PORTRAIT. Des chaussures de ministres à l'ouverture de son atelier, Zoé Riot, artisan cordonnier, raconte son parcours

À 33 ans, Zoé Riot a appris son métier à L'Atelier d'Antoine, près de l'Elysée. Depuis le 9 janvier, l'artisan cordonnier est installée à Chinon en Indre-et-Loire. Une nouvelle vie pleine de projets s'ouvre à cette passionnée.

Impossible de rater l'"Atelier de Zoé" qui a ouvert début janvier, rue du commerce, à Chinon. Une grande boutique très chaleureuse où les gens s'arrêtent pour discuter cinq minutes... Au fond, un œil rivé vers la porte d'entrée, Zoé répare, ressemelle, change des talons. Zoé Riot est artisan cordonnier. "Je suis cordonnier et pas cordonnière", tient à préciser la jeune femme qui a toujours évolué dans un milieu où les filles étaient rares.

Formée par les Compagnons du devoir pour devenir bottière elle a ensuite obtenu un CAP cordonnerie multiservices. "J'étais la seule fille mais ça ne me dérangeait pas."

Apprendre le métier sur les chaussures des présidents et des personnalités 

En 2008, la jeune Parisienne devient apprentie pour la prestigieuse cordonnerie "L'Atelier d'Antoine", dans le 8ème arrondissement de Paris, rue Miromesnil près de l’Elysée. 

"On avait un peu de tous les clients, on avait pas mal de ministres. On avait le président Sarkozy qui était client depuis longtemps. Déjà quand il était maire de Neuilly, il venait chez Antoine", raconte Zoé Riot. "Il y avait aussi des comtes et des comtesses, des personnalités comme Dick Rivers, Christophe, Michèle Laroque et aussi monsieur et madame tout le monde, des gens qui ont de belles chaussures et qui veulent les faire réparer de manière traditionnelle avec des matériaux nobles ", se souvient-elle. 

Là, elle apprend le travail de précision et la nécessité de parfaire les finitions. "Les clients étaient exigeants mais aussi très reconnaissants du travail bien fait. Ce qui n'était pas le cas à la Défense. Là-bas c'était plus compliqué. Les clients étaient infects. C'était le jour et la nuit'. 

Après l'Atelier d'Antoine, Zoé Riot élargit ses compétences en se formant au "multiservices" puis trouve du travail rapidement. "J'ai eu de la chance de commencer sereinement. Ce n'est pas un travail stressant. C'est rigoureux mais c'est très agréable. "

Il faut dire qu'elle intègre les codes et le réseau rapidement. "La cordonnerie est très fermée mais en région parisienne, tout le monde se connaît. Il suffit de connaître quelqu'un dans ce milieu comme un fournisseur ou simplement le monsieur qui m'a livré les machines qui s'appelle André. C'est la personne qu'il faut connaître quand vous êtes cordonnier. Si vous ne connaissez pas André vous êtes foutu. C'est le Mazeratti des réparateurs", s'amuse-t-elle. 

Du mépris parisien à l'amour pour Chinon 

Quand la jeune femme venait rendre visite à sa mère installée à Chinon, elle ne comprenait pas ce qu’elle trouvait à cette ville. "Je lui disais c'est quoi cette ville ? C'est horrible. Il n'y a rien à faire. J'étais vraiment la Parisienne. Je l'avoue", raconte-t-elle.

Puis en 2019, elle vient passer quelques jours dans la cité médiévale au bord de la Vienne pour se reposer. Avec son fils de 7 ans, elle se voit bien vivre là et surtout elle ne veut plus du stress parisien. "Dans ce métier, soit on est employé soit on a son propre atelier. Donc je me suis dit pourquoi pas ouvrir à Chinon...J'adore cette ville et son ambiance. C'est vivant, il y a pas mal de jeunes qui s'installent. Ça bouge. " 

 Les débuts difficiles pour ouvrir son atelier

Avant d'ouvrir son atelier au pays de Rabelais, Zoé Riot traverse des moments difficiles. Beaucoup de banques refusent de lui prêter les 30 000 euros dont elle a besoin pour acheter ses machines. Mais elle ne se laisse pas abattre. Elle persévère et elle finit par tomber sur un banquier qui accepte de l'accompagner. " Si vous avez envie de vous mettre à votre compte, accrochez-vous. Ne laissez pas tomber au premier p'tit couac parce que vous allez en avoir tous les jours, " conseille-t-elle avec un peu de recul.  

Depuis son ouverture début janvier, l'atelier de cordonnerie marche plutôt bien. Une dizaine de clients par jour et de bons retours. Zoé Riot ne se dégage pas encore de salaire. Elle préfère d’abord rembourser son prêt mais elle se donne un ou deux ans pour que son activité lui permette de vivre.

"Depuis que je vis ici je suis moins stressée, moins angoissée. Je ne me prends pas la tête. Je ne suis plus du tout la même personne. Avant j'avais l'impression de courir après quelque chose mais je ne savais pas ce que c'était. J'étais jamais satisfaite. Finalement ici je vis. J'ai l'impression d'avoir trouvé ce que cherchais. J'arrive à avoir des projets".

Parmi ces projets, Zoé Riot souhaiterait se diversifier en créant ses propres produits de maroquinerie, des petits sacs par exemple et pourquoi pas prendre un ou une apprentie pour développer et surtout promouvoir son activité. 

Un bonus réparation depuis le 1 er janvier 2024

En 2023, il ne restait que 3400 cordonniers en France. Ces vingt dernières années, deux cordonniers sur trois ont disparu. Mais une nouvelle ère s’ouvre, celle de la réparation et de la seconde main.

En étendant le "bonus réparation" aux chaussures, l'Etat tente de contribuer à relancer le métier de cordonnier. Pour le moment, 274 cordonneries étaient labellisées en France;  

Le bonus réparation va de 6 à 25 € et concerne les réparations d’un coût supérieur à 12 €.

 

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