Depuis le meurtre de Matisse, 15 ans, à Châteauroux, les commentaires violents s'accumulent sur les réseaux sociaux. Une magistrate a été harcelée, et les adresses des parents du suspect ont été publiées, en même temps que des appels à la vengeance.
"Vendetta et pas de pitié", "je le crame"... Autant de commentaires qui ont fleuri sur Instagram, en réponse à une vidéo publiée par France 3, un extrait d'une interview de Christophe Marchais. Son fils, Matisse, est mort, poignardé à plusieurs reprises, samedi 27 avril à Châteauroux. Un suspect, un adolescent de 15 ans d'origine afghane, a été mis en examen pour meurtre, et sa mère est soupçonnée d'avoir frappé Matisse alors qu'il gisait au sol.
Depuis, les commentaires ont été supprimés par les équipes numériques de France 3. Mais ils ne sont pas les seuls de ce type sur les réseaux sociaux. Alors même que, dans l'interview dont est issue la vidéo, Christophe Marchais appelle au calme. "Je ne veux pas que qui que ce soit s'approprie la mort de Matou, de quelque bord que ce soit. Il aimait tout le monde, je veux que tout le monde soit comme ça", expliquait-il devant les caméras.
"Il faudrait que je déclare la guerre à je ne sais qui, je ne sais quoi"
Sauf que sa mort a bien été récupérée, notamment par l'extrême droite. Damien Rieu, cadre de Reconquête!, a par exemple exposé le visage du suspect sur son canal Telegram, comme le rapporte Le Monde. Sur Facebook, des publications dévoilent son nom, ceux de ses parents, et même leurs adresses. Et, malgré les demandes de Christophe Marchais, le sujet est utilisé pour dénoncer la politique migratoire française.
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S'opposant à cette démarche, le père de Matisse fait même les frais de commentaires haineux. "Je ne m'imaginais pas... Je reçois des messages privés qui disent : "Votre fils s'est fait assassiner et vous demandez qu'on publie des loutres, honte à vous", raconte-t-il à France 3. Il faudrait que je déclare la guerre à je ne sais qui, je ne sais quoi. On se rend compte qu'il y a un paquet d'imbéciles."
Sur la page Google Maps de son restaurant castelroussin, un internaute s'est aussi fendu d'un avis faisant référence à la mort de Matisse. "On m'a pourtant dit que leurs plats de 15 ans étaient une tuerie", est-il écrit. "Des choses innommables... Tout a été retiré, j'espère qu'on le retrouvera", ajoute Christophe Marchais, qui confie que "la cyberpolice est sur le coup". La direction départementale de la sécurité publique a décliné tout commentaire auprès de France 3.
Chez Google, le commentaire a été signalé en interne. Du côté du géant américain, on explique que "des dispositifs de surveillance sont anticipés sur des évènements prévisibles comme les JO ou les élections européennes". Pour des drames comme le meurtre de Matisse, qui peuvent déclencher des vagues de commentaires abusifs, "l'intelligence artificielle et le machine learning sont efficaces quand des pics sont détectés, avec intervention humaine quand il y a des signalements".
Google assure également que des liens sont entretenus avec les autorités. "Sur ce genre de situations, on peut être sollicités par les autorités pour supprimer des commentaires." Dans l'autre sens, l'entreprise peut être amenée à "porter plainte face à des abus continus sur notre plateforme, plusieurs procédures sont en cours".
Une magistrate prise pour cible
Mais, sur des chaînes Telegram, endiguer la haine et les fuites d'informations est une autre affaire. Là, "des propos haineux et menaçants" ont été formulés "à l'encontre d'une ancienne magistrate du tribunal judiciaire de Châteauroux", indiquent le premier président de la Cour d'appel de Châteauroux, Alain Vanzo, et le Procureur général de la cour d'appel Eric Maillaud. "Certains estiment pouvoir reprocher, dans le cadre d'affaires pénales antérieures, la remise en liberté de ce mineur".
Sauf que, comme l'avait indiqué un premier communiqué de la procureure de Châteauroux, le suspect avait été placé sous contrôle judiciaire, "seule mesure de sûreté prévue [...] pour un mineur de son âge, sans condamnation antérieure" pour des faits de nature correctionnelle :
Nous ne pouvons que nous indigner contre le fait, au mépris de la loi qui réprime toutes les formes de menaces et de haine en ligne et dans l'anonymat procuré par Internet [...], de critiquer violemment l'action légitime de magistrats qui, dans le strict respect des textes [...], n'envisagent l'incarcération d'un jeune mineur auteur de délits - quelle que soit son origine - qu'avec la prudence légitime que chacun est en droit d'attendre.
Alain Vanzo et Eric Maillaud
Il est par ailleurs à noter que la magistrate ciblée "n'est jamais intervenue, à quelque titre que ce soit, dans les procédures civiles ou pénales" concernant le suspect, notent les deux auteurs du texte. Le syndicat national de la magistrature a également réagi, appelant "à la vigilance des autorités chargées de garantir l'indépendance de la justice".
Sollicitée, l'OFAC, office anti-cybercriminalité, n'a pas encore répondu à France 3.