Le plan France Relance pour la forêt, victime de son succès

150 millions d’euros. Ce sont les sommes débloquées par le gouvernement dans le cadre du plan France Relance pour la forêt. Son objectif : le renouvellement forestier de 45 000 hectares en deux ans. Autrement dit, 50 millions d’arbres à replanter, en tenant compte de critères comme la diversité des essences et le changement climatique.

En Centre-Val de Loire, les bois et forêts privées couvrent 838 000 hectares, soit 88% du territoire boisé. Depuis 35 ans, la forêt progresse au rythme de 2500 hectares par an. On y trouve des situations très contrastées : des grands domaines de Sologne ou de Brenne, aux micro- propriétaires. Ils sont 54 250 à posséder plus d’un hectare de bois. Parmi eux, un certain nombre ont répondu à la proposition gouvernementale, soucieux de régénérer leurs parcelles. Pour être éligible à la sélection, le ministère de l’Agriculture a en effet défini trois conditions :

  • L’amélioration des peuplements pauvres
  • La reconstitution des peuplements scolytés (notamment dans le Grand-Est et en Bourgogne Franche-Comté)
  • L’adaptation de peuplements vulnérables aux changements climatiques.  

2021, première année du plan, a vu la régénération de 1440 hectares en Centre –Val de Loire

1440 hectares pour un montant de subventions de 5, 5 millions d’euros. C’est le bilan des aides apportées par le plan de France Relance en 2021 pour l’amélioration des peuplements pauvres et l’adaptation aux changements climatiques. L’essentiel des aides est allé aux régions sinistrées de l’Est, face à l’urgence des interventions.  

Mais dès la mise en place de ce processus, des difficultés sont apparues pour les propriétaires forestiers et les entreprises concourant à ces replantations dans la réalisation des objectifs.

Laurence de Gressot, Présidente de Fransylva Centre-Val de Loire, le syndicat des propriétaires forestiers nous explique comment. "Ces arbres, nous les achetons à des pépiniéristes spécialisés, et ils ont du mal à en avoir. On cherche à diversifier les essences, eux ont l’habitude d’avoir toujours les mêmes essences, et on leur demande en plus en grande quantité, par exemple d’autres types de chênes que ceux traditionnellement plantés dans la région".  

Et les difficultés ne s’arrêtent pas là.

Grainetiers, pépiniéristes et entreprises de travaux forestiers face à des difficultés

Le Président du très fermé cercle des pépiniéristes forestiers (ils sont une trentaine en France labellisés comme tels), Gilles Bauchery, exerce son activité dans notre région. Son entreprise familiale, créée en 1904, est implantée à Crouy-sur-Cosson dans le Loir-et-Cher.

Il est en première ligne de la régénération de forêts car, dit-il, "nous sommes très peu nombreux dans la région. En France je dirais que nous sommes une quinzaine à faire 90% de la production, c’est vraiment un marché de niche cette spécialité de pépinière forestière".  

Il nous a expliqué toutes les difficultés de cette opération France Relance menée sur deux ans. "Il y a d’abord les délais qui sont très très courts".

Actuellement pour mettre en production, il faut au minimum un an et demi, voire deux ou trois ans. Pour certaines essences, le délai est trop court pour le plan de relance.

Gilles Bauchery, président des pépiniéristes forestiers

C’est par exemple le cas pour tous les sapins, les Douglas, les Epicéa actuellement utilisés, mais aussi les nouvelles espèces. Dans les préconisations de plantation, on y substitue du cèdre, des pins maritimes, le sapin Bornmüller (qui pousse en Turquie), l’idée étant de remplacer certaines espèces par de nouvelles plus résistantes à la sécheresse.

Concernant les feuillus, et particulièrement les chênes pédonculé et sésille, qui représentent 61% de la forêt de notre région, le problème est un peu différent.

Le chêne pédonculé plus sensible à la sécheresse, et très présent dans les forêts solognotes très touchées par la sécheresse, est remplacé dans les plantations par le chêne pubescent, plus adapté. 

Mais ce chêne, difficile à identifier, et en plus souvent hybridé, ce qui n’est pas permis pour la replantation, pose donc des difficultés pour récolter les graines, qui serviront à sa reproduction. "Il y a le chêne de Hongrie, que l’on teste, le chêne pyrénéen, appelé tauzin, mais c’est plus à la marge et actuellement on ne trouve pas de graines pour le chêne de Hongrie" nous précise Gilles Bauchery.

Pourtant, dès 2020, le plan de Relance avait prévu un investissement de 4,5 millions pour les grainetiers et de 2, 7 millions pour les investissements des pépiniéristes et des entreprises de reboisement. Malheureusement d’autres freins se sont présentés.

La récolte de graines catastrophique en 2021

La récolte 2021 en fruits libres a été historiquement mauvaise. Les chênes en particulier n’ont pas donné de graines du tout. On avait de gros contrats de cultures pour l’automne 2022, et du coup on ne peut pas les honorer puisqu’on n’a pas eu de graines pour semer.

Gilles Bauchery, président des pépiniéristes forestiers

Beaucoup de contrats ont dû ainsi être dénoncés par les professionnels, pour cette raison. "En chêne sessile, il y a eu 5%  des besoins en graines, on avait un petit peu de graines de conservation, mais c’est tout à fait insuffisant pour répondre aux demandes qui nous étaient faites. Il y a plein d’autres espèces, les tilleuls, les érables, les merisiers, qui ont eu de mauvaises fructifications. Le manque de graines fait qu’on ne va pas pouvoir être bon dans toutes les demandes".

Un phénomène qui a touché toute la France et tous les professionnels. S’ajoute à cela que la demande de nouveaux plans, peu réclamés auparavant a surpris tout le monde par son ampleur "nous Bauchery, on vendait 2000 pieds de tilleuls par an, là on pourrait en vendre 40 000, 50 000. Ça, c’étaient des essences qu’on n’était pas habitué à vendre en de telles quantités, et ça, associé au manque de graines, ça fait un gros problème. C’est très tendu, notamment dans les feuillus".

Pour résumer, le pépiniériste estime que les problèmes de graines suivent aussi les aléas climatiques.  

Enfin pour terminer le tableau, un autre problème rencontré par les professionnels du secteur : la main d’œuvre qu’il est très difficile de trouver dans ces temps d’accroissement de la demande.  

Le Président des pépiniéristes forestiers tire la sonnette d’alarme

Le monde politique n’a pas le même tempo que nous. Nous, on a les problèmes de production, eux, les échéances politiques, où il y a des chiffres à donner. On l’a dit maintes et maintes fois, les délais sont trop courts, et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir dit. Sans graines et sans main-d’œuvre pour les planter, difficile de respecter la durée du plan.

Dans tous les appels à projet, l’enveloppe pas consommée dans le laps de temps imparti est perdue, et prolonger le dispositif semble compliqué rétorque les responsables à ceux qui tirent la sonnette d’alarme.

Les professionnels aimeraient voir s’installer un système de financement sur la durée.

La forêt c’est le temps long, ce n’est pas le temps politique.

Les futaies de chênes ont des cycles de production de 150 à180 ans. Tout est programmé depuis leur plantation pour leur évolution. On est très loin d’avoir des coupes de régénération suffisantes pour éviter le vieillissement et le dépérissement du bois.

On coupe moitié moins qu’il y a trente ans assure Gilles Bauchery. Mettre en route un plan de régénération des massifs forestiers prendra du temps.

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