Alors que les Universités devraient rouvrir progressivement d'ici début février, nous donnons cette semaine la parole aux étudiants qui ont été particulièrement touchés sur le plan financier et psychologique par les deux confinements. Aujourd'hui rencontre avec Anna et David : portrait croisé.
La région Centre-Val de Loire compte 66 000 étudiants dont 3 000 en situation de grande précarité identifiés par les services sociaux de l’Université mais c’est certainement beaucoup plus qui souffrent psychologiquement et financièrement de cette crise.
Épisode 1 : Portrait croisé de David et Anna, étudiants confinés à Tours
Si je tiens bon c'est pour ma mère. Elle a fait beaucoup de sacrifices pour que je vienne en France. Quand je l'ai au téléphone, j'ai à nouveau plein d'énergie. C'est pour elle que je dois réussir.
David Alloula a 22 ans, il est Togolais. Il suit un master de philosophie aux Tanneurs à Tours. Il vit dans sa chambre de 9m2 à la résidence universitaire Grandmont.
Avant la crise sanitaire, il travaillait quinze heures par semaine, de 5h30 h à 7h40 tous les matins pour une entreprise d’entretien sous-traitante de l’Université aux Deux-Lions.
Mais avec la fermeture de l’Université, plus besoin d’agents d’entretien et donc plus de job pour David.
Résultat : il reste toute la journée à étudier à distance dans sa chambre de 9m2. Et il a pendant plusieurs semaines manger un seul repas par jour faute de moyens.
Les étudiants étrangers en première ligne
Tours compte 3 500 étudiants étrangers. Ils sont 2 811 à Orléans. Avant la crise sanitaire, la moitié d'entre eux avaient des difficultés financières. Aujourd'hui ce sont 80 % qui souffrent de précarité. Sans avoir droit aux bourses, la plupart doit travailler pour payer son loyer et se nourrir. Avec le confinement, la moitié des étudiants étrangers a perdu son emploi.
"Ils sont les plus touchés par cette crise. En plus ils n'ont pas droit à l'échec. Leurs familles ont fait beaucoup de sacrifices pour qu'ils viennent en France et s'ils redoublent deux fois ils n'ont plus leur titre de séjour. C'est une grande pression pour les étudiants internationaux qui sont loin de chez eux et confinés", constate Jude Nestor Mandzekele, représentant de l'UNEF, syndicat étudiant à Tours.
Je suis ruinée émotionnellement par manque d'interactions sociales. C'est sur le plan psychologique que je vais avoir besoin d'aide.
Anna Dzuira, 24 ans, originaire de Nevers suit un double cursus : master 1 en métiers de l’enseignement de la musique et master 2 en sciences du langage à l’Université de Tours.
Elle travaille pendant les vacances pour financer ses études. Cette année, c'est très juste et elle n'a pas trouvé de petit boulot pour rallonger son budget. Une fois qu'elle a payé le loyer il lui reste 10 euros pour vivre.
"Je ne me sens pas légitime à demander de l'aide. Il y a pire que moi". Et pourtant, Anna, mal à l'aise, finit par nous confier : "Bien sûr il m'est arrivé de ne pas manger pendant deux jours pour m'acheter un livre mais bon les fins de mois difficiles pour les étudiants, ce n'est pas nouveau".
Le RSA pour les jeunes de moins de 25 ans ? Solution contre la précarité étudiante ?
La précarité étudiante est devenue presque normale... Être étudiant c'est : "ne pas manger à sa fin", "choisir entre de la nourriture et un livre", "entre se soigner et manger."
"Une des solutions serait de donner le RSA à tous les jeunes de moins de 25 ans", préconise l'UNEF. "Cela ne mettrait pas fin à la précarité étudiante mais ce serait un grand pas en avant", explique Jude Nestor Mandzekele, représentant de l'UNEF à Tours.
Et il ajoute : "Pour qu'un jeune puisse étudier dans de bonnes conditions, il faudrait qu'il ait un budget de 700 euros pour se loger, manger, acheter des livres et se divertir. On en est très loin avec les jobs étudiants et les bourses. "
►1/4 : Portrait croisé de David et Anna, étudiants confinés à Tours : reportage de Marine Rondonnier, Sanaa Hasnaoui et Marianne Le Roux :