En Indre-et-Loire, la commune de Château-Renault abrite depuis plus de 100 ans le Balzac, un cinéma associatif dont l'aura ne faiblit pas.
Pains au lait, chocolat, quartiers de pommes, pâte de fruits confits... Jocelyne Amirault et les autres bénévoles se tiennent prêts à accueillir les enfants.
Dans ce cinéma associatif de Château-Renault, tous les mercredis, c'est "1, 2, 3, Ciné". Une programmation adaptée aux jeunes enfants, avec un atelier et un goûter en fin de séance. Ce mecredi-là, ils seront une trentaine d'enfants agglutinés devant les "Petits contes sous la neige".
"Ça a été créé grâce à l'Association des cinémas du Centre, il y a plus de dix ans. Ils ont organisé cette programmation spécifique pour le jeune public et depuis deux ou trois ans, ça monte en puissance", raconte Jocelyne Amirault. Mais le petit atelier d'après-séance, ça, c'est son idée.
Une fois que le noir quitte la salle, elle s'avance face aux spectateurs, à qui elle va apprendre à faire les bruitages du conte Un drôle de poisson. Les petits spectateurs. "Ah bah, j'étais enseignante hein ! rit-elle. Le contact avec les petits m'a toujours plu, trouver des idées d'animation aussi. Je trouvais dommage que les petits n'aient pas un moment privilégié après le film."
Le village à la bobine
Vieux monsieur parmi les jeunes enfants, le Balzac semble immortel : il a fêté, en 2017, 110 ans d'existence. "On continue de fonctionner, cahin-caha. Grâce à des aides, il faut bien le reconnaître", avoue Jocelyne Amirault. Pour les quelque 160 000 euros nécessaires au fonctionnement du cinéma, la communauté de communes verse 34 000 euros, et le label Art et Essai permet au Balzac de toucher environ 5000 euros d'aides du Centre National du Cinéma et de l'image animée.
Maintenir le cinéma, c'est aussi maintenir un lieu de mémoire. Car le Balzac a partie liée avec l'histoire du village, heureuse ou tragique, comme lorsque le matériel de projection cause un incendie à l'école pour garçons, en 1931. L'instituteur, Stéphanie Pitard, meurt en portant secours à ses élèves.
Long chemin jusqu'au cinéma d'aujourd'hui, qui a troqué ses bobines argentiques pour le cinéma numérique. "Si on n'était pas passés au numérique, on aurait mis la clé sous la porte. On a tous les films incontournables : "Qu'est ce qu'on a fait au bon dieu", bon, y'a pas besoin de se poser la question, on l'a passé, et on le repassera." Pour les autres, ceux qui ont valu au cinéma son label Art et Essais, c'est une commission qui décide.
Splendeurs et misères d'une petite salle
Bilan : environ 26 000 spectateurs à l'année, dans une commune de 5000 âmes. Grands films populaires, animations, films d'initiés, le Balzac draîne ses habitants, et tout le canton à l'occasion.
Comme lors de la venue de Jean-Michel Bertrand, réalisateur de la Vallée des loups, accompagné de son audio-naturaliste. L'un des meilleurs souvenirs de Jocelyne Amirault."On a presque refusé du monde, il y a des gens qui avaient fait plusieurs centaines de kilomètres pour venir le voir, avec sa Vallée des loups ! Quand on ne s'y attend pas, c'est..." Elle pince la bouche, mélange de gêne et de fierté. Michel Ocelot, Abdellatif Kechiche, le Balzac a reçu des monuments de cinéma
A côté de ces succès, la peur du bide n'est jamais loin. "C'était l'année dernière, on avait fait un ciné-concert pour le festival 1,2,3 Ciné. Le musicien est venu pour 6 enfants et 4 adultes. Là, on se sent mal... On se dit que c'est beaucoup d'énergie pour pas grand chose."
Des échecs vite relativisés quand la président d'association voit arriver les bus scolaires. "Depuis deux ans, la communauté de communes paie le transport à toutes les écoles des communes du quanton. Quand je les accueille, je leur dis que ça crée un patrimoine commun à tous les enfants du même âge. On ne s'en aperçoit pas forcément tout de suite, mais je me dis que petit à petit, c'est un fil qui se déroule et qui crée un lien."