Deux retraités habitant en Eure-et-Loir saisissent la justice. Ils veulent faire annuler la vente, à un brocanteur, d'un masque d'Afrique centrale. Cédé pour 150 euros, l'objet a par la suite été revendu pour plus de quatre millions d'euros, en mars 2022.
Tout commence en septembre 2021. Le couple d'octogénaires souhaite vendre sa résidence secondaire du Vigan, dans le Gard. Pour vider leur maison, il fait appel à un brocanteur. "Ma cliente s'est rendue dans sa boutique. Elle lui dit : 'J'ai des illustrations de vieux journaux. Êtes-vous intéressé pour les acheter ? Il dit non'", raconte Maître Frédéric Mansat-Jaffré, avocat à la Cour d'appel de Nîmes et représentant du couple.
Quelques jours plus tard, le jardinier des retraités arrive "avec quelqu'un qui se trouve être ce fameux antiquaire-brocanteur". Finalement, le 28 septembre 2021, le professionnel achète un tas de photos, des miroirs ainsi que le masque.
Pour ce dernier, il fixe le prix à 150 euros. "Mes clients ne savaient pas combien ça valait. Ils avaient confiance". L'objet appartenait au grand-père du mari, ancien gouverneur colonial en Afrique. Il a "collecté" l'objet dans les années 1910.
Un masque rarissime
Six mois plus tard, le couple découvre en lisant leur journal que la vente d'"un rarissime masque du XIXe siècle, apanage d'une société secrète du peuple Fang au Gabon", est organisé deux jours plus tard à Montpellier.
La photo confirme qu'il s'agit bien de leur ancien masque, dont l'esthétique a inspiré les peintres Modigliani ou Picasso. Il ne reste dans le monde qu'une dizaine d'exemplaires. Mis à prix à 300 000 euros, le masque est adjugé pour 4,2 millions d'euros, hors frais, le 26 mars 2022.
Pour l'avocat du couple, le professionnel aurait dû être plus transparent. "Quand un vendeur et un acheteur se rencontrent, on doit s'assurer de part et d'autre qu'il n'y a pas de consentement vicié, que le vendeur a bien connaissance que ce qu'il vend a des qualités ou pas, que l'acheteur aussi. S'ils avaient su que ce masque n’était pas un masque parmi tant d'autres, jamais mes clients n'auraient accepté cette proposition à 150 euros", assure Frédéric Mansat-Jaffré.
Ils veulent l'annulation de la vente et une "indemnisation à la juste valeur du bien qu'ils ont vendu". En attendant, les comptes bancaires du brocanteur restent bloqués, sur décision de la cour d'appel de Nîmes. L'affaire sera plaidée le 31 octobre devant le tribunal judiciaire d'Alès.
La décision est attendue à la fin de l'année. Mais le sort du masque ne sera pas réglé. Des descendants gabonais réclament d'ores et déjà son retour dans son pays d'origine.
*Avec AFP