Eure-et-Loir : la commune de Bonneval peut-elle changer de nom ?

Les habitants de Bonneval, en Eure-et-Loir, sont appelés à voter pour ou contre le changement du nom de la commune. La mairie propose en effet d’ajouter "sur-le-Loir". Mais si les Bonnevalais disent oui, quelles seront les démarches et les conséquences ?

Bonneval (Eure-et-Loir) offre un cadre bucolique avec ses anciens fossés où coule le Loir au point qu'on la surnomme "la petite Venise de Beauce". Mais la commune se fait voler la vedette par d’autres villes, en premier lieu Bonneval-sur-Arc (Savoie). Avec ses maisons de pierres et de lauzes, la station de montagne a participé à l’émission Le Village préféré des Français et a été un des lieux de tournage du film Belle et Sébastien. 

D’après Joël Billard, le maire de la commune depuis 1995, Bonneval souffre aussi du succès du zoo de Beauval, situé 115 km plus au sud ! "Souvent on vient nous voir et on nous demande où est le zoo... De Beauval, mais pas de Bonneval", soupire-t-il. En regardant sur le site de l’INSEE, on dénombre neuf communes qui s’appellent Bonneval ou dont le nom comporte Bonneval. Il existe notamment un homonyme en Haute-Loire.

Afin de bien situer la commune de Beauce sur la carte de France et d’éviter les confusions, l’édile et le conseil municipal ont donc décidé de demander aux habitants s’ils voulaient que Bonneval devienne Bonneval-sur-le-Loir. "C’est l’aspect touristique des choses, c’est pour faire le rapport entre Bonneval, la petite Venise de Beauce, et la rivière, le Loir", précise Joël Billard.

Une idée née il y a plus de 20 ans

"L’idée avait déjà germé entre 1995 et 2001, se souvient-il. L’office du tourisme nous avait sollicité pendant mon premier mandat. Même si sur le principe on était d’accord, on n’avait pas donné suite parce qu’on venait d’arriver. Et là c’est ressorti."

Mais avant de se lancer dans l'aventure, la municipalité souhaite avant tout connaître l’avis des habitants. Ils peuvent voter via un bulletin de participation dans le magazine Infos Bonneval qu’ils remplissent et glissent dans une urne à l’accueil de la mairie avant le 25 mars.

Joël Billard le promet, il ne fera changer le nom que si une grande majorité des administrés est d’accord, "environ trois quarts des suffrages exprimés". Des Bonnevalais qui continueront à s’appeler ainsi. "C’est comme pour la communauté de communes, elle s’appellera toujours la communauté de communes du Bonnevalais", insiste le maire.

Non aux complications

Au-delà du résultat de la consultation, Joël Billard met une condition pour se lancer dans les démarches : voir quelles sont les conséquences pour ses administrés.

"Est-ce que leur carte d’identité restera avec Bonneval jusqu’à expiration et au renouvellement la prochaine mentionnera Bonneval-sur-le-Loir ? Si c’est ça, ça va, explique-t-il. Mais si on doit changer tous les papiers d’état civil, si cela engendre des complications pour nos administrés, on renoncera."

Il a commencé à demander des renseignements auprès des services de l’Etat mais n’a pas encore reçu de réponse.

Côté démarches, il devrait recevoir les éléments suivants de la préfecture d’Eure-et-Loir. Selon l’article L. 2111-1 du code général des collectivités territoriales, "le changement de nom d’une commune est décidé par décret, sur demande du conseil municipal et après consultation du conseil général". Cette règle ne concerne cependant pas les communes nouvelles qui n’ont pas besoin d’un décret ministériel. 

Usage ancien ou risque de confusion

C’est donc au conseil municipal de solliciter la préfecture pour substituer un nom par un autre, ou ajouter un nom ou rectifier l’orthographe. La demande peut être accompagnée d’un document pour éclairer la pertinence du nom demandé, notamment au regard de son caractère historique.

En plus de vérifier le strict respect des règles d’orthographe (par rapport aux tirets, accents, majuscules…), le préfet recueille l’avis du service des archives départementales, puis du conseil départemental qui se prononce par délibération. En revanche "il n’est plus nécessaire de saisir les services locaux de La Poste", précise la direction générale des collectivités locales dans une note du 8 février 2021

Et d’ajouter : "De manière générale, tout changement d’un nom de commune doit être justifié par le souci de mettre le nom officiel de la commune en accord avec un usage différent mais suffisamment ancien et constant, ou par celui de mettre fin à de véritables risques de confusion avec d’autres communes".  

3 ans de démarches

Parmi les quelques villes de la région à avoir changé de nom ces cinq dernières années, comme le montre la carte ci-dessous, Faverolles-en-Berry (Indre) répondait à ces deux arguments. "Il faut savoir que Faverolles s’est appelé Faverolles-en-Berry pendant de nombreuses années par le passé, et quand j’ai voulu récupérer en-Berry, il a fallu que je justifie auprès du ministère de l’Intérieur que cela s’était bien appelé Faverolles-en-Berry, raconte William Guimpier, le maire. Je suis remonté dans les registres jusqu’au XVIIe siècle, on a trouvé plusieurs périodes où la commune s’appelait Faverolles-en-Berry, même à l’époque de Napoléon."

Il tenait aussi à remettre en-Berry, car "il y avait 12 Faverolles en France". "On avait des difficultés avec Faverolles-sur-Cher qui est à 35 km de chez nous. C’est vrai que cela nous posait des soucis, quand des personnes venaient à un enterrement chez nous alors qu’en fait il avait lieu dans le Cher", souffle-t-il.

William Guimpier se souvient surtout que toutes ces démarches ont pris du temps : "Il a fallu que je me batte pendant trois ans, et au bout de trois ans, j’ai récupéré en-Berry", en février 2017. Ironie du sort, moins de deux ans plus tard, la ville a à nouveau changé de nom avec la création de la commune nouvelle, pour s’appeler finalement Villentrois-Faverolles-en-Berry. C’est un peu long certes, mais hors de question pour le maire d’abandonner en-Berry.

Changement progressif des papiers

Quant aux conséquences sur les changements de papiers d’identité ou cartes grises, William Guimpier assure ne pas avoir rencontré de contraintes : "cela s’est fait au fur à mesure. On ne nous a pas imposé quoi que ce soit.

Certains organismes ne seraient d’ailleurs pas pressés de modifier les adresses. D’après la mairie de Courcelles-le-Roi (Loiret), la dernière en date à avoir changé de nom dans la région en novembre 2018, non seulement les habitants n’ont pas dû changer leurs papiers d’identité juste après la publication du décret ministériel, mais certains ont même vu l’ancien nom de Courcelles sur leurs cartes électorales rééditées lors des élections régionales de 2021. Le maire de Bonneval peut donc être serein sur le changement de nom sur les pièces d’identité. Encore faut-il que l’Etat valide le changement après examen.

Des exceptions marquantes

Certaines communes ou hameaux de la région Centre-Val de Loire ont changé de nom ces dernières décennies même s’ils ne respectaient pas les critères édictés par la direction générale des collectivités territoriales.

C’est par exemple le cas d’Illiers-Combray (Eure-et-Loir) qui n’est pas issu de l’histoire mais de la littérature : le conseil municipal d’Illiers avait demandé d’apposer le nom de Combray en hommage à Marcel Proust pour le centenaire de sa naissance. Enfant, l’écrivain avait en effet passé des vacances dans son enfance, chez son oncle et sa tante, à Illiers, et il s’est inspiré de ses souvenirs pour décrire dans A la recherche du temps perdu la ville de Combray où le Narrateur savourait la fameuse madeleine chez sa tante Léonie. 

Un autre exemple, beaucoup plus sombre, est celui d’un lieu-dit dans le Loiret : la-Mort-aux-Juifs. En août 2014, le centre Simon Wiesenthal avait révélé au monde entier l’existence de ce petit hameau. Il avait fallu l’intervention de l’Etat pour que le conseil municipal se décide à débaptiser le lieu-dit, quelques mois plus tard. 

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