Vent debout contre le projet de réforme de la justice, le barreau tourangeaux, à l'instar de l'ensemble des avocats de France, ont observé mercredi 19 décembre, un mouvement de grève.
"Ce projet de loi est très mortifère pour les droits de nos concitoyens". L'avocate Catherine Gazzeri-Rivet, bâtonnière d'Indre-et-Loire, ne mâche pas ses mots contre la réforme de la justice voulue par le gouvernement. Une réforme très contestée par les avocats mais aussi les magistrats et les greffiers. Mercredi 19 décembre, répondant à un appel du conseil national des barreaux, les avocats ont mené une grève, refusant de se rendre en garde à vue, au tribunal, et provoquant nombre de reports d'audiences.Le mouvement des avocats est passé relativement inaperçu entre l'opération de contestation "Fermons les commissariats" des policiers et les couacs gouvernementaux de ces derniers jours. "Notre combat est moins palpable, on se bat contre quelque chose de plus insidieux. Nous, c'est de la justice de demain dont on parle, c'est de la philosophie de la justice, explique Catherine Gazzeri-Rivet. On est mobilisés depuis longtemps. On a commencé à bouger en janvier, quand le gouvernement a présenté le texte, il y a eu une manifestation des greffiers et des avocats le 11 avril, on a fait une journée justice morte le 12 décembre... Ça fait six mois que nous sommes sur des mouvements récurrents. Et nous avons prévu une nouvelle action en janvier".
Crainte d'un "éloignement de la justice"
La bâtonnière, à l'instar d'une grande partie de ses homologues français, fustige un texte "qui pénalisera les populations les plus fragiles". Et de pointer du doigt des dispositions qui esquissent "une nouvelle carte judiciaire fragilisant la territorialité": "Même si le gouvernement s'en défend, on voit poindre une nouvelle carte judiciaire qui aurait pour conséquence directe d'éloigner le justiciable de son juge", s'emporte Catherine Gazzeri-Rivet. L'avocate blâme aussi l'intégration des tribunaux d'instance (TI) dans l'enceinte des tribunaux de grande instance (TGI). "Une mesure qui paraît anodine mais qui, une fois de plus, met en péril la justice de proximité, celle à laquelle nos concitoyens ont affaire le plus souvent", poursuit-elle. Avec un texte si général comme celui que le gouvernement veut faire passer, assure-t-elle, les départements pourraient se voir assignés des spécialités. "Rien n'empêche de dire qu'on ira faire juger les affaires familiales à Angers, les petits délits à Orléans... Si vous éloignez l'accès au droit, les gens ne le feront plus valoir". Egalement dans le collimateur des avocats : le tout numérique, les coupes dans le budget de la justice, l'instauration d'une obligation de médiation avant la saisine d'un juge... Présidant un "avenir plus que chaotique pour la justice" si ce texte passe, l'avocate craint à terme une "mise en danger de la paix sociale".
Le 13 décembre, députés et sénateurs ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur une version commune du texte. Dans un communiqué lapidaire, la commission des Lois du Sénat a regretté que l'Assemblée ait "rétabli, à quelques ajustements près, les dispositions du texte initial du gouvernement, témoignant ainsi d'une absence totale de volonté d'aboutir à un texte consensuel". En première lecture, le Sénat avait en outre voté une hausse des crédits de la justice. "Refusant une 'justice au rabais' qui risquait de fragiliser encore davantage la situation des personnes les plus vulnérables, le Sénat s'était attaché à garantir l'accès au juge pour tous les justiciables", avait également noté la commission des Lois. Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sera examiné en deuxième lecture par l'Assemblée nationale à la mi-janvier.