Le Premier ministre, Edouard Philippe, a défendu ce mercredi la nouvelle position française sur le retour des djihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie, en disant préférer qu'ils soient jugés en France plutôt que de risquer de les voir s'évanouir "dans la nature".
La France, opposée jusqu'ici au retour des djihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie, n'exclut plus leur rapatriement de crainte qu'ils ne s'évanouissent dans la nature à la faveur du retrait américain de Syrie, et ne constituent de nouveau une menace. Avec la perspective de ce retrait américain, les zones kurdes pourraient être la cible d'une offensive turque ou revenir dans le giron de Damas, laissant craindre la fuite d'un millier de djihadistes étrangers vers l'Europe ou d'autres théâtres.
S'ils sont expulsés, je préfère qu'ils soient jugés et condamnés, sévérement (...) punis en France plutôt qu'ils se dispersent dans la nature pour fomenter d'autres actions y compris contre notre pays,
a déclaré le Premier ministre à France Inter. "Est-ce qu'on préfère qu'ils soient dispersés, qu'ils rejoignent les rangs de Daech ou qu'ils partent dans un autre pays pour continuer à fomenter de tels actes?", a-t-il plaidé. "S'ils sont expulsés vers la France, ils seront jugés et ils seront condamnés", a-t-il insisté. Plusieurs responsables politiques de droite et d'extrême droite ont dénoncé l'éventuel retour de ces jihadistes, le député LR Pierre-Henri Dumont appelant même à des "assassinats ciblés".
Un peu plus tôt, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait affirmé que la doctrine française n'avait "jamais varié". "Ceux qui peuvent être jugés dans des Etats qui ont des institutions qui permettent de les juger" seraient jugés "là-bas", a-t-il dit. Quant aux Etats "qui n'auraient pas ces institutions, si les forces qui ont la garde de combattants terroristes français prenaient la décision de les expulser vers la France, ils seraient immédiatement remis à la justice", a-t-il expliqué. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a expliqué de son côté que les enfants des jihadistes concernés feraient l'objet d'un "traitement spécial, au cas par cas, en relation avec le Croix rouge internationale et sous le contrôle des autorités judiciaires françaises."
"Mathilde", de Tours à la Syrie
Parmi les ressortissants Français détenus actuellement par les Kurdes en Syrie, une équipe de journalistes de France 24 a rencontré une femme. Elle dit s'appeler Mathilde et avoir vécu à Tours. Elle a fait partie de Daech avant d'être arrêtée. Même si elle dit être condamnée à de la prison en France, elle souhaite y rentrer plus que tout. "Ça fait longtemps que j'essaie de partir, mais sans argent, ni connaissance, c'est pas possible," témoigne t-elle dans un sanglot. Mathilde a rejoint le pseudo-califat il y a plusieurs années.En France, je n'étais pas libre parce que j'étais musulmane. Je ne pouvais pas pratiquer comme je le voulais, mais dans l'Etat Islamique (EI), on peut pratiquer mais faut pratiquer comme eux. Vous voyez ce que je veux dire ? Si j'avais su, je ne serais jamais venue ici, je ne savais pas que c'était comme ça .
Le mari français de Mathilde l'a convaincue de partir en Syrie, mais lui n'est pas venu. En Syrie, elle est mariée à un Égyptien, elle se défend d'avoir été une combattante. "Je suis désolée, mais là-bas, à part faire à manger, le ménage, la cuisine... Nous on va pas au combat." Mathilde affirme qu'elle est déjà sous le coup d'une condamnation à 10 ans de prison en France dont les 2/3 avec sursis pour terrorisme.
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Les Français détenus en Syrie "principalement des enfants" selon la garde des Sceaux
Les ressortissants français détenus par les Kurdes en Syrie, et dont la France envisage le rapatriement après l'annonce du prochain retrait des troupes américaines, sont "principalement des enfants", a affirmé ce jeudi la ministre de la Justice Nicole Belloubet.La ministre a également indiqué ne pas disposer de "chiffre stabilisé" sur leur nombre.
Selon des sources françaises concordantes, environ 130 ressortissants français- une cinquantaine d'adultes (hommes et femmes) et des dizaines d'enfants - sont détenus par les Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement kurdes. "Il y a principalement des enfants mineurs. Ces enfants soit sont nés là-bas, soit sont partis tout petits de France avec leurs parents (...) Les enfants sont plus nombreux que les adultes", a affirmé Nicole Belloubet, interrogée sur RTL alors que les critiques se multiplient sur un éventuel retour de jihadistes français sur le territoire national. "Nous avons également la certitude de vouloir prendre en charge des enfants qui sont orphelins", a-t-elle détaillé, ajoutant que "la question la plus importante numériquement est celle des enfants qui sont sur site et qui sont accompagnés de leurs mères, voire de leurs pères".
"Par rapport à ce que nous savons statistiquement (...) nous pensons qu'à 75%, ce serait des enfants de moins de 7 ans", a précisé la ministre.