Jean-Pierre Gorges, ancien élu LR et maire sans étiquette de la ville depuis 2001, défend son choix. Le député LREM Guillaume Kasabarian, l'accuse de vouloir évincer un certain type de population. "On ne crache pas sur 2000 emplois !" a déclaré ce dernier.
Peut-on décider de refuser l'installation d'une entreprise porteuse de 2000 emplois ? Oui, répond Jean-Pierre Gorges, le maire de Chartres. Certainement pas, répond le député LREM Guillaume Kasbarian.
L'affaire, qui tire maintenant vers la passe d'armes, date du printemps mais vient tout juste d'être rendue publique. Devant des chefs d'entreprises, le maire sans étiquette de Chartres, ancien élu LR, a révélé, le 7 novembre avoir éconduit un géant du e-commerce qui voulait installer dans la ville une plateforme logistique.
Grosse opération, "faible valeur ajoutée"
Dans une époque obsédée par la problématique du chômage, le parti pris du maire de tourner le dos à la promesse de quelque 2000 emplois surprend. Jean-Pierre Gorges, maire depuis 2001, défend une vision de long terme.
"Moi, ça ne me fait pas rêver, a-t-il déclaré au micro d'Europe 1. On dit 2000 emplois, on pense qu’immédiatement tous les chômeurs vont venir prendre leur place. [...] L'économie, ce n'est pas : 2000 emplois d’un côté, 2000 chômeurs de l’autre côté, et on met les gens dans les cases."
Refus de 2 000 emplois : "Ce sont des emplois qui ne sont pas bien payés avec une pollution à côté puisque c'est 50 000 poids-lourds par an qui parcourraient la zone", se justifie @jpgorges, maire de Chartres.@MA2TBE2L #Europe1 pic.twitter.com/HVD9gzecNB
— Europe 1 (@Europe1) 9 novembre 2018
Il se montre soupçonneux face à ces projets de grande envergure, au vu de l'histoire de la région, qui a plusieurs fois accueilli des géants pour les voir repartir. "Dreux a profité pendant longtemps de créations importantes de ce type d’emplois dans l’automobile, puis par Philips. Aujourd’hui, les entreprises se sont toutes retirées. Et Dreux qui était en avance, vit maintenant une crise de l’emploi", a-t-il témoigné auprès du Monde.
L'offre d'emploi, est, en outre, peu qualitative. Jean-Pierre Gorges emploie le terme de "picking" : une activité de préparation de commandes, qui nécessite un type d'emploi, rigoureusement identiques. Faible paye, horaires en 3x8, installation dans une zone polluée par le passage des poids lourds... Une opération "à faible valeur ajoutée" selon le maire.
Discrimination sociale ?
Le député d'Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian a fait valoir son contre point de vue dans un communiqué diffusé sur Twitter, particulièrement piquant. "On ne crache pas sur 2000 emplois" estime l'élu LREM.
"Si l'on craint par avance qu'une entreprise ferme, alors qu'elle n'est pas encore ouverte, à quoi bon continuer à créer des entreprises ?" écrit Guillaume Kasbarian.
Mais sa réponse est plus essentiellement centrée sur un autre argument de Jean-Pierre Gorges. Celui-ci, cité dans le courrier, a affirmé à l'Echo Républicain : "Chartres est et doit rester une ville de province. Une telle implantation serait préjudiciable à l’équilibre sociologique et démographique de l’agglomération. [...] Ces emplois peu qualifiés vont attirer des nouveaux habitants qui vont modifier la structure de la population."
Polémique à #Chartres.
— Guillaume Kasbarian (@guillaumekasba) 9 novembre 2018
"Le maire refuse 2.000 emplois pour ne pas "dénaturer" la sociologie de sa ville": https://t.co/SiYZwAybwD
On ne crache pas sur 2000 emplois !
Ma réaction pic.twitter.com/yY3ruSv8JD
Guillaume Kasbarian y voit là un tri social. "Les masques tombent", peut-on lire dans le communiqué, qui dénonce un cheminement vers un "modèle nord-américain de résidences fermées, où l'accès d'une commune barricadée ne serait réservé qu'à certains ?"
La question a été posée sans détour à l'élu par Matthieu Béliard sur Europe 1 : "Ce qu'on comprend aussi, c'est que vous avez peut-être un problème avec les classes les plus basses ?". L'élu a répondu abruptement : "Si c’était une entreprise qui proposait 2000 ingénieurs, je ne la prends pas non plus."
Gorges - Kasbarian, une énième passe d'armes
Ce n'est pas la première fois, loin de là, que Jean-Pierre Gorges et Guillaume Kasbarian s'écharpent. Depuis juin 2018, le torchon n'en finit plus de brûler entre l'ancien LR aux ambitions présidentielles et le nouvel élu En Marche.
En juin, les tribunes du journal municipal qualifiait, au choix, Guillaume Kasbarian de "schizophrène", "muet" ou "hémiplégique". Lui répondait en comparant l'élu local à Donald Trump. Autre affrontement, en juillet, ensuite, autour du projet de péage entre Chartres et Dreux.
Cet affrontement à grands mots serait-elle nourrie d'une animosité personnelle et politique déjà ancrée ? Elle n'arrangera en tout cas pas les relations déjà glaciales entre ces deux maillons de la chaîne politique locale.