Le CHRS Astrolabe à Blois : un lieu d'hébergement et d'écoute pour les femmes victimes de violences

 A Blois, l'association de soutien et de lutte contre les détresses ASLD 41 propose un abri et un accompagnement aux femmes. En 2018, le centre d'hébergement Astrolabe dans les quartiers nord de Blois a accueilli 48 femmes et 47 enfants. La grande majorité suite à des violences conjugales. 

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 Il faut que je me reconstruise. Que je m'aime un peu plus. Mais c'est très difficile

Caroline a vécu 18 ans avec son mari violent avant d'oser partir.
" On reste par amour et comment le quitter aussi ? Pour protéger ma vie je suis restée. J'avais très peur de le quitter. J'avais peur pour ma vie.

Cette femme âgée de 45 ans est arrivée à l'Astrolabe en juillet dernier. Elle est encore très fragile et a du mal à s'ouvrir aux autres.
" Il a toujours été violent en fait. C'était le vendredi soir quand il apprenait  une mauvaise nouvelle ou des ennuis au travail. Il buvait et après il ne fallait pas que je dise quelque chose sinon il s'énervait contre mois. Il me battait et m'insultait". 
Chaque mot lui pèse. Mais elle continue. " C'est moi qui ai décidé de partir parce qu'on m'a fait réaliser qu'il ne fallait pas que je reste avec lui." 

Ces années de violence et d'humiliation lui ont volé toute confiance en elle, toute estime de soi.
" Il faut que je me reconstruise. Que je m'aime un peu plus. Mais c'est très difficile", nous confie-t-elle en sanglots
 

 Remettre en route le processus de parole et de pensée 

Quand elles arrivent à l'Astrolabe, les femmes accueillies se voient proposer un entretien avec une psychologuue pour faire connaissance.

C'est là qu'intervient Gaël Dumond, psychologue :  " Mon rôle consiste à les entendre et ensuite à les accompagner par rapport à ce qu'elles ont vécu, à la violence, à l'emprise. Ensuite on va développer leurs potentialités et leurs compétences pour qu'elles deviennent actrices et qu'elles ne restent plus dans la position passive et de soumission qu"elles ont pu vivre."

La plupart du temps, les femmes qui viennent ici n'osent plus parler ou exprimer leur opinion. Elles ont vécu trop longtemps dans le silence imposé par le conjoint violent. 

" On les aide à mettre de la distance, à mettre des mots sur leur vécu, à évoquer leurs sentiments pour reprendre pied et prendre des décisions pour pouvoir partir dans une vie autonome, " poursuit Gaël Dumond. 

Avant d'arriver jusqu'à l'Astrolabe ça peut être très long. Souvent les femmes pensent que leur mari va changer. Pendant des années elles espèrent qu'il va changer. Quand elles prennent conscience qu'il ne changera pas, alors elles viennent à l'Astrolabe. Elles ne sont alors plus dans le déni.  
" Quand elles arrivent ici, c'est qu'elles se sont rendues compte que la violence qu'elles subissaient n'était pas normal. Elles ont déjà pris conscience qu'il fallait qu'elles partent pour pouvoir vivre ou alors pour que leurs enfants vivent dans un autre contexte.

Céline Simoës est éducatrice spécialisée à l'Astrolabe. Elle parle un long moment avec Caroline comme deux amis sur un canapé. 

C'est pour aider ces femmes à retrouver la parole perdue pendant des années que la psychologue de l'Astrolabe et les trois éducatrices se retrouvent dans la salle commune autour d'une crêpe ou d'un café. " C'est convivial. C'est un moment où on peut discuter. Cela permet aux dames de se rencontrer et de rompre avec l'isolement dont  elles souffrent beaucoup. Les soucis sont un peu mis de coté à ce moment-là. C'est une petite parenthèse dans les soucis qu'on peut avoir dans le parcours". 

Le plus long c'est pour les femmes qui ont subi des violences quand elles étaient enfants. "On voit un schéma de répétition qui se réinstalle à chaque relation affective. Pour elles, c'est beaucoup plus long. Cela demande un vrai travail thérapeutique que je ne fais pas seule. J'oriente aussi sur des structures extérieures pour un travail au long cours", explique la psychologue de l'Astrolabe. 

 

Chaimae, trois mariages forcés et une grande volonté d'être libre

Chaimae a 23 ans. Elle a été mariée de force trois fois. Elle est venue à l'Astrolabe le temps de son divorce. Mais sa vie est à Paris maintenant. "J'ai un appartement et mon travail là-bas. Mais je dois rester ici le temps que le divorce soit prononcé. Je n'en pouvais plus des pressions de ma belle-famille qui voulait que je porte le voile. Je suis une femme libre." 

Elle a quitté son mari et sa belle-famille il y a plus d'un an. 

Interview de Chaimae : 
 

Interview réalisée par Marine Rondonnier et Sanaa Hasnaoui

L'écoute des enfants

L'Astrolabe accueille beaucoup de femmes avec enfants qui rencontrent des problèmes de parentalité. " Nous travaillons beaucoup sur ce sujet avec les femmes que nous recevons ici. Nous recevons et écoutons aussi les enfants dès tout-petits. Ceux qui ont été confrontés à la violence conjugale sont aussi des victimes même si le mari violent n'est pas forcément un père violent. Notre travail est de faire en sorte que l'enfant se sente en sécurité sur le plan affectif", nous explique la psychologue de l'Astrolabe. 

Des appartements pour être à l'abri

Le CHRS Astrolabe de l'ASLD 41 ( Association de lutte et de soutien contre les détresses) accueille historiquement des femmes avec une spécificité pour l'accueil des femmes victimes de violences conjugales. Il accueille aussi de plus en plus de femmes en difficultés sociales ayant la nécessité d'une aide pour se reconstruire. 

Le service de l'Astrolabe fonctionne en diffus avec un parc de logements dans les quartiers nord de Blois. 

Les personnes sont accueillies seules ou en colocation. " "Il y a une prise en charge de deux mois qui est renouvelée tant que les projets ne sont pas aboutis et que la dame n'est pas autonome. Cela peut durer deux ans ou trois ans. Elles ont besoin de se poser. C'est plus long pour certaines. Mais ce n'est pas grave ", confie Céline Simoës, un sourire doux. 

Un accompagnement global

L’accompagnement social se veut global et individualisé en fonction des besoins de la personne et peut toucher tous les axes : le soin, la parentalité, l’administratif, l’insertion professionnelle, l’accompagnement dans et vers le logement, la (re) socialisation à travers les supports du collectif.

En 2018, le service de l’Astrolabe a accueilli 49 adultes et 47 enfants : 18 femmes seules, 20 femmes seules avec enfants, 5 couples avec enfants, 1 homme seul avec enfant.

Reportage de Marine Rondonnier, Sanaa Hasnaoui et Marianne Leroux : 
Reportage de Marine Rondonnier, Sanaa Hasnaoui et Armelle Garreau
Un poste clé : le référent départemental violence
  • Le constat : les besoins multiples des femmes et des enfants victimes de violences conjugales faisaient intervenir de nombreux acteurs, sans que la coordination des différents intervenants et la continuité des parcours soient systématiquement assurées.
Cette situation constituait une difficulté supplémentaire pour les femmes victimes qui devaient chercher des réponses partielles à leur problématique, auprès de plusieurs interlocuteurs. Fort de ce constat, l’État a souhaité mettre en place un référent unique de proximité.

L’objectif est de mettre en place, à travers ce poste, un guichet unique pour les femmes victimes, qui permet d’orienter vers les partenaires adaptés.

Cette mission est financée par l’Etat, les Villes de Blois et Romorantin et les bailleurs sociaux.

 
  • Les principales missions du Référent Départemental Violences :
  1.  Accueillir la victime et ses enfants et établir une évaluation de la situation
  2.  Apporter un soutien, établir une relation de confiance, expliquer les mécanismes de l’emprise et de la violence, amener la victime à s’engager dans un parcours de sortie de la violence
  3.  Fournir les premières informations sur les droits (prestations sociales, droits administratifs, sociaux, juridiques)
  4. Aider à compléter les documents administratifs liés aux demandes de logement, si nécessaire
  5.  Rechercher une mise à l’abri si nécessaire
  6. Relayer les demandes de logement auprès des bailleurs sociaux dans le cadre du dispositif accéléré
  7.  Orienter vers les partenaires adaptés aux besoins, et éventuellement mise en relation par un premier accompagnement physique, pour : L’accès aux Droits, Les dépôts de plainte, L’accès à l’emploi et à la formation,…
  8.  Participer aux actions de sensibilisation auprès des jeunes, des professionnels
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