Prévue pour 2025, la deuxième ligne de tramway de la métropole de Tours ne fait pas consensus. Entre les expropriés de La Riche et les défenseurs des platanes du boulevard Béranger, les détracteurs sont nombreux.

"Le projet du tramway va profondément transformer l’ensemble de la métropole. On a bien conscience de l’impact et de la difficulté que cela peut générer." Wilfried Schwartz ne pensait pas si bien le dire à France 3 Centre-Val de Loire. Certes, tout projet d’aménagement urbain de grande ampleur tombe tôt ou tard sous le feu des critiques. Mais le président de la métropole de Tours ne s’attendait sûrement pas à en essuyer autant concernant la future ligne de tramway.   

A l’étude depuis 2017, cette ligne B de 15 kilomètres reliera en 28 stations la ville de La Riche (à l’ouest de Tours) à la commune de Chambray-lès-Tours (au sud-est) en passant par le centre-ville tourangeau. Parmi les objectifs de ce projet dantesque de 430 millions d’euros : atteindre 50 000 voyageurs quotidiens, réduire l’utilisation de la voiture, desservir les quartiers excentrés ainsi que les deux sites du CHRU de Tours. Une ligne censée entrer en service fin 2025, douze ans après le premier tracé… si tout se passe comme prévu.    

Un cauchemar qui se répète

"Je ne partirai pas de ma maison, il n’y a rien à faire […]. Ils ne pensent pas au préjudice moral que cela peut engendrer." Bien qu’épuisée par la maladie, Arminda Oliveira n’en démord pas. Installée depuis 1995 rue de la Mairie à La Riche, elle fait partie des 45 propriétaires forcés de quitter leur logement, situés sur le tracé du futur tramway B. Pour elle, partir est impensable : "C’est mon mari qui a tout construit de ses propres mains."

Je ne dors presque plus

Frédéric Oliveira, exproprié de La Riche

Aujourd’hui veuve, elle vit avec son fils, Frédéric. Déjà exproprié il y a plus de dix ans avec la mise en service de la ligne A, l’homme voit le cauchemar se répéter : "Je ne dors presque plus", souffle-t-il. Une fatigue liée selon lui au manque de communication et de clarté de la Ville : "On nous disait en 2019 qu’on ne serait pas concerné, et en février 2021 on nous apprend finalement que nos bâtiments devront être détruits. Je ne comprends pas, il y a pourtant de la place devant chez nous pour laisser passer le tram", s’exaspère-t-il.

Des propositions de rachats sous-évaluées ?

Lui aussi concerné par l’expropriation, Benjamin Sauvage a vécu la même désillusion. Etabli avec sa femme et sa fille depuis 2015 rue de la Mairie, il reproche au président de la Métropole, également maire de La Riche et président du Syndicat des Mobilités de Touraine, d’avoir changé d’avis sur le tracé sans avoir consulté ses citoyens. Le propriétaire n’envisage pas laisser les équipes de France Domaine (organisme chargé par l’Etat d’orchestrer ses cessions immobilières) évaluer son bien : "Ils font des propositions de rachat en-deçà de la réalité du marché. Si nous voulons retrouver une maison à La Riche, ce que nous désirons, il nous faudrait 100 000 euros de plus", proteste-t-il.

De son côté, Wilfried Schwartz réfute : "Ce ne sont pas des prix sous-évalués. Nous ne bradons pas ces maisons, bien au contraire, assure l’élu. Cela fait deux ans que nous avons entamé les démarches d’acquisitions à l’amiable pour laisser aux riverains le temps de se retourner. Certains l’ont su plus tard puisque nous avons affiné le tracé au fil du temps, concède-t-il, mais nous avions déjà rendu public le périmètre de préemption."

Sur les 38 bâtisses portées à ce jour à l’évaluation des services de l’Etat, 14 ont déjà été rachetées par le Syndicat des Mobilités de Touraine. Des acquisitions foncières évaluées à 29 millions d’euros. Si aucun accord n’est trouvé avec les autres propriétaires avant l’enquête publique prévue en 2022, ce sera au juge des expropriations de trancher et de fixer le montant de leur indemnisation. 

Arbres remarquables en danger

Un peu plus loin sur le parcours, c’est cette fois le cas des platanes du boulevard Béranger qui divise. Plantés au XVIIe siècle en plein cœur du centre-ville de Tours, les quatre alignements d’arbres protégés par plusieurs textes de loi (Plan de sauvegarde et de mise en valeur du Site patrimonial remarquable, Code de l’environnement) sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Pourtant, 35 arbres des deux allées extérieures devront être abattus afin de laisser passer le nouveau tramway au nord du mail.

Si l’on supprime ces platanes, c’est l’esprit du mail que l’on détruit

Martine Bonnin, déléguée régionale et départementale de Sites et Monuments

Bien que la Métropole s’engage à replanter les arbres décimés et à végétaliser plus de 70 % du tracé, les associations tirent la sonnette d’alarme : "C’est le projet d’aménagement qui doit s’adapter à l’environnement, pas l’inverse, martèle Martine Bonnin. Si l’on supprime ces platanes, c’est l’esprit du mail que l’on détruit", déplore la déléguée régionale et départementale de Sites et Monuments.

Par ailleurs, l’alignement central pourrait lui aussi être impacté : "Les réseaux souterrains du tram toucheront inévitablement les racines de ces arbres. Ils ne survivront pas", se désole Richard Moreau, co-président de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine arboré et architectural de Tours (ASPAAT). Après un premier diagnostic racinaire en 2018, Wilfried Schwartz en promet un second cet été pour limiter les dommages collatéraux. "Il ne faut pas oublier que ce type de transport en commun a un impact positif sur l’environnement en favorisant la biodiversité et en améliorant la qualité de l’air", ajoute-t-il.

Consultations citoyennes place Jean Jaurès et rue de la Mairie

Autre symbole de la ville, les fontaines de la place Jean Jaurès. Construites au XIXe siècle, l’une d’elle pourrait disparaître au profit d’un virage du tramway. "Les Tourangeaux y sont très attachés. Leur destruction leur ferait affront et constituerait une profonde atteinte à l’un des fleurons touristiques de la ville", s’insurge Martine Bonnin. Pas du goût du président de Tours Métropole Val de Loire qui milite pour une place davantage pensée pour les piétons que pour les automobilistes : "Une ville évolue toujours dans le temps", se justifie-t-il.

Nous n’avons pas l’objectif d’insérer le tramway au chausse-pied

Wilfried Schwartz, président de la métropole de Tours, maire de La Riche et président du Syndicat des Mobilités de Touraine

Cette évolution ne se fera toutefois pas sans l’avis des Tourangeaux qui seront concertés de juin à octobre 2021. Les résultats attendus pour la fin d’année constitueront ainsi le socle commun d’un concours d’aménagement du site. "Nous n’avons pas l’objectif d’insérer le tramway au chausse-pied", affirme Wilfried Schwartz. Une sollicitation publique est également prévue pour la rue de la Mairie à La Riche. Car si le tracé en lui-même est considéré comme définitif depuis le 1er avril 2021, les élus ont assuré que des modifications pourraient encore être apportées autour de la future ligne B (places de parking, commerces, etc.).

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Alors que le Région accordait le 15 avril dernier un soutien de 20 millions d’euros à la Métropole pour le deuxième tramway, un comité de pilotage sur une troisième ligne reliant Saint-Cyr-sur-Loire et Saint-Pierre-des-Corps se tenait au même moment. Précipitation ou anticipation ? Une chose est sûre, nous n’avons pas fini d’en entendre parler.

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