Bagarre, dépôt de plainte, la guerre est déclarée depuis 1 an dans ce conseil municipal de l'Indre, et tout est parti d'un pot avec les habitants

Depuis plus d'un an, à Bonneuil, une petite commune de l'Indre, le maire et ses adjoints se vouent une détestation qui bloque toute la vie de 89 habitants. À l'origine du conflit, l’organisation d’un pot avec les habitants.

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Le silence paisible qui règne au cœur de Bonneuil dans l’Indre est un leurre. Marcher quelques pas aux côtés du maire de la commune, Robert Diez, 83 ans, permet de s'en rendre compte. 

En face de l’église Saint-Martial, qui trône au centre du village, la fenêtre d’une maison aux volets bleus s’ouvre : "Le maire est un traître et un menteur", crie un homme avant de rentrer chez lui furtivement.

Depuis plus d’un an, cette petite commune de 89 habitants est en proie à une féroce bataille qui oppose le maire et ses adjoints. Les uns accusent l’édile d’être un "autocrate" et de n’en faire "qu’à sa tête", lui dénonce un coup monté de sa propre majorité pour lui "prendre la mairie".

Faute de votes en conseil municipal, le village est à l’arrêt. Le budget 2022 n’a pas été adopté et aucuns travaux, ni investissements ne peuvent être réalisés. "Vous voyez cette toiture là-bas", montre le maire en pointant du doigt le toit vétuste d’un bâtiment communal, "on ne peut pas la réparer donc on la laisse comme ça". 

Le "pot" de la discorde 

Tout avait pourtant bien commencé. En 2020, la petite équipe municipale qui rassemble sept habitants se présente aux élections contre l’ancien maire de la commune Joël Anfreville. "Nous trouvions qu’il n’en faisait pas assez. Nous avons donc décidé de présenter notre liste. Aucun de nous ne voulait être maire, Robert Diez, si. Donc, ça allait à tout le monde", explique Mireille Pedrassi, 71 ans, l'une des élus dissidentes. "Nous avions convenu que toutes les décisions seraient prises à la majorité entre nous, c’est la nature de notre engagement", précise-t-elle. La petite équipe remporte l’élection. C’est sans doute le dernier moment d’union entre le maire et ses conseillers. 

Car très vite, les relations vont se tendre. Au cœur du premier désaccord, l’organisation d’un pot avec les habitants quelque temps après l’élection. "Les conseillers municipaux n’ont pas voulu payer, accuse Robet Diez, ce n’était que 20 euros par personne". 

Radins, les élus ? "Nous avons demandé à ce que ce soit la commune qui prenne en charge ce pot, il y a une ligne budgétaire pour cela. Mais, le maire nous a dit 'je fais ce que je veux, je suis le maire'", rétorque Mireille Pedrassi qui voit dans cet événement la trahison des principes de la liste municipale. 

Un péché originel duquel va découler une succession de désaccords : un projet d’éoliennes, l’enfouissement du réseau, les récupérateurs d’eau, le budget… Le blocage est total, la situation s’envenime.

Les élus en viennent aux mains

Point d’orgue de ces dissensions : le 15 juin 2022, une violente altercation éclate entre le maire et deux élus, Maurice et Mireille Pedrassi (ils sont mariés). Cette dernière sort son téléphone pour filmer la scène. Le maire s’agace et s'approche nerveusement de l'élue pour tenter d'attraper son téléphone. Maurice Pedrassi, situé derrière le maire, intervient et attrape fermement le maire par le cou avec son bras et le projette au sol. 

Le maire a porté plainte pour "violence contre une personne dépositaire de l’autorité publique". Ce que Maurice Pedrassi conteste : "Quand j’ai vu que Robert s’est approché de ma femme, je ne savais pas ce qu’il voulait lui faire, j'ai voulu la protéger, c'est de la légitime défense", rétorque-t-il. Il a écopé d’un rappel à loi.

Bataille sur la réglementation

Sur le plan politique, les choses ne s’améliorent pas non plus. Les adjoints continuent de se rebiffer et souhaitent imposer à l’ordre du jour du conseil municipal la révision des délégations du maire. "On voulait avoir un droit de regard sur ce qu’il faisait", explique Mireille Pedrassi.

Mais le maire refuse, malgré l’obligation inscrite dans le code général des collectivités territoriales, avant que la préfecture ne lui ordonne d'appliquer la réglementation. "Mais depuis, il ne met plus plus aucun ordre du jour comme l'impose pourtant la règle", dénonce l'adjointe. Le maire assume : "On ne va pas réviser toutes les semaines ce qui a été décidé au début du mandat", argue-t-il. 

Depuis, les élus décident de sécher les conseils municipaux. Comme le raconte La Nouvelle République, Robert Diez a donc décidé, en septembre dernier, de retirer, à son tour, les délégations à ses adjoints en votant, seul, au conseil municipal.

Le contrôle de la démocratie locale en question

Les déchirements qui secouent le village de Bonneuil illustrent les failles de la démocratie locale, notamment dans les petites communes. "Ce qui intéresse la presse, c’est uniquement de traiter ce sujet sous le prisme du fait-divers", s’agace Daniel Patrigeon, le premier adjoint. "Or, la vraie question, c’est celle du contrôle de la légalité qui est inexistant. Le maire fait ce qu’il veut et on ne peut rien faire", pointe le septuagénaire, avant de quitter la pièce. 

Démocratiquement, c'est quand même incroyable !

Mireille Pedrassi, élue de Bonneuil

Un avis largement partagé par les anciens alliés du maire : "Je vous rappelle qu’il est seul contre l’ensemble de son conseil municipal et qu’il ne démissionne pas. Démocratiquement, c’est quand même incroyable !", ajoute Mireille Pedrassi. 

La loi ne prévoit aucune possibilité pour le conseil municipal de destituer l'édile. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, c’est encore plus strict. La démission des conseillers municipaux ne peut entraîner que l’organisation d’élections partielles complémentaires afin d’élire un nouveau conseil municipal. Le maire, lui, reste en poste. 

De la même manière, si le maire démissionne, c'est au conseil municipal de choisir son remplacement. Dans une situation comme celle de Bonneuil, il faudrait que tout le monde démissionne d'une seule voix et qu'une nouvelle élection soit organisée.

C'est d'ailleurs ce que souhaite Robert Diez : "Je propose de démissionner si le conseil municipal démissionne aussi. Je suis prêt à me représenter devant les électeurs. Les opposants pourront le faire aussi. Ils sont déjà cinq. Ce serait une vraie issue démocratique", plaide-t-il. 

Le Conseil des ministres va-t-il être saisi ? 

Tous les regards sont désormais tournés vers la préfecture, qui joue les médiateurs depuis plus d'un an. Elle est la seule institution habilitée à proposer au Conseil des ministres la dissolution du conseil municipal de Bonneuil et à imposer de nouvelles élections.

Un point que tous les protagonistes de cette affaire rocambolesque attendent : "On espère qu’il y aura une dissolution. Et après on s’en fiche", souffle Mireille Pedrassi. Même son de cloche pour Robert Diez : "J’ai moi-même demandé une dissolution du conseil au préfet.". 

De son côté, la préfecture temporise : "Nous suivons le dossier de près. Il y a d'ailleurs un prochain conseil municipal le 24 octobre", explique Emmanuelle Drieu-Lemoine, sous-préfète de Le Blanc, sans confirmer ni infirmer que le dossier a bien été envoyé au ministère. "La dissolution d'un conseil municipal c'est quand même très grave". 

Faute de solutions, rien ne laisse présager une issue à ce conflit qui s'éternise et s'enlise au fil des semaines.

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