Auteur de la tuerie de Tours en 2001, Jean-Pierre Roux-Durraffourt a été condamné en 2005 à la réclusion criminelle à perpétuité. 23 ans après les faits, l'ancien cheminot a demandé un aménagement de peine qui pourrait lui permettre de bénéficier de la liberté conditionnelle. Une perspective qui interroge et angoisse les familles de victimes.
Jean-Pierre Roux Durrafourt, l'auteur de la tuerie de Tours, a formulé une demande d'aménagement de peine pouvant aboutir à une libération conditionnelle. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2005, il était arrivé au bout de ses 22 années de sûreté en 2023 et pouvait donc demander à sortir de prison sous conditions depuis un an. C'est finalement au début de l'été dernier que l'ancien cheminot a choisi de déposer sa demande.
"S'il sort, la vie ne va plus être possible"
Dany Gasq est la veuve d'Henri Gasq, la première victime abattue par Jean-Pierre Roux Durrafourt. Elle a appris que le tueur demandait sa remise en liberté en juin via un mail de son avocat, et dit, depuis, ressentir "de la peur, de l'angoisse, de la terreur", à l'idée de voir l'assassin de son mari libéré. "S'il sort, la vie ne va plus être possible. La vie NORMALE ne va plus être possible. Moi et mes enfants ça nous fait très peur parce qu'il a visé des anonymes, mais maintenant il nous connaît. Et on fait partie des gens qu'il peut viser. On l'a fait plonger donc il pourrait nous en vouloir."
22 ans après la tuerie de Tours de 2001, le tueur pourrait demander sa remise en liberté.
— France 3 Centre-Val de Loire (@F3Centre) November 4, 2023
Une réalité insupportable pour la veuve d'une victime qui demande son maintien à vie derrière les barreaux.https://t.co/o5jK2SsfXY
Le 29 octobre 2001, Jean-Pierre Roux Durraffourt, cheminot de 44 ans (67 ans aujourd'hui), se lançait dans un périple meurtrier dans les rues de Tours. Vêtu d’une veste de treillis, le visage dissimulé par une cagoule et armé d'une carabine 22 long rifle, il tire à vue, faisant quatre morts (Henri Gasq, Gilles Lambert, Chérif Tlili et Thierry Enguerrand) et sept blessés avant d'être maîtrisé par les policiers dans le parking Vinci, situé devant la gare SNCF. En 2005, il était condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, qu'il a effectuée. Mais pour la famille d'Henri Gasq, "22 ans, ce n'est rien ! La preuve, c'est que nous, on est toujours dans la douleur. Moi, je prends toujours des médicaments pour dormir."
La douleur est toujours aussi vive. Mon mari me manque, le père de mes enfants leur manque, et mes petits-enfants, quand ils grandissent, posent des questions. Ils ont eu un grand-père qui est mort et ça fait partie de leur histoire. Il nous manque à tous, c'est évident.
Dany Gasq - Veuve d'une des victimes de la tuerie de Tours
"J'ai besoin de comprendre ce qu'il avait dans la tête au moment des faits"
Sam Nazal a lui été blessé au bras en tentant de protéger la femme d'une autre victime du tueur. C'est Dany Gasq, avec qui il est resté en contact depuis le procès, qui lui a appris que Jean-Pierre Roux Durrafourt avait fait une demande de remise en liberté. "Elle m'a dit qu'elle avait peur. Personnellement, je n'ai pas peur. Cette histoire, je l'ai laissée derrière moi. Cela fait 22 ans", explique ce psychologue comportementaliste âgé aujourd'hui de 58 ans, marié et père de deux enfants. "Je comprends la douleur des familles qui ont perdu quelqu'un, mais moi je suis toujours vivant".
Sam Nazal voit même Jean-Pierre-Roux Durrafourt comme "un sujet d'étude clinique" et lui a écrit en mai dernier pour pouvoir le rencontrer en prison. "J'ai besoin de comprendre ce qu'il avait dans la tête au moment des faits. Peut-être que je veux lui rendre service à lui-même, peut-être que je veux rendre service à la psychologie globalement, peut-être que je veux rendre service aux familles de victimes, peut-être que c'est aussi une façon de faire ma psychothérapie, pour moi", analyse-t-il pour expliquer sa démarche. Sa lettre est pour l'instant restée sans réponse.
"Il est libérable, oui, mais peut-il être libéré ? C'est autre chose"
Mais Jean-Pierre Roux Durrafourt peut-il vraiment retrouver la liberté sans risque de récidive ? Inconcevable pour Dany Gasq, qui se rappelle que "dans le compte rendu du tribunal, il y avait marqué qu'il y avait une grande probabilité de récidive."
Il y a des gens extrêmement dangereux qui ont tué et violé et qui ont été remis en liberté, et lui aussi peut bénéficier d'une signature en bas d'un papier et ressortir.
Dany Gasq - Veuve d'une des victimes de la tuerie de Tours
"Il est libérable, oui, mais peut-il être libéré, c'est autre chose", analyse de son côté Jean-Michel Sieklucki, son avocat au moment du procès. "Je le connaissais à l'époque, mais ça fait plus de 20 ans que je l'ai perdu de vue. Comment a-t-il évolué depuis le procès ? Je n'en sais rien. Dans quel état d'esprit est-il aujourd'hui ? Je n'en sais rien. À l’époque, il y avait une dangerosité évidente. Aujourd'hui 20 ans plus tard ? Quid !"
Une chose est sûre, la libération éventuelle de Jean-Pierre Roux Durrafourt n'est pas pour tout de suite. Avant d'espérer recouvrer la liberté, un long processus pénitentiaire et judiciaire l'attend. Il sera d'abord transféré de la prison de Saint-Maur dans l'Indre à une prison de région parisienne où il sera expertisé dans un CNE (Centre National d'Evaluation). C'est là et durant au moins six semaines que seront évaluées sa personnalité et sa dangerosité.
"Il faudra que deux psychologues se prononcent noir sur blanc en disant qu'il n'a aucune dangerosité aujourd'hui, ce qui n'est pas simple, parce que ça engage leur responsabilité", explique Jean-Michel Sieklucki, rappelant qu'au moment du procès, sept experts psychologues et psychiatres s'étaient prononcés sur le cas de Jean-Pierre Roux Durrafffourt "mais aucun n'était arrivé aux mêmes conclusions. On est allé de la totale responsabilité à la totale irresponsabilité."
Il sera ensuite de nouveau incarcéré dans l'Indre, dans l'attente de sa convocation devant le tribunal d'application des peines où trois magistrats décideront de le remettre en liberté sous conditions ou de le maintenir en détention.