Invité sur le plateau de Dimanche en politique par France 3 Centre-Val de Loire, le député Modem d'Eure-et-Loir Philippe Vigier revient sur le bilan de sa période au gouvernement.
Après 175 jours en tant que ministre des Outremers, soit un peu moins de six mois, Philippe Vigier a appris de Gabriel Attal le 11 janvier dernier, quelques dizaines de minutes avant le reste des Français, qu'il ne serait pas reconduit au sein du gouvernement du nouveau Premier ministre.
"Six mois d'action, six mois de passion"
Sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire, le député de la 4e circonscription d'Eure-et-Loir s'est confié sur cette "expérience merveilleuse" en tant que ministre, qu'il résume comme "six mois d'action, six mois de passion". "Je suis très fier de ce qu'on a pu faire", affirme-t-il, "j'ai une vraie passion pour les Ultramarins".
Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée (également mis en examen pour prise illégale d'intérêt chez un armateur dirigé par les cousins de sa mère), l'a appelé peu de temps après pour "me remercier pour le travail" accompli, se souvient encore Philippe Vigier. L'ancien ministre reconnaît du bout des lèvres un moment "pas forcément agréable, un peu frustrant", "mais c'est ainsi, c'est la règle de la vie publique".
Ce n'est pas une fonction dont on est dépositaire ad vitam aeternam, non : on vous confie cette belle mission, et je crois l'avoir fait avec passion et enthousiasme et avec des gens formidables.
Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loir
"Squatteur de la République"
Au cours de la période qui a suivi la fin de cette mission, Philippe Vigier a été épinglé par Mediapart dans un article publié le 30 janvier. Le média d'investigation pointait des "dîners privés" organisés au sein du ministère et le fait que l'ancien ministre ait conservé, durant cette période, son logement de fonction et sa voiture avec chauffeur. Une affaire sur laquelle il avait également répondu à France 3 dans la foulée.
"Je pense que le mot de 'squatteur' est totalement inadapté", répond le député d'Eure-et-Loir sur le plateau de France 3. Le ministère de l'Intérieur et le secrétaire général du gouvernement lui avait permis de conserver certains avantages en nature. Selon lui, "beaucoup de membres du gouvernement" ont bénéficié de cette tolérance en dépit de la perte automatique de leurs fonctions lors du remaniement.
Quant aux trois repas organisés en privé par l'ancien ministre, celui-ci a répondu qu'ils seraient remboursés de sa poche. Quant l'éventuel impact de l'article sur sa non-reconduction, c'est un doute que le député balaie d'un revers de main : "chacun connaît ma probité."
J'ai été président de communauté de communes, non payé, pendant 16 ans. J'ai été maire non payé pendant 2 ans. La politique ne m'a pas enrichi, il ne s'agit pas d'un squat.
Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loir
Coupures de courant et pénuries d'eau
À défaut de s'être enrichi, Philippe Vigier a bien rempli son proverbial emploi du temps de ministre, notamment en raison des décalages horaires. Il se souvient par exemple d'un blackout survenu en Guyane au début de ses fonctions. Près de 60 000 foyers avaient alors été privés de courant pendant une dizaine d'heures. "Le préfet m'appelle à 3 heures du matin", se souvient Philippe Vigier, "et me dit qu'on va avoir des difficultés avec les blocs opératoires dans les hôpitaux. J'ai réveillé le numéro 2 d'EDF et on a trouvé des solutions."
L'autre dossier pris "à bras le corps" par Philippe Vigier, c'est évidemment la crise de l'eau à Mayotte. Depuis le printemps et jusqu'au mois de novembre, les 300 000 habitants de l'île n'avaient en moyenne accès à l'eau qu'un jour sur trois. En septembre, l'État avait même affrété un navire avec 600 000 litres d'eau potable pour pallier la crise.
"Le bilan sur Mayotte", assène Philippe Vigier, "c'est qu'on est capable de produire 10 000 mètres cubes d'eau par jour, et qu'on a été capable de distribuer jusqu'à 500 000 bouteilles quotidiennement". L'ancien ministre affirme aussi que cette crise a aussi permis de mettre sur pied un plan qui permettra d'éviter qu'elle se reproduise à l'été 2024.
Moins dithyrambique sur l'action gouvernementale, une enquête du Monde publiée le 20 octobre 2023 révèle que depuis le mois de mars, "face à une catastrophe prévisible, l’État n’a pas pris la main, tout en poussant sur le marché un acteur majeur, le groupe Vinci, qui n’a pas pu respecter son contrat".
La réforme du droit du sol, une "nécessité" ?
En déplacement à Mayotte, justement, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le 11 février dernier la "fin du droit du sol" dans ce département français. Une proposition que rejoint le député d'Eure-et-Loir, et dont il revendique partiellement la paternité.
"À Mayotte, il y a 320 000 habitants", expose l'ancien docteur en pharmacie. "Et la première maternité de France se trouve à Mayotte : 11 000 accouchements par an." Une situation dramatique, qui doit d'ailleurs moins à la fertilité de l'île qu'au fait que le centre hospitalier de Mayotte, qui possède 4 maternités excentrées en plus de celle de Mamoudzou, est à bout de souffle, plus encore que la plupart des établissements en Hexagone. Selon l'Insee, Mayotte détient également le record du nombre d'accouchements hors maternité et souffre d'une mortalité infantile élevée.
Mais le problème, selon l'ancien ministre, est que parmi ces 11 000 accouchements par an, "60% des enfants ont des mamans qui ne sont pas Mahoraises, et viennent des Comores", l'archipel indépendant dont fait partie l'île de Mayotte, "ou d'autres territoires". Conclusion : "il faut supprimer le droit du sol" à Mayotte, mais pas seulement.
"Il faut se rendre compte de ce qu'il se passe, ces hommes et ces femmes ont le droit de vivre dignement", rappelle encore Philippe Vigier, notant que les droits sociaux, comme le SMIC ou les retraites, restent à Mayotte inférieurs à ceux de la Métropole. Une situation qui là encore doit moins à l'immigration qu'au fait que Mayotte est, historiquement, le lieu des traitements d'exception. Ainsi, jusqu'en 2016, le droit du travail local était resté bloqué aux 39 heures et interdisait l'intérim. Quoi qu'il en soit, assène Philippe Vigier, "il continuera d'y avoir une forme d'immigration, mais contrôlée."
Contrôler le droit du sang et le droit du sol c'est reprendre en main la destinée de ce territoire. Sinon on ne s'en sortira pas. Depuis quelques semaines, c'est un déchaînement de violence. Les Mahoraises et Mahorais nous supplient, en disant "il nous faut de la sécurité".
Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loir
Mais, tempère l'ancien ministre, "il faut aussi donner des perspectives" à ce territoire, notamment via une "loi de programmation" pour "donner à Mayotte les moyens de son développement".
Le MoDem ira-t-il seul aux élections européennes ?
Membre du MoDem, Philippe Vigier va regagner les rangs parlementaires de ce parti, allié fidèle quoique râleur d'Emmanuel Macron. Dernier exemple en date : au surlendemain de sa relaxe dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem (d'autres cadres du parti ont été, eux, condamnés), François Bayrou a refusé un poste de ministre de l'Éducation au sein du gouvernement Attal. Un refus qui a déplu au sein même de ses rangs. Mais qui devrait lui permettre de se consacrer à sa défense judiciaire, puisque le parquet a fait appel.
"Le MoDem est en pleine incohérence", a tonné le député des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges, "François Bayrou a décidé sans aucune concertation avec personne d'afficher un désaccord de fond avec la majorité présidentielle tout en recommandant aux députés de rester à bord [...] C'est politiquement inepte et moralement dégradant."
De son côté, Philippe Vigier déplore un "coup de gueule comme il peut y avoir dans les familles", et regrette que François Bayrou ait pour sa part "dit un peu fortement les choses". "Au sein d'une majorité, il peut y avoir des différences", reconnaît le député, mais "ce n'est pas au moment où ça devient difficile qu'on lâche le cap. Il faut être solide sur ses positions."
Le MoDem garde donc toute sa place au sein de la majorité, et contrairement à son collègue du Loiret Richard Ramos, Philippe Vigier écarte l'idée d'une liste séparée pour les élections européennes qui approchent. "Il faut s'unir, on ne peut pas laisser le champ aux extrêmes", martèle l'ancien ministre, qui regrette toutefois l'absence de tête de liste, pour le moment, au centre. "Une élection ça s'incarne, il y a urgence !"
De fait, le scrutin ayant lieu les 6 et 9 juin 2024, il reste donc un peu plus de trois mois au centre pour annoncer ses figures de proue et se trouver une voix.