Après 50 ans de frilosité, la commune entend enfin capitaliser sur l'aura du célèbre écrivain.
Musée rénové, itinéraires proustiens... Marcel Proust fera-t-il la fortune d'Illiers-Combray ? Le petit village d'Eure-et-Loir espère pouvoir capitaliser sur la renommée du célèbre écrivain après des années de frictions.
L'agaçant Marcel Proust
Car Illiers s'est accolé le nom de Combray en 1971, pour que la France sache que c'est bien elle que Marcel Proust désignait en réalité sous ce nom fictif dans A la recherche du temps perdu. Presque 50 ans donc, et ça passe toujours difficilement.
Les "proustiens", réunis au sein de la Société des Amis de Marcel Proust sont souvent perçus comme des "intellos parisiens qui vous snobent un peu" selon le maire Bernard Puyenchet. Quant aux Islériens, "on leur dit depuis des décennies que Proust n'est pas fait pour eux", complète Patrice Louis, auteur du blog "Le fou de Proust" et habitant de la commune.
Petite information complémentaire : les deux tableaux sont conservés à la maison de Tante Léonie (Musée Marcel Proust à @ICombray) https://t.co/zi2vMMAK1X
— Société des amis de Marcel Proust (@AmisDeProust) 10 juillet 2018
Résultat : pour l'instant, aucune indication en gare, pas une carte postale sur ce thème. A peine quelques madeleines dans les boulangeries. Seuls quelques panneaux épars rappellent les lieux qui ont inspiré l'auteur d'"A la recherche du Temps perdu", qui passait ses vacances, enfant, chez sa tante, rue du Saint-Esprit.
Proust, tour-opérateur
Pourtant, alentours, de nombreux exemples prouvent que l'argument Proust fonctionne. L'ancien hôtel Opéra Saint-Lazare à Paris a ainsi vu son chiffre d'affaires bondir de 40% depuis sa transformation en 2013 en hôtel littéraire "Le Swann", selon son fondateur Jacques Letertre.
Et à Cabourg (Calvados), le "Balbec" de "La Recherche", le maire Tristan Duval n'attend pas moins de 100.000 visiteurs par an pour son musée de la Belle époque "racontée à travers l'oeuvre de Proust", dont l'ouverture est prévue en novembre 2019.
Le maire d'Illiers, Bernard Puyenchet, regarde ces exemples avec envie. "Je ne suis pas passionné de Proust mais c'est un levier pour ma ville. Ce qui m'intéresse c'est que Proust crée des emplois, de la richesse, que des boutiques ouvrent grâce à Proust", avoue-t-il.
La peur du "ProustLand"
La maison de Tante Léonie, qui fait office de musée, ne propose plus de visite guidée en semaine, depuis la suppression des emplois aidés. Un peu défraîchie avec ses peintures écaillées, ses murs fissurés et ses traces d'humidité aux plafonds, elle ne vend aucun des produits dérivés de l'auteur, qui font florès sur internet.
Résultat : à peine 5 000 visiteurs par an, un chiffre qui a tendance à baisser. "On n'a pas un succès quantitatif mais un rayonnement qualitatif considérable", assure pourtant Mireille Naturel, secrétaire générale de la Société des Amis de Marcel Proust. Un projet de rénovation de 2 millions d'euros est soutenu par le conseil départemental.
Mais ce n'est que l'esquisse des ambitions des élus. Itinéraires proustiens, application pour smartphone, semaine de festivités en mai 2019... A Illiers, on mise sur la modernité du nouveau président de la société, Jérôme Bastianelli, qui vise les 12 000 visiteurs par an.
Mirelle Naturel, elle, reste sceptique sur ce qu'elle appelle les "fantaisies proustiennes". "On est en train de détruire ce village en croyant le rendre proustien", soupire-t-elle.
Patrice Louis, le "fou de Proust", est moins inquiet. "[Illiers] ne sera jamais Proustland, c'est un tourisme de niche."