Depuis le début de la crise sanitaire, il y a un an, le secteur de la vente à domicile a du se réinventer pour maintenir une activité. La relation avec le client est devenue numérique.
"Un coup de massue". Voilà comment Pascale Ribémont, habitante de Cormeray (Loir-et-Cher), 11 ans de métier dans la vente à domicile, résume l’annonce du premier confinement. "On ne pouvait plus aller à domicile. En plus, nous, on fait de la dégustation. C’était formellement interdit", raconte celle qui travaille à temps plein depuis six ans pour Asthéya.
Depuis plus d’un an, le quotidien des vendeuses à domicile indépendantes (VDI) – une profession majoritairement féminine – a été chamboulé. En 2020, on compte 27 968 VDI en région Centre, pour environ 140 entreprises. Autant de sociétés qui ont revu leur copie pour se tournent vers le numérique.
"Beaucoup de personnes étaient réfractaires à la digitalisation", explique Monique Duchêne présidente de la Fédération de la Vente Directe pour les Pays de Loire et le Centre-Val de Loire.
Elles disaient qu’elles avaient fait ce métier pour être en face des gens et pas derrière un écran. Elles se sont rendu compte que c’était un allié important pour continuer à travailler.
Rester en contact grâce aux écrans
Ateliers en visio via Whatsapp ou Zoom. Démonstrations en direct sur Facebook. Depuis un an, le travail se fait désormais par écran interposé. "On est passé aux démonstrations culinaires en mode "Tous en cuisine", explique Nathalie Allahverdian, distributrice pour la région Centre depuis 2017 de Tupperware, spécialiste de produits pour la cuisine. Elle travaille avec 1 200 conseillères dans son secteur. "L’animatrice utilise les produits de la marque. En face, la cliente va voir la facilité avec laquelle la conseillère va pouvoir réaliser la même chose qu’elle. Il faut donner envie de manière différente". À Vorwek, l’entreprise qui fabrique le fameux Thermomix, dans son usine en Eure-et-Loir, on a aussi adapté la présentation. "On va prouver l’efficacité du produit via des tests sur le sol et un système qui permet de montrer ce que l’on va retirer comme poussières", résume Christelle Delanoë, directrice de la Zone Nord-Ouest.
Premier obstacle : maitriser les nouveaux outils. "Il a fallu apprendre à faire un blog, à réunir nos clientes devant leurs ordinateurs, à utiliser la e-boutique, le paiement par carte", détaille Pascale Ribémont, 62 ans, pas à l’aise sur les réseaux sociaux. Pour Laura Miram Marthe-Rose, 22 ans, étudiante en génie industriel, basée à Orléans (Loiret), débutante dans le métier, elle avait peu de connaissances. "Je commence à peine à me lancer sur les réseaux sociaux donc la visibilité n’est pas forcément idéale. C’est un peu ça leur point faible. Quand on ne connait pas énormément de monde, on a tendance à toucher toujours un peu les mêmes personnes".
Second obstacle : séduire les clientes. "Ce qu’elles aiment", rappelle Pascale Ribémont, "c’est le rapport humain. Il fallait arriver à les convaincre qu’on allait garder notre métier qui est de conseiller même en virtuel".
Fidéliser les clientes
"Au départ, on pensait que présenter les produits, c’était bien mais sans pouvoir les toucher c’était plus compliqué", confie Élise Hernaez-Iweins, fondatrice de Secrets de Miel, spécialiste des produits de beauté à base de miel, installée à Chezelles, près de Châteauroux (Indre). Alors pour le premier confinement, elle propose "des animations qui n’avaient rien à voir avec la vente à domicile".
On a organisé des cours de sports, des séances de méditation, on a partagé des recettes de cuisine. Ça a beaucoup plu.
Chez Asthéya, au printemps 2020, on opte pour la fidélisation mais pour le second confinement, la stratégie change. "Novembre, c’est le plus gros mois de l’année. On s’est dit que ce n’était pas suffisant. On a eu un discours du style "vous allez faire des escales [N.D.L.R. réunions], elles seront virtuelles et c’est pas grave". On a été plus incitatifs sur cette deuxième partie", concède Monique Duchêne qui dirige également l’entreprise spécialisée dans le thé. Elle compte 350 vendeurs dont le nombre le plus important, 80, est en région Centre. Mais la transition n’est pas simple. "On a dû attendre février 2021 pour que le site marchand puisse fonctionner". Entre temps, il a fallu travailler avec les bons de commande dématérialisés pendant plus de six mois.
Une année contrastée selon les secteurs
Quand on fait les comptes, les situations sont disparates pour les VDI. "Tout ce qui n’avait pas été fait a été reporté à juillet et août 2020", calcule Pascale Ribémont qui, "à 100 euros près", a maintenu son salaire. Alors que pour Laura, ses revenus ont été en dents de scie tout au long de l’année.
Pour les entreprises aussi, le bilan varie en fonction des secteurs. Selon la Fédération de la vente directe, en moyenne dans la région Centre-Val de Loire, le chiffre d’affaires est en baisse de 3 %. Les commerces dans la rénovation de l’habitat ou encore le textile ont le plus souffert. A contrario, les sociétés spécialisées dans la cuisine ou les produits de renouvellement ont bien travaillé. Chez Astheya, on affiche une croissance de + 2% en 2020 par rapport à 2019. Pour Tupperware, c’est 3,7 millions de chiffre d’affaires en 2020 soit – 4 %. "On s’en est pas trop mal sorti", commente Nathalie Allahwerdian. Pour Vorwek, la croissance est à deux chiffres. "On a été porté par le produit", estime Christelle Delanoë. "Les gens étaient à la maison, il y a eu une envie de s’occuper de la maison, de cuisiner".
Cette crise a en tout cas permis aux entreprises de développer leur présence numérique. "On a gagné 5 ans en quelques mois", disent les cheffes d’entreprises. Pour beaucoup, c’est la confirmation qu’il faut se diversifier et miser sur le multicanal. Tupperware comme Vorwek par exemple ont déjà investi en ouvrant des boutiques. "C’est un outil supplémentaire pour nous faire connaitre et pour s’ouvrir vers l’extérieur", dit Nathalie Allahwerdian.
Une augmentation et un rajeunissement des vendeuses
Le secteur aura, en tout cas, vu son nombre de vendeuses augmenter cette année : + 2 % dans la région Centre. À Secrets de miel, 1 000 nouvelles VDI ont postulé. À Tupperware, c’est le double des inscriptions par rapport à une année normale. À Vorwek, on est passé de 8 000 à 13 000 VDI en France. Et l’entreprise a même lancé une vaste campagne de recrutement. "Il n’y avait plus de boulot pour les étudiants, plus de travail dans les restaurants, plus d’intérim", suggère Pascale Ribémont. "La crise, ça a peut-être révélé des personnes qui se sont dit qu’elles en avaient marre de leur job. Ou elles se sont retrouvées en précarité suite au confinement", avance Élise Hernaez. Car ce métier, flexible, est souvent présenté comme une bonne façon de boucler ses fins de mois.
Les entreprises observent aussi un rajeunissement de leurs VDI, grâce au numérique. "Ça leur a parlé aussitôt, il y a moins de pédagogie à faire pour les plus jeunes", reconnaît Pascale Ribémont. "Elles gagnent du temps. C’est plus simple pour elles de s’organiser dans leur vie personnelle. C’est plus facile que de se déplacer physiquement. On peut voir plus de monde en une journée", énumère Christelle Delanoë. Reste à savoir si ces personnes, recrutées lors d’une année exceptionnelle en tout point de vue, continueront leur activité sur le long terme.