Burkina Faso : à la rencontre des enfants opérés du cœur dans le pays le plus pauvre d'Afrique

Au Burkina Faso, où France 3 Centre-Val de Loire a suivi une équipe de soignants Tourangeaux en mission, des milliers d’enfants naissent avec des cardiopathies congénitales. Depuis peu, le CHU de Tengandogo pratique la chirurgie à cœur ouvert. Deux anciennes patientes témoignent.

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Le Burkina Faso, pays d'Afrique de l'ouest francophone, a longtemps traîné une réputation peu flatteuse : celle du pays le plus pauvre du continent. Malgré ces difficultés, celui qui se fait appeler également le Pays des hommes intègres s’est lancé dans le plaidoyer tous azimuts. Il a ainsi pu bénéficier de l’expertise d’organismes et d’associations non gouvernementales humanitaires comme la Chaîne de l’espoir.

C’est grâce à cette coopération renforcée que des enfants sont opérés sur place. Fin septembre, juste avant le coup d'État, une équipe de soignants originaires de toute la France est venue pour opérer, mais aussi pour former les médecins locaux.

Une crevette nommée Imane

Imane a deux ans et de grands yeux noirs. De rares cheveux et de fines jambes sur un corps tout aussi fluet. Elle est le troisième enfant de sa fratrie. Sa maman Bintou évoque avec emphase, le parcours de combattante vécu avec sa fille. Nous les retrouvons à Saba, un quartier de la classe moyenne.

Encore un peu intimidée, Imane s’est blottie dans les bras de sa maman. Pour fendre l’armure, Anne-Catherine Dupré, la coordinatrice Afrique de la Chaîne de l’espoir est venue avec un cadeau. Un petit nounours porte-clés de l’Association humanitaire. Un souvenir dont Imane s’empare immédiatement. La conversation s’engage.

"On m'a dit qu'elle avait un trou dans le cœur"

"Ça fait un an et un mois qu’Imane a été opérée", raconte Bintou Idraogo. "Elle est née avec un petit poids. 2 kilos 500. A quatre moi, je l’ai emmenée chez le pédiatre pour comprendre ce qui n’allait pas." En effet, le bébé mange bien, mais ne grossit pas et grandit peu. L’échographie révèle qu’Imane souffre de cardiopathie congénitale. "Je ne savais pas ce que ça voulait dire", explique encore Bintou. "On m’a dit qu’elle avait un trou dans le cœur et qu’il fallait l’opérer."

Quand l’opération a été programmée au CHU de Tengandogo, la petite avait de la fièvre. 39 degrés. Il a fallu reporter l’opération à une date ultérieure. Le début d’une longue attente. Interminable. Un calvaire.

"Ça n’a vraiment pas été simple", poursuit Bintou Idraogo. "Mais les docteurs Somé, Sawadogo et Belem ont fait le miracle. Par  la gloire de Dieu on a pu l’opérer. Et en un temps record elle s’est mise à marcher."

Que puis-je dire pour remercier les docteurs de Tengandogo? Les mots me manquent. Ils ont sauvé ma fille. Ils ont fait l’impossible pour moi.

Bintou Idraogo, maman d'une petite fille opérée du cœur

La Chaîne de l’espoir en première ligne

Le Burkina Faso compte beaucoup d’autres enfants qui attendent d’être opérés d’une malformation cardiaque. Et c’est à cela que la Chaîne de l’espoir trouve sa justification et sa raison d’être.

"La Chaîne de l’espoir est une ONG qui existe depuis 1994", abonde Anne-Catherine Dupré, qui coordonne les activités de l'association sur tout le continent. "Elle est spécialisée dans le secteur médical et plus précisément dans la prise en charge des chirurgies des enfants."

"Imane nous montre qu’il est désormais possible d’opérer des enfants au Burkina Faso", poursuit-elle. "C’est nouveau. Ça n’existait pas il y a encore quelques années. La première opération a cœur ouvert a eu lieu début 2021."

Chaque année, environ 6000 cas de maladies cardiovasculaires sont détectés au Burkina Faso. Beaucoup d'entre eux nécessitent une opération. Mais la situation sanitaire du pays ne le permet que rarement. "Il y a un contexte sécuritaire avec 2 millions de déplacés sur 21 millions d’habitants" détaille Anne-Catherine Dupré. "Soit 10% de la population. Vous comprenez que lorsqu’ils ont de quoi manger, c’est déjà bien. Et bien sûr il ne reste pas assez d’argent pour opérer leurs enfants."

"Des donateurs pour remplir nos missions"

Concrètement, ce sont les donateurs en France qui appuient les activités de l'association. Des bailleurs, des entreprises qui soutiennent financièrement leurs action. L'opération de la Chaîne de l'espoir au Burkina Faso, c'est grâce à leur générosité, mais "aussi à l’engagement des équipes du CHU de Tengandogo", précise la responsable.

Il y a des listes d’attente de plusieurs centaines d’enfants qui sont condamnés faute d’être aidés. Un cas comme celui d'Imane donne du sens à ce que nous faisons. Nous arrivons à sauver des enfants. Et ça motive. Ça donne de l’énergie le matin.

Anne-Catherine Dupré, coordinatrice Afrique de la Chaîne de l'espoir

Sinata, le regard triste et la voix douce

Pour rencontrer Sinata et ses parents, il nous faut emprunter une piste cabossée en latérite. Dans cette périphérie de Ouagadougou, les habitants s’appellent les "non lotis". Des maisons sorties de terre. Au petit bonheur la chance. Ici, pas de cadastre. Pas d’eau courante. Et pas d’électricité. Les voitures qui empruntent ces chemins sont rares. Et nous ne passons pas inaperçus.

"Bonne arrivée, je suis très content. Merci beaucoup", commence le père de famille, qui nous accueille avec empressement. Son épouse lui emboîte le pas. Et juste dernière sa maman, Sinata. Un voile blanc couvre sa tête.

La jeune fille est frêle. Elle a 19 ans mais en paraît 15. Tout au plus. Nous apprenons qu’elle a été opérée d’une grave malformation cardiaque. Constamment affaiblie et sujette à des évanouissements, elle a dû interrompre sa scolarité en primaire.

Son organisme a été profondément marqué par la maladie. La jeune fille n’a pas eu de puberté. Ses parents sont heureux de voir les progrès réalisés par leur fille depuis l’intervention chirurgicale. Ils remercient abondamment Dieu et les chirurgiens du CHU de Tengandogo.

Quant à l'avenir de Sinata, elle va vraisemblablement assister sa mère vendeuse de légumes sur les marchés. Avant notre départ, la jeune fille va nous gratifier d’un sourire. Son visage s’illumine pour nous dire en français et d’une voix douce : "Ça va maintenant. Très bien. Je peux marcher. Je peux courir. Avant je ne pouvais pas. Aujourd’hui, ça va bien."

Nous aurions encore voulu en savoir davantage de Sinata. Son français reste hésitant. Son sourire cache sa gêne. Nous n’allons pas insister. Elle nous a dit l’essentiel.

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