Créé en 2002, à raison d’un festival tous les 2 ans, Plumes d’Afrique fête ses 10 ans. Organisé par Réseau Afrique 37, un collectif d’une vingtaine d’associations de solidarité et de coopération en Indre-et-Loire, le festival propose des rencontres multiples autour des expressions littéraires et artistiques d'Afrique francophone.
C’est la myriade d’associations africaines dispersées sur le territoire d’Indre-Loire qui fait l’originalité de du festival Plumes d'Afrique. Des’associations de solidarité et coopération avec des pays africains, qui sont implantées en milieu rural, à Sainte-Maure-de Touraine, Bléré, Luynes ou dans les quartiers de Saint-Pierre-des-Corps, Tours et Joué-lès-Tours.
Un festival qui s'adresse au grand public mais les écoles, les collèges, médiathèques ont aussi bénéficié d'ateliers et d' échanges interculturels durant tout le mois de novembre. Cette année, malgré des difficultés d’obtention de visas pour les artistes du Mali, du Niger et du Burkina Faso, la 10ème édition de Plumes d'Afrique offre une occasion unique de découvrir le continent africain, à travers ses différentes cultures.
Afrikan'Da, les voix africaines
Déjà présent pour l'édition 2021, Afrikan'Da fait découvrir son histoire et ses pratiques artistiques dans de nouvelles communes d'Indre-et-Loire. A Bléré le collège et le centre socio culturel ont accueilli pour la 1ère fois, le groupe de slam burkinabé.
Notre message c'est l'entraide, bien sûr la solidarité et le vivre ensemble donc partout où nous passons nous essayons de véhiculer ce message de par le monde
Boni Lanky, slameur du groupe Afrikan'Da
Au collège Le Réflessoir, 2 classes de 5 è ont participé à 2 ateliers avec les slameurs accompagnés d’un musicien. Un projet proposé par la documentaliste de l'établissement qui a fait vivre les cultures africaines au coeur du CDI.
Un atelier d'écriture et un atelier pour slamer.Un grand moment d’émotion pour les élèves et leur professeure de français Sabine Cadeau qui avait travaillé avec eux en amont sur le thème de l'exil, avec des des documentaires, des testes, des témoignages de migrants.
"Les élèves y ont mis tout leur coeur, l'écriture c'est un peu difficile pour eux et là c'est un projet qui permettait de croiser, à la fois une écriture poétique, une écriture engagée puisqu' on a travaillé sur le thème de l'exil et finalement ils ont produit des choses très sensibles et à fleur de peau pour certains. On sent leur émotion, une certaine rage et pour moi, professeure c'est très émouvant de recevoir ça mis en musique, mis en voix, mis en scène."
On a décidé de travailler la question de l'exil, de l'immigration, non seulement parce qu'elle est d'actualité mais aussi pour aller au-delà de certains clichés, certains stéréotypes, d'où tout le travail d'écriture
Sabine Cadeau, professeure de français au collège le Réflessoir Bléré
"J'ai fui mon pays qui est le Mali / Je suis seul et j'ai pas d'amis"
Nina et Agathe ont décidé de déclamer un slam sur l'exil. Passer en solo et en duo devant leurs camarades est un peu stressant. Nina nous confie "Je fais du théâtre, j'apprends à gérer ma voix mais j'avais les jambes en coton de passer devant les autres, ça me stresse." Elle a aussi été touchée par certains récits de migrants
"Je trouve qu'ils sont courageux de tout quitter dans l'espoir d'arriver ici alors qu'ils ne savent pas s'ils survivront ou qu'ils n'auront peut-être pas pas de foyer ici. Agathe ajoute "Je suis vraiment très émue et fière de tous nos textes. J'ai bien aimé travailler en équipe, c'est mieux que d'être seule. "
Alexandre réagit aussitôt :
Moi, j'ai aimé écrire le texte et ma plus grande difficulté c'était le stress mais comme m'a dit le groupe Afrikan'Da, une fois que tu l'auras fait tu te sentiras mieux et j'ai réussi !
Alexandre apprenti slameur en 5ème, collège de Bléré
Cette première expérience avec le festival Plumes d'Afrique a enthousiasmé la professeure de lettres, qui a découvert ses élèves sous un nouveau jour : "on a le bonheur d'avoir des artistes qui sont à l'aise avec les enfants, qui se mettent à leur portée et d'un coup ça révèle des caractères. Des élèves qui sont effacés et qui ont vraiment des difficultés avec le passage à l'écrit se sont jetés dans le travail, avec plaisir, avec envie, justement parce qu'ils allaient l'offrir à un intervenant, quelqu'un d'extérieur et ça donne un supplément d'âme si je puis dire" Un projet avec beaucoup d'enjeux : "c'est aussi une ouverture culturelle pour eux, une ouverture sur les problématiques du monde au delà de juste la simple écriture poétique"
La richesse de la rencontre et des textes écrits par les collégiens touche aussi les slameurs. "On a été surpris par le contenu des textes, ils sont assez forts et on aime ça. Partager notre culture c'est un plaisir et nous venons aussi nous enrichir ici.Pour nous le slam c’est essentiel car c’est écouté par toutes les générations les enfants, les jeunes et les personnes agées. La parole est mise en avant et c'est un message plus audible que certains morceaux où on entend plus la musicalité que la parole."
Avant de déclamer, Rachid Moulay, un des membres du groupe Afrikan'Da a proposé des exercices de vocalises et de diction aux apprentis slameurs.
Un bon texte de slam repose sur la diction .Si tu veux te faire entendre et comprendre il faut une bonne diction
Rachid Moulay , slameur du groupe Afrikan'Da
Une bonne diction qui permet aussi de prendre confiance, trouver sa personnalité de slameur ou simplement prendre la parole en public. "Chez nous au Burkina Faso, il y a des élèves qui s'inscrivent dans des ateliers de slam uniquement pour la prise de parole, ils ne veulent pas devenir slameurs"
Plumes d'Afrique et ses 10 bougies
Marie Blozon, Présidente du réseau Afrique 37 et du festival Plumes d'Afrique a constaté une évolution entre les 1ères éditions et aujourd’hui. Cette professeure d’histoire-géographie aujourd’hui en retraite se souvient.
"Quand nous avons commencé ce festival, dans le grand public il y avait une vision quasi uniquement misérabiliste de l’Afrique, c’est-à-dire qu’on connaissait la musique africaine et rien d’autre. Les choses ont changé, le public sait aujourd’hui qu’en Afrique, il n’y a pas seulement des musiciens mais d’autres artistes et on essaie vraiment d’expliquer ça un peu partout "
Il n’y a pas "une" mais "des" cultures africaines. On pense que c’est par les rencontres interculturelles qu’on peut éloigner les préjugés
Marie Bolzon, présidente du festival Plumes d'Afrique
Impossible de résumer ce programme de festivités, de concerts, de spectacles mais aussi de conférences , tables rondes sur la voix des femmes ou l’éducation des jeunes filles en Afrique, Soutenu par la région Centre-Val de Loire, Plumes d'Afrique proposera aussi un focus sur la Mauritanie. Tout le programme du festivalest à découvrir sur le site de Plumes d'Afrique.
Le Temps fort du festival se déroule le week-end du 25 et 26 novembre avec le Salon des plumes d’Afrique, à l’hôtel de ville de Tours.
La compagnie d'échassiers Afuma, accompagnera le public, de la gare de Tours à la mairie. Une déambulation spectaculaire qui cloturera 40 heures d'ateliers dans les écoles d'Indre-et Loire et une quinzaine de spectacles. Perchés sur des échasses à 3 mètres du sol accompagnés d'un griot, ces échassiers du Togo ont associé des influences circassiennes contemporaines à leur tradition ancestrale.
Le salon Plumes d'Afrique proposera des rencontres avec des écrivains, des poètes, des tables rondes avec des historiens mais aussi un défilé de mode et des animations..
Le groupe Afrikan'Da participera à ce salon dès le matin avant une soirée concert, à partir de 18h au Bateau Ivre, à Tours, le 25 novembre. En première partie, certains des jeunes participants aux ateliers de slam dans les écoles ou les centres sociaux, pourront déclamer leurs textes sur scène. Une dizaine de collégiens de Bléré seront présents à cette scène ouverte.Un vrai défi, devant un vrai public !
Le bouillonnement artistique et littéraire de cette 10ème édition de Plumes d'Afrique, va rayonner tout le mois de novembre en Touraine et certaines expositions se prolongeront jusqu’en janvier 2024.