".

À l'heure des élections européennes, "un grand parti", dont Mikaël Roor taira le nom, a fait appel à Eaggle. Résultat dans quelques jours...

Un outil ancien, démultiplié par le "big data"

Pour le politologue Pierre Allorant, il n'est pas étonnant de voir surgir ce nouveau type d'outil en politique : "En réalité, croiser des données sociodémographiques avec les résultats électoraux pour cibler de potentiels électeurs et connaître les possibilités de victoire, ça existe depuis longtemps, depuis René Rémond et André Siegfried, pères fondateurs de la géographie électorale.

Si vous êtes candidat de droite, mieux vaut faire les marchés d'Olivet que ceux du quartier d'Orléans - La Source.

Pierre Allorant, politologue

Mais selon le doyen de la faculté de droit d'Orléans, l'arrivée des big data massifie et systématise cette pratique : "A l'échelle locale, d'une ville et d'un canton, ça peut être très utile, par exemple pour les municipales de 2026, à Tours ou Blois..."

Le politologue voit les algorithmes comme un outil complémentaire aux sondages : "Le candidat qui possède les deux met toutes les chances de son côté", conclut-il.

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