Ouvert au mois d'août, un compte Instagram tourangeau marque à la craie le lieu d'une agression et livre le témoignage anonyme de la personne qui en a été victime. L'objectif : "créer une prise de conscience collective."
"Une femme a été victime d'une agression physique ICI". Le graffiti à la craie recouvre quelques pavés de la place du général Leclerc, devant la gare de Tours. En balayant la photo du doigt, on découvre le témoignage anonyme de la victime, agressée et poursuivie jusqu'à son hall d'immeuble par deux hommes en pleine nuit. Elle finira par se tirer seule de ce mauvais pas, non sans avoir écopé d'un coup de poing en plein visage.
Autre publication, même marquage à la craie, cette fois sur la place Foire le Roi : une femme raconte avoir été suivie et agressée sexuellement par un homme en voulant rejoindre des amis. Plus loin, une troisième raconte comment un passant l'a copieusement insultée à un passage pour piétons. A chaque agression, son graffiti éphémère et son témoignage : c'est le principe du compte Instagram @ouvrelesyeuxtours. Une intitiative qui a déjà connu un certain succès aux États-Unis avec @catcallsofny et à Bordeaux avec @relousdebdx
Provoquer une prise de conscience
"L’idée est d'attirer le regard des gens sur ce qui se passe dans leur ville", explique l'une des administratrices du compte. "Notre but est de créer une prise de conscience collective dans notre belle ville en dénonçant le harcèlement de rue et les agressions qui ont lieu sous nos yeux, tout en libérant la parole des victimes." Ouvert depuis un peu plus d'un mois, le compte a accumulé une petite communauté de quelque 400 abonnés.C'est justement à la suite d'une agression que le collectif, qui se présente comme "un noyau dur de Tourangeaux et de Tourangelles", s'est formé. Déplorant "l'impossibilité de porter plainte" et le manque d'écoute des forces de l'ordre, il opte pour cette solution "percutante tout en restant pacifique".
Ci-dessus : une publication du compte @catcallsofny. "Je l'ai raconté à ma prof, elle m'a dit 'Eh bien, vu comment tu es habillée, tu l'as un peu cherché."
A l'heure où nous publions ces lignes, tous les témoignages proviennent, sans surprise, de femmes, agressées ou harcelées en pleine rue. Et alors que les associations ont dénombré 104 victimes de féminicide depuis le début de l'année, le Grenelle des violences faites aux femmes de Marlène Schiappa est loin d'avoir répondu à toutes les attentes.
Libérer et faire entendre la parole des victimes
"Jusqu’à présent l’unique action gouvernementale qui touche à notre démarche est la possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux", reconnaît le collectif, dont l'action porte essentiellement sur les agressions et le harcèlement dans l'espace public. "Mais aux vues des difficultés actuelles dans les centres hospitaliers, la mise en application de cette mesure nous semble ardue." L'inauguration de l'espace d'accueil tourangeau en avril est également "un pas dans la bonne direction".Quant à la hausse des plaintes pour des faits de violences dirigées contre les femmes, le groupe admet n'être pas surpris : "Nous notons tout de même une libération de la parole des femmes et surtout le fait qu’aujourd’hui elle commence à être prise en compte." A Tours, le groupe "Stop harcèlement de rue" est également actif sur les réseaux.