Indre-et-Loire : "Au coeur des sols", un label pour promouvoir une nouvelle agriculture

Dans les années 1980, le père d'Anthony Quillet, agriculteur à Montlouis-sur-Loire prônait déjà l'agriculture de conservation des sols (ACS), méthode qui vise à préserver les écosystèmes. Environ 40 ans plus tard, le label "Au cœur du sol" voit le jour et permet de reconnaître cette pratique.

"C'est le travail du sol qui détruit les sols", affirme Anthony Quillet, président de l'Association pour la promotion de l'agriculture durable (Apad). Agriculteur et fils d'agriculteur dans une ferme de Montlouis-sur-Loire (37), il préconise depuis plus de 20 ans la généralisation de l'agriculture de conservation des sols (ACS).
 
L'ACS, c'est une manière d'éviter l'érosion des sols en arrêtant de le labourer. Ainsi, la nature peut reprendre possession des lieux, bactéries et insectes s'y multiplient. Cet enrichissement de l'écosystème permet même au sol de mieux stocker le dioxyde de carbone, et donc de limiter le réchauffement climatique.

"Si on bouleverse le sol en permanence, on empêche l'écosystème de se maintenir", explique Anthony Quillet.
  

"Il a été pris pour un fou" : les pionniers de la conservation


La méthode repose sur trois piliers : la couverture permanente du sol, soit le maintien de végétaux contrôlés entre la dernière moisson et le prochain semis pour régénérer les sols ;  le semis sans travail du sol pour ménager les vertébrés, et la diversité et la rotation des cultures d'espèces complémentaires. 

Le père d'Anthony Quillet est un des pionniers de l'ACS et à l'époque, "il a été pris pour un fou, se souvient son fils.  "L'INRA venait nous surveiller et les institutions ne nous croyaient pas".  Et pourtant, Anthony et son père ne sont pas les seuls à expérimenter de nouvelles techniques plus durables. "Dans les années 1990, il y avait un gros bastion de TCS [Technique culturale simplifiée] dans la région Centre", se souvient Jean-David Chapelin-Viscardi, éco-entomologiste. 

Lors de l'édition 2020 du salon de l'agriculture, le label "au coeur des sols" a été lancé officiellement. Il permet de reconnaître et de valoriser le travail de ces agriculteurs. L'Apad souhaiterait labelliser 200 agriculteurs en 2020, 1000 d'ici 2022. 

Pour Sophie Gardette, de l'Apad, ce label a pour objectif de "faire reconnaître ce qui est déjà fait par les agriculteurs et de faire parler d'eux". "Les citoyens sont en attente de nouvelles pratiques, d'une agriculture durable, mais ils ne connaissent pas autre chose que le bio", déplore Sophie Gardette. Le deuxième objectif est qu'ils soient mieux payés : "Les coopératives et les industriels devraient acheter leurs produits plus chers.
 

Le glyphosate, passage obligé


"En France, on a l'impression qu'il y a le bio d'un côté et le reste de l'autre, mais sans distinction", regrette Anthony Quillet. Et si on n'est pas en bio, on est le vilain petit canard. Mais le bio a ses défauts. Pour moi, le bio ce n'est pas l'avenir".

Pour l'instant, la technique de conservation des sols n'est pas bio même si c'est "l'objectif ultime" pour les agriculteurs qui l'utilisent. Car l'enherbement massif des culture nécessite l'utilisation du glyphosate pour éviter le travail des sols. "Aujourd'hui, il n'y a pas d'alternative, explique Anthony Quillet. Le désherbeur électrique diffuse du courant dans le sol, ce qui est mauvais pour la vie biologique et consomme beaucoup de carburant."

S'il se passe des herbicides, l'agriculteur risque de laisser s'introduire des substances toxiques telles que certaines mycotoxines.
 

Si demain on enlève le glyphosate, je suis obligé de changer de méthode. Comme on ne travaille pas le sol, on est obligé d'utiliser un minimum de produits.

Anthony Quillet

Mais plus l'écosystème des culture se rapproche de celui présent en forêt, moins l'agriculteur affirme devoir utiliser de produits phytosanitaires. "On n'utilise presque plus de fongicides et d'insecticides", explique-t-il. Autre conséquence positive : sa consommation en carburant est deux fois moins importante qu'avec l'agriculture conventionnelle. 
 

Une technique boudée par les agriculteurs français


Pourtant, d'après les chiffres de l'association, seulement 1,7 % des agriculteurs français utilisent cette méthode à ce jour. En raison d'une méconnaissance de la technique, selon ses partisans. Mais aussi parce que le passage à l'ACS induit une baisse de rendement lors des premières années, le temps que la biodiversité du sol s'enrichisse.
Alors bio ou conservation des sols, que choisir ? "Chaque technique aura ses inconvénients", explique Jean-David Chapelin-Viscardi.

Ce qu'il ne faut pas faire, c'est confronter les deux techniques. Le bio nécessite un travail du sol mais il aura des avantages sur la faune volante que l'agriculture de conservation des sols n'aura pas. Ce qu'il faut, c'est adapter la technique en fonction de la météo, du type de sol... et surtout diversifier. À force de globaliser, on perd une approche local et régionale.

Jean-David Chapelin-Viscardi, éco-entomologiste

Dans les deux cas, "on revient un peu à ce que faisaient nos arrières grands parents". "Les deux techniques sont vertueuses et vont plutôt dans le bon sens", conclue le scientifique. 
 
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