A Tours, un étudiant en psychologie alerte sur les tracts d'un groupe, considéré comme sectaire, proposant une "aide psychologique" près de l'Université. De tels tracts auraient été repérés près d'autres facultés en France, à Evry ou Lyon.
Samedi 6 mars, sur le campus de l'université de Tours, Hugo Renault, étudiant en troisième année de psychologie, se promène avec un ami dans le Parc Grandmont. Il y repère des enveloppes accrochées dans des lieux peu fréquentés du parc, mais aussi près des résidences universitaires. Il est inscrit dessus "1 001 raisons de recommencer".
"On a d'abord pensé qu'il s'agissait d'un jeu de piste. En l'ouvrant, j'ai cru à un dispositif de prévention par rapport à la dépression. Puis en lisant le premier message, ce "help" avec une typographie de film d'horreur, j'ai compris que c'était trop maladroit pour être de la prévention", raconte le jeune homme.
A l'intérieur, il est fait mention du Centre d'accueil universel, avec un numéro de téléphone pour aider les personnes souffrant de détresse psychologique. Les messages du tract lui paraissent trop sombres : "briser le silence" ; "je ne te juge pas". Hugo y voit même une incitation à la mutilation ou au suicide. Un tract sectaire ?
Des tracts similaires retrouvés dans d'autres villes
En rebroussant chemin, les deux étudiants tombent sur deux nouvelles enveloppes, toujours situées à proximité du campus. Intrigués, ils commencent leurs recherches à leur retour chez eux. Hugo n'en est alors pas à ses premières investigations sur le mode opératoire des sectes : il avait déjà réalisé un stage à la GEMPII dans le cadre de ses études en psychologie et s'est intéressé à ce phénomène pour sa chaîne Youtube.
Le jeune homme décide alors de publier ses informations sur son compte Twitter. "J'ai commencé à rédiger pour mettre le plus de personnes au courant et j'ai eu beaucoup de réponses à mon thread. J'ai pu lire que des messages similaires auraient été trouvés en septembre à Evry et à Lyon".
Thread sur le ciblage des étudiants par les groupes sectaires :
— Hugo_rnlt (@hugo_rnlt) March 6, 2021
Samedi 6 mars, à Tours, la nuit commence à tomber et je marche avec un ami dans le Parc Grandmont, aussi résidence universitaire, quand on aperçoit 3 enveloppes jaunes accrochées dans des coins peu fréquentés du parc pic.twitter.com/O03OKrK4TY
Entre précarité et isolement, les étudiants sont très atteints par la crise sanitaire. Une situation qui n'a pas échappé aux sectes en France, qui savent tirer profit de cette situation de détresse psychologique.
Le groupe sectaire gagne du terrain en France...
Le "centre d'accueil universel" est un mouvement religieux d'origine pentecôtiste, ce qui signifie qu'ils appliquent certains passages de la Bible à la lettre. Leur doctrine s'articule essentiellement autour de deux notions :
- La guérison spirituelle : la plupart des maux actuels (dépression, sida, chômage…) sont dus à des "esprits malins" mais grâce à un rituel spécifique, il est possible de les exorciser et de retrouver la santé.
- La théologie de la prospérité : "Donnez à Dieu et vous recevrez". La pauvreté n’est pas une fatalité, mais pour cela il faut faire savoir à Dieu que l’on est prêt à s’investir spirituellement et surtout "financièrement" pour réussir. Les membres doivent par conséquent verser la dîme, une contribution financière équivalente à 10% de leur revenu.
Le groupe est considéré comme une secte depuis le rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les sectes, établi en 1995. Selon l'UNADFI, qui défend les familles et individus victimes de sectes, ce centre d'accueil universel s'appelait il y a encore quelques années l'Eglise Universelle du Royaume de Dieu. "En France, ils ont changé de nom parce qu'ils se sont fait repérés par l'Etat", affirme la porte-parole de l'UNADFI, Pascale Duval. Selon elle, les tracts retrouvés par Hugo auraient été distribués par la Force jeune universelle, une filiale du groupe.
Ce mouvement s'implante particulièrement dans les quartiers défavorisés, "là ou l'État a déserté les lieux". "Ils exercent un prosélytisme très agressif et une pression psychologique très forte". Chaque centre est organisé comme une micro-société qui, la plupart du temps, déçoit fortement les adeptes. "Ils ne vivent qu'à travers leur groupe". Un groupe qui, selon Didier Pachoud, le président du GEMPII, compterait aujourd'hui en moyenne "100 fidèles par église, soit environ 4 000 membres".
... pendant qu'il prend le pouvoir au Brésil
Fondée au Brésil en 1977, l'Eglise universelle du Royaume de Dieu y compte 2 millions de fidèles. Son créateur, Edir Macedo, est un ancien employé de la loterie nationale. Depuis le début de la crise sanitaire, il affirme que le coronavirus est "une tactique de Satan pour affaiblir les gens, qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur".
Pour propager cette doctrine, le groupe a investi dans deux chaînes de télévision brésilienne qui diffusent des émissions de téléréalité religieuse. Il s'est également imposé dans des secteurs économiques et financiers (football, assurance, informatique).
Depuis 2005, le mouvement a son propre parti politique, le Parti municipalisé rénovateur (PMR). Des hauts placés y ont adhéré, comme José Alencar, vice-président du Brésil pendant que Lula était au pouvoir. Aujourd'hui, c'est en grande partie grâce aux consignes données par Edir Macedo à ses fidèles que Jair Bolsonaro a pu remporter le scrutin des présidentielles.