Ils sont en "en première ligne" ou plutôt en deuxième ligne, quand l'état des patients Covid-19 s'aggrave. Les anesthésistes-réanimateurs de France n'hésitent pas à communiquer sur les réseaux sociaux pour expliquer, alerter et éviter un "tsunami sanitaire".
Le président du comité réanimation de la Société Française d'Anesthésie-Réanimation (SFAR) Olivier Joannes Boyau a publié un long message ce samedi 21 mars sur son compte Facebook : "La situation est grave donc je vais vous donner un aperçu de l'état de la pandémie, et faire un peu de pédagogie. (...) Ce virus est très contagieux mais très peu mortel ce qui rend sa propagation si intense." Il poursuit.
L'un des patrons de la réanimation en France, qui exerce au CHU de Bordeaux, a pris le temps dans son billet de bien expliquer la situation : "Plus on va avoir de gens infectés et plus il y aura de cas graves et moins on pourra les accueillir, vous avez vu avec 100 000, imaginez avec seulement le double... De plus les patients hospitalisés en réanimation y restent longtemps (plus de 15 jours en moyenne) et donc bloquent les lits pour une très longue période. (...) Or si on veut que la mortalité reste basse il va falloir s'occuper de tout le monde, donc il faut absolument diminuer et ralentir le nombre de nouveaux cas pour éviter d'être trop submergé (comme en Italie où ils ont déjà dépassé leurs capacités d'accueil et où donc la mortalité est déjà proche des 5%)."Le problème est que si 100 000 personnes attrapent la maladie, il y aura 5 000 cas graves nécessitant la réanimation et 1 000 décès. Or la capacité en lits de réanimation en France est d'environ 5000, voilà, vous comprenez mieux le problème".
Alors comme tous ses confrères praticiens, il appelle au respect du confinement en demandant aux internautes de rester chez eux "au maximum". A bien veiller également au respect des gestes barrières, de n'appeler le 15 que si son état est sérieux et après avoir consulté son médecin traitant, de ne pas porter des masques FFP2 (pour les laisser à ceux qui en ont plus besoin à savoir le personnel soignant), d'arrêter d'écouter les faux médecins ou encore de ne pas dévaliser les rayons des supermarchés.
Un autre confrère, toujours anésthésiste-réanimateur, qui exerce à Lyon, a pris le temps, lui, d'expliquer le premier week-end de confinement à ceux qui le suivent toujours sur Facebook. Bertrand Dévigne n'a pas hésité à publier une photo d'un patient, non reconaissable, installé sur le ventre, hospitalisé en service de réanimation. Et il va bien plus loin dans ces écrits :Il faut donc un vrai sursaut Humain (oui avec un H majuscule) et pour une fois cesser de se regarder le nombril, d'être égoïste et penser à la communauté. Car sinon, même vous serez peut-être malade et il n'y aura peut-être plus de lit pour vous accueillir.
Bertrand Dévigne qui exerce au Groupement Hospitalier Edouard Herriot à Lyon va encore plus loin, quitte à user de mots provocants pour choquer. Sans doute une bonne méthode pour atteindre les plus jeunes et les plus inconscients qui se baladent encore ici ou là :Si vous (ou l’un de vos proches) développe une forme grave et nécessite une prise en charge en réanimation, voici comment les choses vont se passer : Dans un premier temps, vous avez “de la chance” car des places en réanimation, il en reste encore, dans certaines villes. Les soignants n’auront donc pas à faire un choix éthique insupportable, pour décider qui de vous ou de votre voisin aura le droit de vivre. Par votre attitude irresponsable, vous allez pousser les équipes soignantes déjà surmenées à se confronter à l’indicible. Jamais on ne devrait avoir à choisir entre laisser une chance à l’un et laisser mourir l’autre, faute de lit, pourtant cela va arriver inexorablement puisque vous continuez à privilégier votre confort personnel par rapport à la collectivité.
Ensuite, voici les implications d’une hospitalisation en réanimation : elle sera longue. Vous serez peut-être intubé et cela pour deux ou trois semaines, voire plus. Vos proches ne pourront jamais venir vous voir, les visites sont interdites. (...) Si vous mourez d’une infection à coronavirus, vos proches ne pourront jamais vous revoir, obligation de mise en bière immédiate. Ils ne pourront même pas venir vous dire au revoir, vous accompagner et donc faire leur deuil de manière décente. Vous êtes jeune, vous vous croyez invincible. Le coronavirus atteint aussi les personnes jeunes et sans antécédent. Le coronavirus tue des personnes jeunes tous les jours.
Il conclut, non sans un certain agacement :
Merci de respecter les consignes de confinement qui vous sont imposées. Sinon, nous travaillons pour rien. Merci de respecter les soignants qui se battent pour vous et vos proches. Merci de partager. Bertrand, médecin réanimateur.