C’est le Service Départemental d’Incendie et de Secours de l’Indre qui a proposé au lycée Pasteur du Blanc de travailler à la conception d’une planche de petite taille, adaptée à la forme du dossier des sièges de voitures pour évacuer et sécuriser plus rapidement les victimes d’un véhicule. Un outil mis au point par une lycéenne de 17 ans, qui va faire gagner un temps précieux aux pompiers dans la prise en charge des victimes d’accidents de la route.
Le 22 décembre 2023, un jour inoubliable pour Marie Fontaine. La jeune lycéenne, originaire de Tournon-Saint-Pierre en Indre-et-Loire, a officiellement remis aux pompiers du SDIS 36 la planche créée avec son professeur d’atelier pour équiper les véhicules de secours routier des pompiers de l’Indre. À 17 ans, en terminale Bac Pro plasturgie et composites, au lycée Pasteur du Blanc dans l’Indre, cette lycéenne est la seule jeune fille parmi les 45 élèves de cette filière, de la seconde à la terminale. Un projet de "chef-d'œuvre" pour une épreuve du bac qui devient concret et utile, de quoi rendre fière toute une famille.
La fierté des parents de Marie
"Quand on a su qu’il y aurait la remise officielle de cette planche au lycée, avec le SDIS, on a trouvé que c’était bien, car c’était l’aboutissement du travail, mais on a été surpris en rentrant de vacances, en voyant notre fille en première page de la Nouvelle République. Beaucoup d’émotion et aussi un sentiment de satisfaction en tant que parents parce qu’il y a eu beaucoup de doutes pour le choix de cette voie. Ce n’est pas courant et Marie avait aussi des doutes en rentrant en seconde, mais tout compte fait ça a porté ses fruits. "
Il y a plusieurs sentiments qui se mêlent, fierté, satisfaction et puis ça nous conforte et elle aussi, je crois, dans son choix d’orientation professionnelle
Céline Fontaine, maman de Marie
"Ce qui est intéressant, c'est qu’il y a un partenariat avec le SDIS et une entreprise donc c’est un travail d’équipe de tous les partenaires et puis Marie est au milieu. Elle a apporté sa pierre à l’édifice avec ses connaissances d’élève en terminale. Ce n’est que le début de son parcours. On espère que Marie continuera dans cette voie." Des parents très fiers de leur fille "On est très content parce que c’est son travail à elle, c’est son projet qu’elle va présenter au baccalauréat et en plus, il y a une finalité importante, car c’est très concret, ça va équiper les véhicules de secours des pompiers". Elle ajoute "Il y a vraiment un aspect humain, ça va avoir une utilité donc c’est plutôt satisfaisant pour elle comme pour nous." Marie renchérit « Moi, j'aime beaucoup aider les personnes, que ce soit dans les supermarchés, dans la rue ou ailleurs. J’aime beaucoup aider même si c’est quelque chose de banal, moi ça me fait plaisir."
Voir que le projet va permettre d’améliorer les conditions des pompiers et permettre peut-être de sauver plus de vies, forcément c’est génial.
Marie Fontaine, lycéenne créatrice d'une planche pour les pompiers du SDIS 36
"La planche Marie", un projet de baccalauréat
À la base, c'est un projet qui fait partie d’une épreuve pour le bac. "Un chef-d’œuvre" que Marie devra présenter à l’oral pendant 5 min devant un jury avant de répondre à 10 min de questions. Elle n'imaginait pas l'ampleur que prendrait finalement ce travail.
Son projet initial de fabrication d’aileron pour une Formule 1, n’ayant pas pu se concrétiser avec une entreprise, Marie a su se remobiliser. L’intervention, en juin 2022, de l’adjudant-chef Messin, formateur et référent départemental secours à personnes et secours routier du SDIS 36, a changé la donne. Il nous explique pourquoi le Service d’Incendie et de Secours a sollicité le lycée professionnel Pasteur du Blanc dans l’Indre.
"Il existe un challenge national sur le secours à personne et sur le secours routier, c’est aussi une pré-sélection pour pouvoir faire un challenge mondial et ça nous permet de voir différentes équipes étrangères. » Ici quand on évacue les victimes, on utilise un long plan dur (une longue planche munie de poignées) qui fait la taille d’un homme et on s’est rendu compte que les espagnols utilisaient un plan dur en bois incurvé avec une petite planche qui facilitait l’extraction des victimes dans les voitures. Du coup ça limitait le temps passé à l’intérieur, ça faisait moins de découpes et on gagne en moyenne 45’ pour la victime. C’est très intéressant, mais ce sont des planches qui ne peuvent servir qu’à ça et dans nos ambulances, on a déjà des grandes planches, des grands plans durs. Donc je me suis mis en relation avec ce lycée professionnel du Blanc pour pouvoir adapter une petite planche sur nos plans durs et qui prendrait en compte en même temps la forme des sièges des véhicules."
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Une fois le projet présenté aux élèves et à leur professeur d’atelier, c'est Marie qui s’est portée candidate. "Quand j’ai décidé de prendre ce projet je ne savais pas que ça irait aussi loin, car je partais de zéro. J’ai essayé de voir les différentes techniques qu’on pourrait faire, en plastique ou en composite, les formes, les coûts de la matière, les défauts. On a trouvé une technique pour fabriquer cette planche et au fur et à mesure on a vu les dimensions qu’il fallait, la matière et ça nous a conduit à la remise officielle de la planche, dit-elle encore toute étonnée. « C’est sûr qu’au moment de la remise il y avait plein de monde, nous, notre chef des travaux, le CPE, notre proviseure, les professeurs, nos camarades, tous les pompiers, les journalistes, etc. Forcément J’avais une petite pression mais beaucoup de personnes m’ont rassurée et j’ai donné officiellement cette planche aux pompiers pour qu’ils puissent s’équiper".
Un travail d’équipe
C’est avec son professeur d’atelier que Marie a travaillé sans relâche sur cette planche qui devait répondre à toutes les exigences des pompiers « Ça doit être assez dur pour pouvoir s’adapter au niveau de la forme, de la corpulence, selon la personne qui doit être extraite des voitures. Du coup, on prend plein de paramètres en compte. Au niveau de l’hygiène, il y a du plastique ou du composite qui est moins facile à nettoyer, qui ne va pas éliminer toutes les bactéries, donc on a aussi travaillé là-dessus. C’est vrai que quand on m’a parlé d’hygiène, ça ne me serait pas venu en tête tout de suite, mais c’est très important » L’adjudant-chef Messin, chargé du projet chez les pompiers le confirment.
"Je ne sais pas ce qu’ils ont mis, mais ce n’est pas du tout rugueux, c’est très lisse et très facile à nettoyer et à désinfecter". Et d'ajouter :
Ce lycée nous a fait quelques prototypes et à chaque fois on les a testés et apporté des axes d’amélioration pour arriver à un produit final et fini. Et du coup le SDIS a commandé une dizaine de planches pour équiper les véhicules de secours routier de l'Indre
Adjudant-chef Messin Référent secours à personne et secours routier SDIS 36
Ce projet pédagogique, mené avec le professeur d’atelier de Marie, va bien au-delà d’un travail scolaire. Franck Messin le reconnaît bien volontiers : "c’est presque de l’ingénierie qu’elle a fait. La difficulté c’était de faire comprendre à ces élèves ce que moi j'attendais parce que la désincarcération ça leur parle pas, il y a plein de choses qui ne leur parlent pas donc les premiers prototypes fonctionnaient, mais ce n’était pas concluant. Avec des axes d’amélioration, on est arrivé au produit final".
Un équipement pour sauver des vies : 45 minutes gagnées sur une intervention
Dénommée "planche Marie" par les pompiers, cet équipement va changer leur quotidien. "Quand nos véhicules seront équipés de cette planche, ils ne seront plus obligés de tout couper dans le véhicule. Il suffira d’ouvrir le coffre ou le hayon, d’écraser ou d’enlever les dossiers des sièges, d’engager la grande planche, la petite planche derrière le dos de la victime avec un autre dispositif qui s’adapte dessus, appelé un boa et ça nous permet d’extraire la victime en respectant l’axe tête cou tronc, qu’il soit bien rectiligne et la sortir assez rapidement. On gagne 45 minutes en moyenne. Imaginez une victime avec une hémorragie interne, c’est un gain de temps énorme, ça peut lui sauver la vie car la seule personne qui peut lui sauver la vie, c'est un chirurgien dans un bloc opératoire."
Franck Messin fait le point : "Aujourd’hui j’ai déjà 3 SDIS qui m’ont contacté pour pouvoir tester cette planche dont celui de Gironde. Une planche est partie en test là-bas et si c’est concluant, ils équiperont leurs ambulances et la commande devrait être assez élevée. Cette planche courte coûte 600 € et c’est l’entreprise A.M.C à Saint-Lactencin près de Buzançais qui a repris le projet de Marie et fabrique les planches en matériaux composites à destination des pompiers."
C’est la première fois que les pompiers travaillaient avec un lycée professionnel et c’est une réussite. " J’avais déjà beaucoup de confiance dans le travail de ces élèves, je pense que le milieu professionnel est tout à fait compétent et performant en France et puis ça a permis de les mettre en valeur parce que je ne suis pas persuadé que ce soit le cas à chaque fois. Nous, en plus, ça nous permet de toucher une population qui pourrait éventuellement rejoindre nos rangs de pompiers volontaires, car on en manque toujours."
Marie passera le baccalauréat en juin et compte poursuivre ses études en BTS Europlastic et composites. La planche qui porte désormais son prénom pourrait équiper de nombreux SDIS en France et les pompiers de l’Indre présenteront cette innovation au prochain challenge national à Chantilly en septembre prochain. « La planche Marie » une réalisation entièrement made in Berry, de la conception à la fabrication.