Déportation : on vous raconte pourquoi un maire PS et un député RN se sont affrontés sur les réseaux

Pendant deux jours, Marc Gricourt, le maire PS de Blois et Roger Chudeau, député RN de la deuxième circonscription du Loir-et-Cher se sont livrés à de vifs échanges via les réseaux sociaux. Le sujet : la présence du député Rassemblement national à la Journée de commémoration de la Déportation le 30 avril à Blois.

Sur la photo, ils étaient côte à côte ce dimanche 30 avril pour la Journée nationale de la Déportation place de la République à Blois. " J'ai été invité à cette commémoration par le Préfet du Loir-et-Cher et le maire de Blois. Je serais venu de toute façon car c'est ma place d'élu de la République", raconte Roger Chudeau, député de la deuxième circonscription du Loir-et-Cher.

" Pendant la cérémonie, tout s'est bien passé. Marc Gricourt a été très courtois", poursuit le député. Quelle a été ma surprise en rentrant chez moi de découvrir ce post sur les réseaux sociaux du maire de Blois. Je n'en revenais pas."

Une présence du RN "difficile à supporter"

Ce post en question, le maire PS de Blois Marc Gricourt l'a publié après la commémoration de la Journée de la Déportation à Blois : 

"J’étais troublé de voir à nos côtés le député RN de Sologne quand on connaît l’histoire de l’extrême droite, de ce parti, sa reconnaissance en Petain, la collaboration avec Hitler et la complicité dans l’envoi de dizaines de milliers de Français(e)s dans les camps [...] C’est difficile à supporter. 😪 . Les temps présents sont vraiment troubles. "

Pour Marc Gricourt, joint par France 3 ce mardi 2 mai, " les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de toucher le maximum de personnes. Comme je fais traditionnellement un post après la Journée de commémoration de la Déportation, c'était cohérent." 

Selon lui, ce post entre totalement dans sa fonction d'élu : " En tant que républicain, je respecte l'élu dans sa fonction et ses électeurs. Mais je dois rappeler ce qu'est l'ADN de ce parti qui reste le même, un parti d'extrême-droite."

Le Rassemblement national essaie de se dédiaboliser, aidé par le gouvernement actuel. Je ne voudrais pas que les Françaises et les Françaises se réveillent trop tard.

Marc Gricourt, maire PS de Blois

Il raconte : "J'étais à Buchenwald il y a deux semaines. Là-bas, il n'y a pas de langue de bois. Tous les intervenants ont tenu des propos sur l'incompatibilité entre un bulletin d'extrême droite et la démocratie. La première appréhension des anciens déportés est la crainte d'une montée de l'extrême droite en Europe."

Des propos "anachroniques et inadmissibles" pour le député RN

Du côté du député du Rassemblement national de la deuxième circonscription du Loir-et-Cher Roger Chudeau, la réaction est immédiate. "C'est de la folie. On ne peut pas dire des choses comme ça. C'est anachronique. Nous représentons 13 millions d'électeurs. Je ne pense pas que la France compte 13 millions de fascistes," s'insurge le député également joint par téléphone.

Via Twitter, Roger Chudeau a demandé des excuses publiques à Marc Gricourt : " Je demande des excuses publiques à M. Marc Gricourt , maire de Blois, pour avoir insulté un parti républicain, le Rassemblement national , et l’un de ses membres élu, venu s’incliner au nom du peuple français devant la mémoire des victimes de la barbarie nazie. "

Il affirme pour sa part qu'il faut présenter trois caractéristiques pour être considéré comme un parti d'extrême droite : " être antiparlementaire, être totalitaire et être violent. Nous ne répondons à aucun de ces critères. Nous sommes 88 députés à l'Assemblée nationale.   Marc Gricourt fait de la politique avec de l'antifascisme primaire. C'est inadmissible. "

 

"Des excuses ? Certainement pas"

À cette demande d'excuses publiques du député, Marc Gricourt a opposé une fin de non-recevoir, toujours via les réseaux sociaux : 

" Je rappelle au député que nous sommes 'encore' en démocratie et que rappeler la réalité de l’origine et l’histoire de son parti d’extrême droite, le Rassemblement National, me semble essentiel en tant qu’élu dans mon devoir d’alerte de l’opinion", écrit l'édile. " Je respecte la fonction parlementaire de monsieur Chudeau, élu démocratiquement par le suffrage universel mais il ne m’empêchera jamais de rappeler cette réalité. Je confirme avoir été troublé, perturbé, heurté, par sa présence hier à une commémoration en mémoire de toutes ces victimes françaises du régime nazi avec la complicité de l’extrême droite de Petain."

Au téléphone, le maire persiste et signe : " Ce parti a déjà été condamné à plusieurs reprises pour des propos racistes.  Et mon devoir est de le rappeler aux électeurs et aux électrices. Ils doivent toujours se souvenir des origines de la création de ce parti. Il n'y a pas d'excuses à apporter."

Roger Chudeau pour sa part ne s'attendait pas à ce que Marc Gricourt accepte de présenter des excuses. " Je n'en fais pas une affaire personnelle. Mais je réagirai à chaque fois que le Rassemblement national sera attaqué de cette façon. C'est indigne du débat public."

Des Waffen-SS parmi les membres fondateurs du Front national

Si Marc Gricourt a posté ce message sur Facebook, c’est en effet, explique-t-il, pour que les électeurs n’oublient pas les origines du Rassemblement national, ex-Front national. Il s'est d'ailleurs engagé à les marteler dès qu'il le pourra.

Devenu Rassemblement national en 2018, le Front national a été fondé, comme l'explique l'encyclopédie Larousse, " le 5 octobre 1972 sous le nom de Front national pour l'unité française [...] par plusieurs membres du mouvement Ordre nouveau dans la perspective des élections législatives de mars 1973". À sa création, le Front national rassemble des membres issus de divers courants : des anciens de l’Algérie française, des nostalgiques du régime de Vichy, des catholiques traditionnalistes et même des résistants.

Mais parmi les membres fondateurs du Front national, figurent aussi deux anciens Waffen-SS français,  Pierre Emile Bousquet et Léon Edouard Gaultier, ce dernier étant originaire de Bourges. La Waffen-SS était la branche militaire de la Schutzstaffel, l’armée idéologique et garde rapprochée d’Adolf Hitler. Tous deux appartenaient à la Division Charlemagne pendant la Seconde guerre mondiale.

Pierre Bousquet a été trésorier du Front national pendant 9 ans avant de le quitter à la fin des années 80. Quant à Léon Gaultier, il compte parmi les membres fondateurs du conseil national du Front national, sans avoir de responsabilité particulière. Après avoir milité quelques années au FN et écrit épisodiquement dans Rivarol, il est progressivement écarté du cercle des amis de Jean-Marie Le Pen au début des années 1980.

La dédiabolisation par Marine Le Pen

Depuis son arrivée à la tête du Front national en 2011, Marine le Pen a tout mis en oeuvre pour respectabiliser la formation frontiste et en faire un parti de grouvernement. Elle souhaite faire oublier le passé et les membres fondateurs du parti liés aux heures les plus sombres de l'Histoire. 

50 ans après sa création, le Front national devenu Rassemblement national obtient 13,2 millions de voix au second tour de l’élection présidentielle en avril 2022 face à Emmanuel Macron. Aux législatives de juin 2022, le Rassemblement national décroche 89 sièges à l’Assemblée nationale, dont l'un sera à nouveau perdu fin janvier 2023. Un nombre record pour le parti.

Ce n'est pas la première fois qu'un député RN éprouve des difficultés avec les élus locaux de sa circonscription. Fin 2022, le député RN du Loiret Thomas Ménagé et plusieurs maires de sa circonscription, dont celui de Montargis, étaient à couteaux tirés à la veille des commémorations du 11 novembre.

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