Le froid polaire qui s’est abattu sur la France ces derniers jours n’aura épargné aucun secteur viticole. Dans les vignes de notre région, les dégâts sont considérables. Les vignerons sont groggy. Le ministre de l’Agriculture, est venu les rencontrer ce vendredi après-midi.
Un thermomètre qui s’affole et descend à – 3°, jusqu’à -7° dans certaines parcelles et c’est toute une récolte qui est compromise. Cette vague de froid est arrivée en effet à un très mauvais moment : nous sommes en pleine période de bourgeonnement et un bourgeon qui gèle n’est plus en mesure de produire le raisin attendu.
Installations de tours antigel, déploiement de bougies par centaines, rotations d’hélicoptères au-dessus des vignes pour tenter de rabattre les couches d’air plus chaudes vers le sol : tous les moyens auront été bons pour maintenir coûte que coûte une température proche de 0°. Avec plus ou moins de succès, car ces procédés permettent de rattraper deux ou trois degrés, guère plus. Et tous les viticulteurs ne sont pas en mesure de financer ces équipements.
Après 3 nuits consécutives passées à défendre les vignobles contre les attaques du gel, les viticulteurs sont très inquiets. D’autant qu’une nouvelle vague de froid est annoncée pour le début de la semaine prochaine, juste après un week-end très humide.
Impossible pour le moment d’évaluer avec précision les dégâts. Mais on sait d’ores et déjà qu’ils seront vraisemblablement très importants. Avec des nuances, d’une appellation à l’autre et d’une parcelle à l’autre.
Un dispositif pas assez protecteur
Les vignes de la famille Tessier sont installées sur l’appellation Cheverny. Jocelyne, Philippe et leur fils Simon y cultivent 26 ha, entièrement biologiques, dont 11 sont protégés contre le gel. Mais les trois éoliennes et les centaines de bougies déployées n’auront pas suffi : « ce froid polaire est très difficile à contrecarrer. Notre dispositif n’est pas assez protecteur ; d’autant qu’en plus des températures très basses, des chutes de neige fondue sont venues apporter une forte humidité » explique Jocelyne Tessier. En 2016 et 2017 ils avaient perdu près de 90 % de leur récolte. Ils s’attendent, cette fois-ci à en perdre au moins 50%.
Interloire demande « un accompagnement massif des pouvoirs publics »
Une analyse à laquelle souscrivent les responsables d’Interloire, un organisme interprofessionnel qui regroupe 3000 opérateurs du Val de Loire. Pour Lionel Gosseaume, son président, « la répétition de ces aléas nous oblige à poursuivre nos efforts dans la sécurisation de la profession. Cela passe par des investissements importants qui ne pourront se faire qu’avec un accompagnement massif des pouvoirs publics ».
« Tout remettre à plat ! »
Dans le secteur de Montlouis-sur-Loire, en Touraine, le thermomètre est descendu par endroit jusqu’à – 9°. Là encore, les dispositifs se seront révélés insuffisants. Pour François Chidaine, l’une des figures de l’appellation, le bilan est impossible à faire pour le moment. Et il n’attend à vrai dire pas grand-chose des aides mises en place par l’Etat : « Les grandes déclarations ne suffiront pas ; la succession d’années de gel est devenue récurrente et il est nécessaire de tout remettre à plat dans les appellations parcellaires comme la nôtre ; il faudrait mener une réflexion globale, sur le long terme, avec un véritable accompagnement pour établir des stratégies adaptées. Et cela ne pourra de toute façon pas se faire du jour au lendemain » prévient-il.
Dans le Sancerrois, tous les villages touchés
La situation est d’ordinaire plus contrastée dans le Sancerrois lors des épisodes de gel. Certaines parcelles parviennent même parfois à être totalement épargnées. Pas cette fois-ci : « A des degrés divers, tous les villages ont été touchés. Pour retrouver une telle situation il faut remonter à 1991. Et la neige tombée lors de la 2ème nuit a rendu nos dispositifs antigel presque totalement inopérants » explique Christine Laloux, la présidente de l’Union viticole sancerroise. Selon elle, « tout le monde s’est pris un coup derrière la tête, nous nous sentons abattus ».
A Quincy, le vignoble a « bien résisté »
L’une des rares appellations à avoir plutôt bien résisté à cet assaut du froid reste celle de Quincy, dans le Cher. Un secteur habitué au gel et qui s’est équipé depuis longtemps. Quatre-vingt-dix pour cent du vignoble de cette appellation est ainsi désormais protégé par une soixantaine de tours antigel. « Ces équipements sont mutualisés ; c’est le fruit d’un travail collectif mené depuis plus de 20 ans » explique Hélène Mardon, la co-présidente de l’appellation. Une situation qui reste une exception dans la Région.
Le ministre réclame une « mobilisation totale »
Le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, qui avait annoncé la mise en place du régime de calamité agricole dès jeudi, s’est rendu ce vendredi dans l’après-midi en Touraine. Il est venu constater les dégâts causés par le gel sur les parcelles de vignes. Pour confirmer les mesures d’aide que le gouvernement entend prendre, le ministre avait choisi le domaine de Benoit Gautier, vigneron sur l’appellation Vouvray et président de la Fédération des associations viticoles d’Indre-et-Loire.
Le ministre est resté sur place près de 2 heures, le temps d’écouter les viticulteurs. « Face à tout cela il faut une mobilisation totale pour apporter le plus rapidement possible les dispositifs d’accompagnement nécessaires », a-t-il rappelé. Mais pas d’annonces supplémentaires de sa part ni de chiffrage des aides que l’État leur proposera. Il faut attendre, pour cela, que l’évaluation des dégâts puisse être établie de façon plus précise. Il a néanmoins appelé banques et assureurs, chambres d’agriculture et toute la filière à se montrer réellement solidaires.