André Laignel, maire PS d'Issoudun, président de la commission des finances locales et vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF), l'assure : les coupes imposées par le futur budget 2025 par le gouvernement sont deux fois plus élevées qu'annoncées. L'élu prédit une catastrophe économique, et un effondrement de certains services publics.
L'atmosphère ne se réchauffe pas entre les collectivités territoriales et l'État. Dans son budget pour 2025, voulant tailler dans les dépenses pour empêcher le déficit public de s'envoler, le gouvernement a décidé de demander un effort pécuniaire aux collectivités. En l'occurrence, 5 milliards d'euros.
C'est peu dire que la nouvelle a été accueillie avec défiance par les concernés. Les départements se disent menacés de "destruction massive". Les grandes villes parlent d'idée "dangereuse pour le pays". Bref, levées de boucliers générales.
C'était sans compter sur la calculatrice d'André Laignel, maire socialiste d'Issoudun, dans l'Indre. Avec sa casquette de président de la commission des finances locales et vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF), il l'assure : ce n'est pas 5 milliards, mais bien 11 milliards que le gouvernement va chiper aux collectivités. "J'ai fouillé le projet de loi de finances, et je ne suis même pas sûr d'avoir tout trouvé ! C'est touffu, une loi de finances", souffle l'élu à France 3.
"C'est un mensonge d'État"
S'il y a un seul point d'accord entre lui et Michel Barnier, c'est sur les 5 milliards annoncés, qui manqueront bien aux budgets des collectivités. En l'occurrence, un fonds d’épargne imposé aux 450 "plus grosses" collectivités pour des recettes espérées de 2,8 milliards, un gel de la revalorisation des recettes de TVA pour 1,5 milliard, et une réduction du fonds de compensation sur la TVA, pour 800 millions d'euros.
Le gouvernement arrête de compter là, mais pas l'AMF. "C'est un mensonge d'État." Un mensonge, sciemment ? "Bien sûr ! Cela fait quelque temps que les messages leur ont été passés, ils le savent."
André Laignel a dressé la liste des autres mesures qui pèseront sur les politiques des collectivités. Il signale 2,1 milliards d'euros de moins en direction de la transition écologique (principalement les baisses du fonds vert, et des budgets de l'Ademe et des agences de l'eau). Mais aussi "2,5 milliards de désengagements divers et variés", et 1,3 milliard de hausse des cotisations à la caisse de retraite des agents des collectivités totales.
Reste la stabilisation de la dotation globale de fonctionnement. Sauf que, "avec l'inflation, stable, ça veut dire à la baisse, de 500 millions d'euros en volume." Il faudrait aussi, pourquoi pas, ajouter la disparition du plan vélo, "mais on n'a pas pu le chiffrer".
Un risque de récession ?
En somme, une addition plus que salée, et qui fait craindre le pire aux collectivités.
11 milliards, c'est la moitié de l'autofinancement net des collectivités, ce qui permet d'investir. Il y a un risque de mettre en panne l'investissement des collectivités, qui sont responsables de gros investisseurs. Les professionnels des travaux publics sont tétanisés Ça va plomber l'économie.
André Laignel, président de la commission des finances locales
Il prophétise même un "risque de récession", "ce n'est pas absurde". "On n'aura rien amélioré de sérieux sur le plan des finances, mais on aura plombé l'économie", fustige le maire d'Issoudun.
Nouveau coup dur pour les services publics
Et si ces milliards ne sont pas récupérés par les collectivités sur les seuls investissements, "ce sera sur le fonctionnement". Autrement dit, "les services rendus à la population" : "Est-ce que ce sera moins de politiques sportives ou culturelles ? Est-ce qu'on va supprimer des postes sur l'entretien de la voirie et des parcs ? Ou dans nos crèches, dans nos écoles, dans nos collèges, dans nos lycées ? Ce sera des lycées pas construits, et des lignes ferroviaires pas modernisées." Pour lui, à la fin, "ce sont les Françaises et les Français qui vont payer".
Dans les départements, "c'est toute l'action sociale qui risque d'être mise en cause". "Comment verserons-nous le RSA", s'interrogeaient à la mi-octobre les six départements du Centre-Val de Loire. Quelques jours plus tard, le Loiret décidait de lancer une blague quelque peu désabusée, en mettant en vente (pour de faux) ses bâtiments publics, comme la préfecture et le palais de justice d'Orléans. Mais "cela va finir par ne plus être une plaisanterie", soufflait le président (UDI) du conseil département Marc Gaudet.
Il critique un gouvernement "aux abois", qui pense que "se comporter de la même façon que le précédent gouvernement peut apporter un résultat différent".
Il y avait une bande dessinée, appelée "Le sapeur Camember". Sa spécialité, c'était de creuser un trou pour boucher le trou d'à côté. Monsieur Barnier, c'est le sapeur Camember.
André Laignel, président de la commission des finances locales
André Laignel engage désormais le gouvernement à tenter de trouver des sous ailleurs que dans les poches des collectivités territoriales. Et espère que des amendements seront pris au Parlement pour empêcher ces coupes. "Mais les chances que soient retenus ces amendements sont proches de 0, je suis à peu près certain que tout se terminera sans vote à l'aide de l'article 49.3."