Présidentielle : bilan mitigé pour le gouvernement sur sa politique en zones rurales, les maires ruraux interpellent les candidats

L’association des maires ruraux de France (AMRF) a publié ce 22 mars 2022 une série de 20 propositions à destination des candidats à l’élection présidentielle. Si dans l’ensemble, ces maires se sentent plus écoutés en cette fin de quinquennat, ils ne peuvent pas agir faute de moyens financiers.

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Les maires avaient été fortement sollicités pour apporter leurs parrainages dans la course à la présidentielle. Ils se rappellent maintenant au bon souvenir des 12 candidats en lice pour leur demander quelles sont leurs promesses et leurs engagements.

Après l’association des maires de France (AMF) qui a organisé une grande audition le 15 mars dernier de 10 des 12 prétendants (Emmanuel Macron et Eric Zemmour n’y ont pas participé), c’est désormais l’association des maires ruraux de France qui se manifeste lors de cette campagne par la publication de 20 propositions, comme le montre ce tweet.

Un budget municipal de plus en plus lourd

En résumé, développer la santé, l’éducation, la transition énergétique… En donnant plus d’autonomie aux communes rurales, mais aussi et surtout les moyens qui vont avec. En effet pour John Billard, secrétaire général de l’AMRF et maire du Favril en Eure-et-Loir, le gouvernement actuel donne certes la possibilité aux maires de "mener [leurs] politiques plus facilement. Mais généralement on n’a pas les moyens qui vont avec."

Il donne l’exemple du dégel du point d’indice de la fonction publique, pour augmenter les salaires des fonctionnaires : "cela a un impact financier sur nos communes car on travaille avec des agents de la fonction publique." S’il ne critique pas la décision politique en elle-même, il s’interroge sur comment il va pouvoir payer ces agents.

De façon générale, "on ne nous donne pas les moyens qui vont avec", répète-t-il, ce qui conduit les élus ruraux à faire des arbitrages imprévus, comme par exemple abandonner l’idée de "refaire une route, parce que derrière il y a une charge de fonctionnement qui vient s’ajouter ". 

1 habitant sur 3 sans médecin

Lui qui a installé dans sa mairie du Favril une cabine de téléconsultation pour compenser la désertification médicale pointe d’ailleurs du doigt le fait que "l’accès aux soins de la population française est du domaine du régalien, donc l’Etat doit mettre les moyens nécessaires, pour qu’il y ait une bonne répartition territoriale pour bien soigner les Français". Sauf qu’ "on ne nous donne pas la totalité des financements" pour développer cette télémédecine et "ce sont les collectivités qui portent ça alors que ce ne sont pas leur domaine".

Une idée partagée par Christelle Minard qui attend de l’Etat qu'il encadre l’installation des médecins. Cette agricultrice de profession est maire de Tremblay-les-Villages (Eure-et-Loir). Sur les 2.300 habitants de sa commune rurale, "un sur trois n’a plus de médecin. On a essayé de trouver des solutions, mais ce n’est pas suffisant".

Qu’a fait le gouvernement face à la désertification médicale qu’on connaît aujourd’hui ? 

Christelle Minard, agricultrice et Maire de Tremblay-les-Villages

"Il faudrait aujourd’hui faire en sorte d’avoir un médecin pour 1.000 habitants comme on l’a fait pour les pharmaciens et les infirmiers. Il faut que l’Etat prenne sa part et légifère" assène-t-elle.

Retour de la proximité

En tant que conseillère départementale d’Eure-et-Loir en charge de la transition écologique et de l'attractivité du territoire, et vice-présidente de l’agglo du Pays de Dreux, elle s’interroge aussi beaucoup sur les services publics comme Pôle Emploi, la Poste ou encore les finances publiques. "On a ramené une forme de proximité au travers des maisons France Services. Nos agents sont formés, connaissent les habitants, on est capable d’apporter des réponses."

"Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est comment on pérennise ce service public, souffle-t-elle. C’est financé par l’Etat, mais aussi en grande partie par nos collectivités, on sait qu’on les a pour trois ans. Quid du devenir ? Les dotations seront-elles maintenues ?", questionne-t-elle.   

Moitié moins d'argent qu'une commune urbaine

Elle comme John Billard s’accordent sur une nécessité : celle d’avoir plus de moyens financiers de la part de l’Etat. "On voudrait un rééquilibrage de la DGF – la dotation globale de fonctionnement – c’est-à-dire l’argent versé aux communes par l’Etat pour qu’elles puissent fonctionner", demande le maire du Favril. 

"Cette DGF est basée sur un certain nombre de critères (dont la population), mais qui aujourd’hui ne sont pas justes, puisqu’un habitant qu’il soit à la campagne ou à la ville a les mêmes exigences de service de sa municipalité ou de l’Etat". Il donne alors un chiffre pour comprendre le déséquilibre : "en moyenne, notre dotation est inférieure de moitié à celle qui est versée à une commune urbaine".

La chasse aux dépenses

Un sentiment partagé par Christelle Minard : "le calcul des dotations favorise encore les métropoles au détriment des communes rurales. Si la dotation dite de solidarité rurale est censée tenir compte des charges que portent nos communes rurales et compenser l’insuffisance des ressources fiscales, elle reste bien trop faible par rapport à la perte que nous avons eus, avec notamment la perte de la taxe d’habitation", précise-t-elle.

"Aujourd’hui une commune rurale assure son fonctionnement mais n’est plus en capacité de faire de l’investissement", déplore la maire de Tremblay-les-Villages. Pour l’instant, la seule manière possible pour elle de dégager un peu d’argent pour investir est de chasser les moindres dépenses. "Tous les soirs, je passe dans ma mairie pour baisser le chauffage et vérifier que les lumières sont bien éteintes. C’est ça, notre quotidien de maire d’une commune rurale."

Création d’un secrétariat d’Etat à la ruralité, "vernis" ou "pas énorme" ?

Certes "l’Etat a commencé à se rendre compte qu’il y a des élus ruraux au moment de la crise des Gilets Jaunes", admet-elle. Un secrétariat d’Etat à la Ruralité a été créé en juillet 2020, et des référents ruralité sont désormais présents dans chaque ministère et chaque préfecture départementale. 

Si ces changements pour elle sont surtout "du vernis", il s’agit pour John Billard d’un "pas énorme", attendu "depuis la création de l’association des maires ruraux de France".

"Comme on le disait vulgairement quand une décision était prise au niveau national ‘c’est un type à Paris qui a pondu un truc sans savoir ce qu’était une commune rurale. Donc le fait d’avoir obtenu un secrétariat à la ruralité et des référents ruralité dans chaque préfecture et dans chaque ministère, cela permet d’avoir une vraie prise en compte des besoins, des spécificités de la ruralité", se réjouit-il.

"Ça fait plus de 15 ans que je suis élu, j’ai connu trois gouvernements, c’est sans doute le gouvernement qui a été le plus attentif à nos revendications, ose le secrétaire général de l’AMRF. Mais je ne dis pas qu’il a répondu à tout. Il reste beaucoup à faire."

La ruralité plutôt absente de la campagne

Ce secrétariat et ces référents survivront-ils à l’arrivée d’un nouveau président et d’un nouveau gouvernement ? L’avenir le dira, même si la ruralité n’est pas au cœur de la campagne présidentielle. "Des vraies propositions pour la ruralité, je n’en vois pas beaucoup", déplore Christelle Minard.

John Billard balaye la question des promesses des candidats : "c’est de la politique spectacle, de la communication. Ce que l’on veut ce sont des actes, c’est travailler concrètement sur les sujets avec les ministères concernés. Et ça, on l’a quand le gouvernement est là, pas quand il est en campagne".

Surtout que les actions à entreprendre sont déjà connues : au-delà des 20 propositions présentées par l’AMRF le 22 mars dernier, il existe en effet une feuille de route de plus 180 mesures baptisée l’agenda rural. "Il suffit que les candidats prennent l’agenda rural et construisent leur politique à venir avec et tout y est, il n’y a pas besoin de réinventer", résume John Billard.

Les assises de la ruralité

Ni lui, en tant que président de l’AMRF d’Eure-et-Loir, ni Christelle Minard, en tant que vice-présidente du Conseil départemental, n’ont attendu l’élection présidentielle pour travailler avec les services de l’Etat sur la ruralité. En effet, la préfecture d’Eure-et-Loir a lancé début mars les assises de la ruralité, où quatre thématiques ont été abordées :

  • l’accès aux services publics ;
  • l’urbanisme et l’environnement ;
  • les énergies et le numérique ;
  • la revitalisation et l’attractivité des territoires.  

D’autres réunions sont prévues avec des élus et des services de l’Etat (la direction départementale des territoires, l’ARS, la Banque de France), jusqu’à octobre pour dégager des propositions concrètes qui répondent aux particularités de l’Eure-et-Loir. Et Christelle Minard a déjà 1000 idées en tête : mesures de santé, aide aux familles démunies, réflexion pour attirer des aides à domicile dans les zones rurales…

"Sentiment d'abandon"

"C’est une véritable avancée dans le sens où on peut parler, partager, et voir comment on peut avancer ensemble sur nos sujets plus spécifiquement ruraux, se réjouit John Billard. Car quand la population veut plus de démocratie, de participatif, c’est la même chose du côté des élus. Et souvent quand une décision politique est prise, mais est-ce que c’est réalisable ? Comment peut-on l’adapter ? Est-ce qu’il y a les moyens financiers suffisants ? C’est ça aussi souvent la question."

Mais avec le changement de président et de gouvernement, les préfets et leurs équipes seront-ils maintenus à leur poste, et leurs actions se poursuivront-elles ? Pour Christelle Minard, ces assises de la ruralité ne sont "qu’un début". "Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, il y aura des opportunités d’échanges, les élus sauront prendre leur part. Je crois en la ruralité, elle est bien vivante et portée par des gens qui la gardent vivante" assure-t-elle-même si "on a parfois un sentiment d’abandon."

Pour aller plus loin dans cette thématique, retrouvez ici en replay notre émission Dimanche en politique du 20 mars consacrée aux enjeux de la ruralité, et tournée à Argenton-sur-Creuse (Indre). 

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