Il manque 200 000 postes dans la restauration en France et les saisonniers sont très recherchés. À Tours, la manne des étudiants permet d'éviter la pénurie. Dans d'autres communes, par contre, les restaurateurs font grise mine.
Près de l’église, le restaurant de Sainte-Catherine-de-Fierbois ne désemplit pas. Deux jeunes hommes s’empressent de servir les clients venus du camping voisin. Entre cuisine et salle, Sylvain Goussal, courre. Chef de cuisine depuis 2006 aujourd’hui, il ne décolère pas : "c’est la première année qu'on vit une saison comme cela . J'ai eu un entretien avec un cuisinier, et le lendemain matin, il n'était pas là.
On a l'impression d'être des négriers. Oui, il y a de mauvais patrons, mais il ne faut pas généraliser… J'ai proposé 300 euros de plus par mois avec hébergement, personne ne veut venir. Je pense à fermer les dimanches et lundis.
Sylvain Goussal
En saison, je ne donne pas de week-end. En donner un par mois, je ne peux pas me le permettre. Entre la chaîne d’un groupe de restauration et un petit établissement, ce n’est pas la même chose. Ici, en milieu rural, nos emplois ne font plus rêver…"
Pendant la crise sanitaire, les salariés ont quitté la profession. Ils se sont aperçus qu'ils pouvaient avoir des horaires plus compatibles avec leur vie privée.
Cyprien Santerre, directeur de la Manufacture à Tours, depuis six ans, constate la baisse de motivation pour le service. "Normalement, il me faut 5 à 6 saisonniers chaque été, ici, je trouve facilement, car la place Plumereau est réputée et beaucoup de gens y souhaitent travailler".
Quelques rues plus loin, rue Nationale, la brasserie Madeleine est comble. Charlène Jacquot, la directrice de l’établissement depuis 2017, mène 30 entretiens par semaine pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre.
C'est beaucoup d'investissement. On n'a jamais fait cela avant. On ne choisit plus. C'est le monde à l’envers ! On doit séduire les serveurs, qui ont l’embarras du choix. L'argent ne les retient pas aujourd'hui, c'est le cadre du travail qui fait tout. Je recrute six nouvelles personnes, et j’espère les garder en contrat ensuite pour renforcer les équipes.
Charlène Jacquot
"La crise du Covid a fait prendre conscience aux gens que nos métiers sont pénibles. On n'a plus de saisonniers dits "pro". Alors on recrute des personnes sans expérience. On prend en charge leur formation avec des tuteurs désignés. Souvent, on a de jolies surprises. Chez nous, les saisonniers ont un cahier à disposition et indiquent quel week-end, ils souhaitent être en repos..."
Loin des métropoles, la pénurie est plus importante encore. Les restaurateurs ont beau multiplier les annonces sur leurs devantures, dans les journaux et sur réseaux sociaux. Certains doivent fermer un jour par semaine, d’autres réduisent l'accueil.
À Chinon, une restauratrice, avoue avec une pointe d'agacement dans la voix, avoir tout tenté. "Le système a atteint ses limites. On court partout, on n'a pas le choix. Avant pôle emploi et le bouche à oreille suffisaient, mais là, c'est à nous de trouver seuls. On utilise ses connaissances. Mais faute de personnel, j’ai décidé de fermer deux jours. C’est la première fois que mon établissement est fermé en saison depuis qu'il existe."
À Sainte-Maure-de-Touraine, même constat. Sur la place du maréchal Leclerc, les patrons du café s’indignent : "j’ai vu qu’ils payaient sur la côte 3000 euros net pour un serveur, c’est dément ! Ici, tant pis les gens attendront plus longtemps. On manque aussi de personnel, mais tant pis!"