"Des jeunes abandonnés par l'État qui risquent de récidiver" : les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse dénoncent un plan social violent et incompréhensible

Au cœur de l'été, le 31 juillet dernier, Caroline Nisand, directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), a annoncé un plan social visant à économiser 1,8 million d'euros. Selon les syndicats, ce plan va se traduire par la suppression de 500 postes de contractuels dès la rentrée prochaine. Et entraîner, forcément, une dégradation des services offerts aux jeunes en difficulté et à leurs familles.

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La PJJ joue un rôle central dans la réhabilitation des mineurs délinquants, condamnés à un placement en centre éducatif ou à un suivi en milieu ouvert :

"Nous sommes chargés par le juge pour enfant d'appliquer les mesures judiciaires les concernant, liées le plus souvent à des délits, des infractions, explique Hélène Dujardin, éducatrice en milieu ouvert à Tours. Mais nous intervenons aussi en faveur de jeunes en danger au sein de leur famille, par des mesures d'investigation. C'est un travail en pluridisciplinarité, avec des psychologues, des assistants sociaux et des éducateurs."

"On ne devient pas délinquant par hasard"

À ses côtés, devant le palais de justice de Tours, Salomé Calvo, psychologue en milieu ouvert, précise :

"Il s'avère que, souvent, les jeunes en difficulté dans leur famille sont également ceux que l'on rencontre dans le versant pénal. On ne devient pas délinquant par hasard. C'est ce qui nous porte, on bosse avec des enfants en difficulté, d'une façon générale..."

Des missions très sensibles, que les agents de la PJJ craignent de ne plus pouvoir exercer, avec les centaines de suppressions de postes de contractuels annoncées. À l'échelle de notre région, les syndicats ont calculé que la décision de leur direction se traduirait par 42 licenciements, 19 contrats décalés, des postes de titulaires gelés et aucun remplacement de congé maladie ou de temps partiel. Mais aussi le report de l'ouverture de l'unité d'hébergement prévue à Tours en septembre 2024 (et attendue depuis de longues années).

L'abandon des jeunes et le risque de récidive

"Nous, à Blois, nous allons avoir 4 licenciements à la rentrée, des éducateurs, puis, à la mi-novembre, un psychologue, explique Monica Sausset, éducatrice en milieu ouvert dans le Loir-et-Cher. Nous allons nous retrouver avec un nombre d'ados impossible à prendre en charge. C'est déjà très difficile actuellement, comment y arriver avec les jeunes des collègues dont le contrat n'est pas renouvelé?"

Une surcharge de travail à laquelle les agents de la PJJ redoutent de ne pouvoir faire face, et dont les conséquences pourraient être dramatiques :

"Concrètement, ce sont des jeunes qui, à la demande du juge, devraient être suivis, mais qui ne le seront pas, reprend l'éducatrice Hélène Dujardin. Ils seront à la rue, ou resteront dans leur famille alors qu'ils auraient dû être placés. Ce sont des jeunes abandonnés par l'Etat, par la justice."

La justice pour mineurs est axée sur l'éducatif, nous accompagnons ces jeunes en grande difficulté qui ont besoin de soutien, besoin d'être accompagnés psychologiquement et d'être réinsérés. Mais ils risquent de récidiver puisqu'ils ne seront pas pris en charge !

Hélène Dujardin, éducatrice PJJ en milieu ouvert à Tours

Un risque que confirme la psychologue Salomé Calvo :

"Le juge nous confie des enfants à prendre en charge suite à des faits de délinquance. Notre mission est de les accompagner, d'être dans l'échange, de tisser des liens. Et de les aider à trouver un sens dans le droit chemin. Si tout cela n'est pas mis en place, comment le jeune va-t-il comprendre la portée de ses actes ou la nécessité de ne pas recommencer ? Se pose évidemment la question de la récidive, et donc de la sécurité de tout un chacun."

Où est passée la rallonge budgétaire ?

Malgré le tollé suscité par ses annonces, la direction de la PJJ campe sur ses positions. Une attitude d'autant moins compréhensible que le ministre de la Justice démissionnaire, Eric Dupont-Moretti, a accordé une rallonge budgétaire de 3 millions d'euros, histoire de calmer les esprits en pleine fête olympique...

"Madame Nisand a maintenu malgré tout le plan de licenciement des contractuels, s'indigne Hélène Dujardin. Les 3 millions d'euros débloqués ont disparu, ils ont été affectés ailleurs mais on ne sait pas où, la direction refuse de nous en dire davantage !"

À Tours, deux parlementaires d'Indre-et-Loire, le sénateur PS Pierre-Alain Roiron et le député EELV Charles Fournier, sont venus dire leur soutien aux manifestants de la PJJ :

"La politique se dégrade au bénéfice de la répression, plutôt que de travailler sur les volets prévention et éducation, a affirmé le député de Tours. Le Premier Ministre Gabriel Attal voulait revenir sur l'excuse de minorité, cela en dit long et c'est exactement ce qu'attend l'extrême droite. Cela déroule un récit très négatif alors même que les missions de la PJJ sont essentielles, un travail de première ligne qui mériterait d'être davantage reconnu, amplifié, et avec des postes de titulaires."

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