Le bras de fer entre un lycéen malvoyant et l'Éducation nationale, qui lui refuse des sujets du bac adaptés

Nolan, 17 ans, en terminale à Dreux, réclame que les sujets du bac soient adaptés à sa vue, avec une police d'écriture spécifique. Refus de l'administration, qui met en avant une vingtaine d'autres mesures d'inclusion. Pour le soutenir, ses camarades et professeurs ont bloqué son lycée.

La situation peut-elle encore bouger pour Nolan Lannois, 17 ans ? Élève en terminale générale au lycée Édouard-Branly de Dreux en Eure-et-Loir, l'adolescent est atteint d'un très fort handicap visuel depuis sa naissance. L'un de ses yeux est aveugle, l'autre dispose d'une vision de 2/10e.

Or, fin juin, le bac va se rappeler au bon souvenir de Nolan. Depuis plusieurs mois, il réclame une adaptation particulière pour les futurs sujets : qu'ils lui soient fournis en police d'écriture Verdana, taille 26, en gras. "En primaire, les maîtresses ont cherché ce qui me convenait le mieux, et c'était le Verdana 26 gras, se souvient le jeune homme. Depuis, on m'a toujours donné des sujets en Verdana 26 gras. Tous mes professeurs ont fait l'effort que le ministère ne veut pas faire."

Fin de non-recevoir de l'Éducation nationale

Car, pour le moment, l'Éducation nationale n'a pas donné son feu vert. Pourtant, Nolan a tout tenté : le rectorat, le ministère, le défenseur des droits, le député de Dreux Olivier Marleix, et même l'Élysée.

Le 8 mars, il finit par obtenir une réponse signée Sandra Reviriego, cheffe de cabinet de Nicole Belloubet, ministre de l'Éducation nationale. Dans ce courrier, on assure Nolan que la ministre est "sensible" à sa demande, mais on lui adresse une fin de non-recevoir.

La police que vous souhaitez ne peut être envisagée au regard d’une démultiplication du nombre de pages pour les sujets. Les seules tailles de police retenues sont Arial 16, 20 et 24 depuis la session 2023.

Sandra Reviriego, cheffe de cabinet de la ministre de l'Éducation nationale

Courrier adressé à Nolan, 8 mars 2024

Mais l'Arial 24, "c'est beaucoup plus petit, et c'est tellement différent" du Verdana 26 gras, assure Nolan. Quant à l'excuse de la "démultiplication du nombre de pages", il la juge "ridicule". "Ils n'ont qu'à me donner les sujets en format numérique, ça réglera le problème !"

Une vingtaine de mesures d'adaptation

De manière plus générale, l'inflexibilité de l'Éducation nationale sur la demande précise de Nolan s'explique par "une nécessité d'équité de traitement pour tout le monde sur le territoire", justifie Évelyne Mège, directrice académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) en Eure-et-Loir. Elle assure "comprendre" la demande du lycéen, mais explique que cette adaptation spécifique "n'est pas prévue dans le règlement" : "La réglementation est la même pour tous les candidats, nous ne pouvons pas déroger à une règle nationale."

La Dasen assure par ailleurs que Nolan bénéficiera "d'un peu moins d'une vingtaine de mesures d'adaptation", dont un secrétaire scripteur, un AESH, ou encore la possibilité d'avoir les sujets en format A3.

Sauf qu’une "aide humaine, c'est bien mais pas optimal", rétorque l'adolescent : "Quand on a quelqu'un qui nous lit le sujet mais qu'on doit faire des allers-retours dans le texte, c'est fatigant, c'est compliqué." Avec sa police d'écriture spécifique, Nolan est autonome.

Solidarité et mobilisation

Face aux réponses négatives de l'administration, les camarades et professeurs de Nolan ont tenu à lui apporter leur soutien. Par des courriers et le lancement d'une pétition en ligne, d'abord. Le texte recueille désormais plus de 2 200 signatures. La mobilisation a ensuite débouché sur un blocus du lycée Branly le 18 avril, blocus mené par des dizaines d'élèves et de personnels. "L'égalité et l'inclusion, c'est important pour beaucoup, précise Eulalie Brun, élève de seconde. Et Nolan, c'est un peu l'ami de tout le monde. Donc, peu importe ce qui se passe, on sera derrière lui."

Au beau milieu d'un long combat larvé avec l'administration, Nolan se dit "ému" par ce mouvement de solidarité : "J'ai pris conscience de tout ce soutien, ça m'a fait chaud au cœur." Seulement, le blocus n'a pas eu beaucoup d'effets. Évelyne Mège s'est bien rendue sur place ce jour-là, pour rencontrer la direction, des professeurs et des personnels du lycée. "J'ai aussi demandé au proviseur d'inviter l'élève, mais il n'a pas souhaité participer à cet échange, je le regrette", explique-t-elle. Nolan assure, lui, que le proviseur ne lui a "pas dit que c'était une réunion avec Madame Mège". "Je pensais que c'était juste une réunion pour revoir les dispositifs que j'avais déjà, je n'en voyais pas l'intérêt."

Reste que, depuis, rien n'a changé. Et pas sûr que quoi que ce soit change d'ici aux épreuves du bac, la Dasen indique ne rien pouvoir faire de plus au niveau départemental. Évelyne Mège met cependant en avant "une prise en charge ancienne des élèves en situation de handicap dans notre département, avec de nouvelles expérimentations à la rentrée prochaine". En somme, pour elle, "il faut savoir raison garder".

Par ailleurs, elle l'assure : comme Nolan l'a demandé, il disposera des sujets du bac en format numérique, en plus du format papier. "Ils ne seront pas modifiables donc ça ne change rien", rétorque le lycéen. Une loupe devrait être mise à disposition, un dispositif "insuffisant", ajoute Nolan.

Reste que sa volonté ne faiblit pas. Un nouveau blocus de l'établissement est déjà prévu pour le 6 mai, et les mobilisés espèrent "inviter des personnalités politiques".

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