Justice à l'arrêt : les avocats en difficulté souhaitent des aides compensatrices

L'arrêt brutal de l'activité judiciaire durant le confinement a mis en difficulté de nombreux avocats. La profession était déjà en difficulté avec l'arrivée du digital à marche forcée. La situation s'est détériorée un peu plus avec cette crise et l'obligation de s'adapter aux mesures sanitaires.

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À l'heure du déconfinement, les cabinets d'avocats font les comptes, s'adaptent et reprennent une activité limitée. Une étude du Conseil National des Barreaux (CNB) évalue à 30 % le nombre d'avocats en grande difficulté. Il s'agit essentiellement d'avocats récemment installés, en individuel, qui ont dû faire face à la quasi-absence d'activité pendant deux mois, et cela, après leur grève contre la réforme des retraites. Des tribunaux de prud'hommes totalement arrêtés dès le début de la crise et l'activité judiciaire réduite aux seules nécessités urgentes ont privé les avocats de dossiers et donc de revenus durant la période. Leur statut libéral n'a pas permis jusqu'à présent de leur donner accès à des aides publiques alors qu'ils ont dû fermer leurs cabinets tout en payant leurs collaborateurs et leurs charges. Une situation qui a amené le CNB à écrire au ministère de la Justice. Les représentants de la profession, dont le Conseil National des Barreaux, ont adressé une lettre cosignée à la garde des Sceaux. En prenant modèle sur le dispositif de compensation de charges prévu par le Gouvernement pour les soignants libéraux de ville, les représentants des avocats demandent à pouvoir bénéficier d'aides financières. 

Lettre des avocats à la garde des sceaux



Vice-président de la conférence des bâtonniers de France, Philippe Baron, avocat tourangeau explique :  "Avec leur statut de libéraux, pour les aides, les avocats passent à côté de tout. Pas le droit aux aides particulières pour les enfants malades au début de la crise, il a fallu que l'on se batte pour arriver à les débloquer. Pas le droit non plus au chômage partiel puisque en activité libérale, mais par contre les cabinets qui ont des collaborateurs devaient continuer à honorer les contrats en les payant normalement. Seuls ceux qui pouvaient se mettre en télétravail ont réussi à maintenir un peu d'activité avec tout de même une difficulté essentielle pour nous : les juridictions ont énormément réduit leur activité ou fermé leurs portes. Nous sommes payés à l'acte, à la plaidoierie, à la procédure, à l'accueil des clients ou aux dossiers que l'on engage, mais là, on a rien pu faire pendant 2 mois sans être officiellement fermés administrativement. Du coup, on n'a pas le droit aux aides prévues pour fermeture administrative. Les cabinets qui n'avaient pas de stock d'affaires, de trésorerie, sont en très grande souffrance".
 

Avec le déconfinement, l'activité reprend doucement avec des juridictions pénales qui redémarrent avec peu d'effectifs. À Tours, sur 120 personnes qui travaillent au palais de justice, il y a juste un tiers qui semble en mesure de reprendre l'activité. Au tribunal des prud'hommes de Tours, les audiences de conciliation et les référés reprennent cette semaine.

Document unique spécial Covid-19

Philippe Baron est avocat associé du cabinet 2 BMP installé à Tours. Cinq avocats associés, cinq collaborateurs et cinq secrétaires composent ce cabinet et pendant la crise du confinement, chaque jour, une secrétaire et un associé étaient présents dans les locaux pour assurer la mise à disposition nécessaire au télétravail de tous les autres. 

Passionné d'informatique, Philippe Baron a passé deux jours à mettre tous les postes à jour pour le départ en télétravail. Un dispositif à distance qui n'a pas empêché une baisse du chiffre d'affaires "sur les deux mois du confinement, j'ai une baisse de 30 % de notre chiffre d'affaires". Ce 11 mai 2020, date du déconfinement, certains collaborateurs ont souhaité rester en télétravail, d'autres ont souhaité revenir dans l'entreprise avec toutes les mesures de précaution. "On avait déjà un sas à l'entrée, un plexiglass à l'accueil, du gel hydro-alcoolique, des gants et une boite aux lettres temporisée, c'est à dire, que l'on attend 48 heures pour manipuler les courriers et on fait le plus possible de la visioconférence. Salle d'attente, cafétéria, fontaine à eau et toilettes ne sont plus accessibles aux visiteurs. Tout cela est consigné dans l'annexe du document unique spécial Covid-19.  On est prêts à désinfecter le moindre stylo" détaille Philippe Baron.
 

La justice à l'heure du digital

L'avocat est aussi expert pour l'informatisation, la numérisation et la télétransmission dans l'univers juridique. A ce titre, il a un regard attentif sur les mutations générées par l'adaptation à la crise sanitaire du Covid-19. Après cet épisode, il a la certitude que la révolution numérique rendue nécessaire dans l'urgence par le Covid-19 a eu raison des réticences du monde du droit. "Entre visioconférence, intranet, travail à distance, télétransmission de gros dossiers, visio-audience, sécurisation des données pendant deux mois, les réticences ont sauté sous la pression du confinement. La crise du coronavirus a, dans notre profession, précipité les échanges de documents sous forme électronique, on a accéléré nos expérimentations en cours, maintenant, on a une plateforme d'échanges opérationnelle, sécurisée et de grande capacité. C'est le Covid qui a fait qu'on a eu des réunions toutes les semaines avec la Chancellerie pour arriver à faire fonctionner des transmissions numériques entre ministère de la Justice et avocats, alors qu'avant on était sur l'impression de documents papier et d'envois par la Poste. Avec ces deux mois de confinement, toute la digitalisation de la justice est au point. On était avant le Covid au XXème siècle et là, on passe enfin au XXIème" se félicite l'expert qui trouve au moins un aspect positif dans ces deux mois de crise sanitaire.
 
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