Les brasseries familiales ont du mal à faire face à la hausse du coût de l'énergie et des matières premières. En Indre-et-Loire, le directeur d'un établissement a déjà du mal à joindre les deux bouts.
Après la pénurie d’eau, c'est la pénurie de contenants. Le prix de l’énergie vient s’ajouter au problème d’acheminement de la matières premières.
À Rochecorbon, près de Tours, le directeur de la brasserie Les Canailles, Maxime Decitre-Jouteau, est inquiet. Il constate en effet que la facture des bouteilles vides devient de plus en plus salée au fil du temps. Avec 80 000 bouteilles à sortir, ces augmentations représentent pour lui un budget de 8 000 euros en plus par an. Pour l'instant, il prend sur sa marge.
En France, il existe très peu d’usines de fabrication de verre. Et depuis le début de la guerre en Ukraine, le coût des matières premières a explosé : gaz, métaux, mais aussi le verre, dont le prix a augmenté de 20 à 30% au printemps. À tout cela vient s’ajouter la hausse du prix de l’énergie.
De 16 centimes à 21 euros par bouteilles
"Nous sommes fortement impactés", déplore le gérant. "Mon fournisseur de bouteilles, un grossiste du Morbihan, me disait de faire attention dès le printemps dernier. J’ai un souci de logistique, il me faut des palettes basses alors elles viennent d’Espagne. Autrefois, quand les consignes étaient la norme, il y avait de grandes usines partout, là c’est compliqué de nous fournir."
Au départ, quand il montait son entreprise, il nettoyait les bouteilles, puis sa brasserie familiale a pris un peu d’ampleur. Il doit désormais les acheter. Aujourd’hui, il se questionne : "La bouteille passe de 16 centimes à 26 euros pièce et ensuite elle repasse à 21 centimes. Cela fluctue en permanence, ce n’est pas sécurisant."
Je cherche des alternatives et je trouve cela dommage d’utiliser l’énergie pour recycler une canette alors qu’on a tout sur place, il suffirait de la laver !
Maxime Decitre-Jouteau
Effectivement, lavées dans un périmètre inférieur à 300 kilomètres, les bouteilles en verre rejettent 80% de gaz à effet de serre en moins que lorsqu’elles sont recyclées, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). "Pourtant c’est plus simple de jeter, mais cela a ses limites", remarque Maxime. C'est là qu'interviennent des sociétés comme Bout' à Bout'.
Basée en Pays de la Loire, elle organise un service de collecte, stockage et lavage pour favoriser le développement d'une filière de réutilisation des bouteilles. "Bout à bout Centre-Val-de-Loire est venu me démarcher", explique Maxime Decitre-Jouteau. "Ils mettent en place la consigne dans la région et je vais m’engager avec eux. "
Une bouteille réemployée pourrait en effet durer de 30 à 40 cycles d'utilisation. Brasseurs, viticulteurs, producteurs de jus de fruits ont donc tout intérêt à s’associer pour que la consigne revienne.
Certains aimeraient même la voir rendue obligatoire par l’État. Hugues Monin, directeur de Bout' à Bout' se penche sur la question du réemploi depuis plusieurs années :"On propose aux producteurs de passer sur des bouteilles réutilisables. On les aide à changer leur comportement. Notre objectif est de fédérer pour faire descendre les prix. Sur de la bière, nous ne sommes pas encore concurrentiel mais la matière, la bouteille, est payée une seule fois. Ensuite les brasseurs payent juste le stockage et le lavage. Par contre nous sommes 40% moins cher sur la bouteille de 75 centilitres"
L’an dernier, lorsque l’entreprise se nommait Rebout, ils ont effectué une expérimentation de consignes sur 25 magasins. Les consommateurs étaient bien au rendez-vous.
Les producteurs de boissons non-alcoolisée, de vin, de bières les contactent. La filière pourrait mettre encore un an ou deux à se développer.